Spécialisée dans la promotion de la santé et la prévention des conduites à risque auprès des 15-30 ans, l'association Aremedia et son équipe, dirigée par Marc Shelly, médecin à l'hôpital Fernand-Widal (Paris), en lien avec Marie Choquet (unité Santé de l'adolescent de l'INSERM), met en évidence, pour la première fois, une exposition aux accidents de la voie publique augmentée de façon significative chez les jeunes femmes victimes d'abus sexuels pendant leur enfance. Les résultats de cette étude sont présentés dans le cadre de la 4e Conférence européenne sur la promotion de la sécurité et le contrôle des traumatismes, qui se tient aujourd'hui et demain à Paris sous l'égide de la Commission européenne.
Les données concernent près de 1 500 jeunes Franciliens des deux sexes (d'âge médian de 20 ans pour les femmes et 22 ans pour les hommes). Elles sont issues d'une recherche-action menée au CIDJ (centre d'information et de documentation jeunesse) à l'aide d'un outil informatique interactif (« Prévention à la carte ») conçu et développé par l'association Aremedia. Il permet au consultant anonyme d'inscrire sa trajectoire biographique, ses pratiques et comportements à risque éventuels, tout en lui livrant des messages personnalisés en fonction de la situation rencontrée, l'incitant notamment au recours à la téléphonie sociale anonyme et gratuite (Fil Santé Jeunes, Viol Femmes Info Service, etc.).
Dans cet échantillon de population a priori non sélectionné, la prévalence des abus sexuels dits « précoces » - impliquant un contact génital, allant de l'attouchement à la pénétration, et survenant avant l'âge de 12 ans - s'établit à près de 8 % chez les femmes et la moitié chez les hommes. Une telle prévalence est pratiquement identique à celle enregistrée par une des rares enquêtes épidémiologiques européennes, récemment menée en Finlande auprès de 7 000 jeunes constituant un échantillon national représentatif d'une classe d'âge.
Avant 12 ans
Dans l'étude d'Aremedia, chez les hommes victimes d'abus sexuels avant ou après l'âge de 12 ans, aucune relation n'apparaît avec le risque d'accident de la voie publique.
En revanche, chez les femmes, et seulement lorsque l'abus s'est produit avant 12 ans, cette association existe, avec un risque pratiquement multiplié par trois (2,93), indépendamment d'éventuels facteurs associés susceptibles d'interférer avec le risque d'accident (suicide, consommation d'alcool, de médicaments psychotropes ou de drogues illicites).
Le fait de s'être confiée à quelqu'un (dans la grande majorité des cas, une amie du même âge) apparaît comme un puissant facteur de protection, puisque le risque d'accident s'élève de façon significative jusqu'à 7,5 pour celles qui n'en ont jamais parlé, non sans demeurer substantiel (2,3) chez les autres.
On ignore les logiques sous-jacentes à cette suraccidentalité spécifique : impulsivité, mauvais évitement ou attraction du danger, tentative de revictimisation traumatique ?
Quoi qu'il en soit, l'identification de ce nouveau risque, potentiellement mortel, lié à l'abus sexuel précoce, et s'exprimant à distance lointaine dans le temps, élargit l'éventail des sérieuses conséquences à long terme actuellement connues de ce psychotraumatisme majeur, qui apparaît à l'adolescence et chez l'adulte jeune : grossesses précoces, le plus souvent non désirées, IVG à répétition, infections sexuellement transmissibles, conséquences d'une sexualité non protégée, associée à une grande instabilité affective et sexuelle (multipartenariat et souvent prostitution épisodique) ; abus d'alcool (voire alcoolodépendance, particulièrement évocatrice chez la femme), surconsommation de médicaments psychotropes (et souvent automédication) ; troubles du comportement alimentaire (anorexie ou boulimie, avec ou sans vomissements forcés), automutilations, tentatives de suicide répétées, etc.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature