DE NOTRE CORRESPONDANTE
NOUS PASSONS en moyenne 80 % de notre temps en milieu fermé (logement, bureau, école...) et pourtant la qualité de l’air que nous y respirons est encore peu connue. Les études scientifiques sont récentes, et l’impact sur la santé souvent sous-estimé. Le colloque organisé à Lille sur la qualité de l’air intérieur a permis de faire le point sur les dernières données collectées en France sur le sujet, en particulier les résultats de l’enquête Habit’Air Nord - Pas-de-Calais, lancée en 2003 dans 60 logements. Durant trois ans, la qualité de l’air intérieur de ces 60 habitations a été testée, pour développer des solutions de prévention et de traitement. Des dizaines de polluants ont été étudiés durant une semaine chez 60 volontaires vivant dans la région.
Les premiers résultats réservent quelques surprises. Un logement sur cinq dépasse la valeur guide de l’OMS pour le monoxyde de carbone. Les équipements de chauffage vétustes et mal entretenus sont souvent en cause. Autre chiffre alarmant : le formaldéhyde, molécule classée « cancérigène certain pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer est présent dans tous les logements, souvent en quantité importante (entre 2,8 et 47 µg/m3, alors que la valeur de référence est de 10 µg.
Le benzène, également connu pour ses effets cancérigènes, est présent dans un logement sur trois, le toluène dans 59 logements sur 60. Quant aux poussières, elles sont présentes dans tous les logements à des valeurs dépassant les seuils d’exposition chronique. Des chiffres assez inquiétants lorsque l’on sait qu’une personne passe en moyenne de quatorze à quinze heures par jour dans son habitat.
Tous ces polluants peuvent provoquer ou aggraver des pathologies. L’explosion des cas d’asthme par exemple (multipliés par quatre en trente ans, avec 3 millions de Français touchés) n’est pas sans rapport avec une exposition prolongée à ces polluants.
Les effets varient selon le polluant, la durée d’exposition et le récepteur. Malheureusement, les personnes qui passent le plus de temps à l’intérieur sont aussi les plus vulnérables : personnes âgées, enfants et malades.
Pour le Dr Monique Nolf, du centre antipoison de Lille, c’est le cumul de plusieurs polluants qui est dangereux. «La présence importante de monoxyde de carbone, ajoutée à d’autres sources de polluants comme les résidus de gazinières, les fumées de tabac et les gaz de voitures (dans les maisons possédant un garage au rez-de-chaussée) peuvent induire des intoxications aiguës. De même pour les benzènes associés aux émanations de voitures et de feux à pétrole.»
La spécialiste, qui a étudié avec son équipe 800 produits relevés dans 60 logements, a fait des constats surprenants : «On ne s’explique pas la présence de certains composants (des aldéhydes notamment) dans les matériaux de construction. Les fabricants eux-mêmes ignorent parfois la composition de leur produit. Nous avons également décelé, dans plusieurs logements, du lindane, produit rigoureusement interdit en France. S’agit-il d’un phénomène de rémanence, ou certains industriels font-ils fi de l’interdiction?»
Les parfums utilisés dans les produits d’entretien et les désodorisants sont également dénoncés à cause des risques qu’ils présentent pour la santé.
Faute d’études précises sur tous les polluants présents dans nos logements, les spécialistes recommandent une certaine prudence. Pour eux, le principe de précaution s’impose, en attendant la publication de données scientifiques.
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