Il est 8h25, chemin des Hêtres, à Saint-Galmier (Loire). Après dix minutes dans la salle d’attente, le Dr Laurence Jacquin, nutritionniste, s’installe face aux Drs Bruno Meyrand et Isabelle Berthouze, généralistes qu’elle vient voir « avec, confie-t-elle, la drôle d’impression d’être une visiteuse médicale ». Mais il faut en passer par là... Coordonnatrice du réseau régional des Troubles du comportement alimentaire (TCA), créé il y a plus de quatre ans, la jeune médecin a notamment pour mission de développer les liens avec les généralistes.
« Comme pour d’autres pathologies, le généraliste est central et souvent en première ligne dans la prise en charge, remarque Laurence Jacquin. Mais contrairement au diabète, par exemple, les médecins traitants rencontrent beaucoup moins de patients concernés. »
Pathologies difficiles à repérer
Ainsi, une enquête menée dans la Loire fin 2008 a montré que 53% des médecins disent n’avoir aucun patient en cours de traitement. On connaît néanmoins les difficultés qu’il y a à repérer ces pathologies, vécues le plus souvent dans le déni. Le Dr Bruno Meyrand reconnaît « ne suivre aucune personne anorexique actuellement », tandis que sa consœur Isabelle Berthouze affirme rencontrer cette pathologie « environ cinq fois par an ». Les deux associés, pourtant, sont tout prêts à entrer dans le réseau, pour être mieux armés face aux patients anorexiques ou boulimiques. Le dossier que le Dr Jacquin présente ce matin-là à ses deux confrères est « bien fait et synthétique », selon le Dr Meyrand, « pratique et objectif », pour le Dr Berthouze. « Nous l’avons allégé au maximum, explique la nutritionniste. Mais beaucoup de nos collègues sont débordés et redoutent toujours d’avoir trop de paperasse. » Cette crainte, ajoutée à la faible affluence de patients et, pour certains, à l’appartenance à un ou plusieurs réseaux, rend difficile le recrutement des généralistes.
C’est pourquoi, après avoir misé sur l’implication des généralistes, les responsables du réseau pratiquent le plus souvent une inclusion directe des patients dans l’un des centres de référence régionaux... En investissant tout de même dans l’information et la formation des omnipraticiens. Comme l’an dernier, de nouvelles journées et soirées d’informations sont ainsi prévues cet automne dans la Loire. Cela fait partie des attentes des médecins, dont près de 60% reconnaissent avoir des difficultés dans le diagnostic des TCA, selon l’enquête menée dans la Loire. 26 % espèrent de la collaboration avec le réseau un soutien dans le diagnostic, tandis que 31 % attendent plus d’information et de formation et 41 %, une aide dans l’adressage et une prise en charge coordonnée. « Dans la Loire, relève le Dr Meyrand, également président de l’Adepul, association de FMC du département, nous avons un centre de référence des TCA en pointe et très dynamique et donc, beaucoup d’entre nous ont déjà suivi des formations sur ces sujets ».
Améliorer le dépistage
Mais tout le monde n’a pas cette chance, ce qui peut être problématique, notamment au moment du dépistage, mais aussi dans l’adressage à des spécialistes. « L’amélioration du dépistage est l’un des buts premiers de ce réseau, souligne le Dr Jacquin. Et c’est une question particulièrement à vif pour les personnes anorexiques, qui ont souvent tendance à nier leur pathologie ou à la vivre dans le secret. » Pourtant, on estime à 10 % la proportion d’adolescentes concernées par un TCA. « Il nous arrive d’être complètement démunis face à une jeune anorexique, admet le Dr Nicole Bez, présidente du collège généraliste de l’URML de Rhône-Alpes. Psychiatre ou endocrinologue, on ne sait pas à qui l’adresser. Or il faut que, sur un coup de fil, on puisse la confier à des médecins dont c’est vraiment la spécialité ».
Le Pr François Lang, psychiatre stéphanois spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire et président du réseau, sait bien que « ce n’est pas évident pour un généraliste de repérer, puis de traiter seul cette pathologie. Elle est très difficile à aborder et à prendre en charge dans la continuité parce qu’il y a une intrication étroite du physique et du psychique. Les manifestations psychiques, en particulier, sont très complexes et souvent déroutantes pour les professionnels. Les patients ont de telles difficultés à investir la vie, le mouvement de la vie... »
Le médecin stéphanois espère que le réseau rhônalpin apportera plus de lisibilité et une meilleure continuité entre les professionnels de santé et les acteurs sociaux et scolaires, et d’un territoire à l’autre. Outre les trois pôles déjà impliqués, le réseau TCA devrait bientôt avoir un référent à Grenoble. « Face à la dispersion de ces patientes qui, souvent, adhèrent mal au traitement, le maillage régional va enfin va permettre de consolider la filière de soins, conclut le Dr Jacquin,
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