ALERTÉS par le nombre anormalement élevé d'agriculteurs atteints d'insuffisance respiratoire, la Mutualité sociale agricole et le service de pneumologie du CHU de Besançon se sont associés, en 1985, pour en étudier les causes et les mécanismes. Un programme de dépistage a alors été mis en place dans le cadre des examens de santé proposés tous les cinq ans par la MSA dans le département du Doubs. Il a confirmé l'ampleur du problème : environ 10 % des agriculteurs étaient victimes de problèmes respiratoires aigus ou chroniques d'origine professionnelle. Un certain nombre de pathologies ont pu être identifiées et regroupées sous l'acronyme Pappa (pathologies pulmonaires professionnelles agricoles). L'une des plus fréquentes – elle touche 1,8 % des producteurs laitiers dans le Doubs –, la maladie du poumon de fermier, évolue vers une insuffisance respiratoire dans 30 % des cas. Elle est due à l'inhalation chronique des moisissures qui se développent dans les végétaux (généralement le foin) stockés dans des endroits insuffisamment secs. Les personnes vivant dans les zones de production laitière froides, humides et soumises à de longs hivers nécessitant la stabulation prolongée du bétail, sont les plus exposées. L'incidence de la maladie est, par ailleurs, significativement corrélée à la densité des campagnols : leur multiplication favorise la présence de terre et d'humidité dans le foin et par la même occasion la prolifération de micro-organismes pathogènes. En fonction du contexte professionnel, d'autres pneumopathies d'hypersensibilité peuvent être observées, comme la maladie des éleveurs d'oiseaux, la maladie des champignonnistes, la maladie des fromagers ou les pathologies liées au travail du bois.
La distribution géographique de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (Bpco) professionnelle est proche de celle du poumon de fermier, ce qui suggère des facteurs étiologiques communs (micro-organismes et toxines développés dans le foin). Les poussières végétales (céréales, foin, lin, paille...) et les micro-organismes qui s'y développent (moisissures, bactéries et toxines bactériennes et fongiques sont les aérocontaminants les plus répandus. Mais il en existe d'autres, comme les protéines et les squames d'animaux, les acariens et les insectes, ou encore les produits chimiques et les gaz toxiques (NH3, H2S, CO2, CO, NO2, SO2, pesticides, engrais). Les formes cliniques sont multiples. En plus de celles déjà citées figurent parmi les Pappa les rhinites, l'asthme allergique et non allergique, les broncho-pneumopathies toxiques, le syndrome toxique des poussières organiques (fièvre des poussières), la maladie des silos (due au NO2 qui se dégage des substances fourragères ensilées), l'oedème et la fibrose pulmonaire ou le cancer bronchique. Le tout forme un ensemble de pathologies «complexes et intriquées, dont le diagnostic, la prise en charge et le traitement sont difficiles et dont les conséquences sociales et financières peuvent être douloureuses».
Système de ventilation et masques.
Vingt années de recherche ont permis de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques. Certains facteurs climatiques et professionnels favorisant la contamination des fourrages ont été identifiés, ce qui a abouti à la mise en place de mesures de prévention. Les unes visent à améliorer les conditions de travail, comme les systèmes de ventilation et d'aération pour favoriser l'évacuation des poussières, les autres à assurer une meilleure protection individuelle, tels les masques.
Tous ces acquis, qui ont déjà bénéficié à beaucoup d'agriculteurs, doivent encore être plus largement diffusés. C'est en tout cas l'objectif du réseau Pappa, créé en avril 2006 : «Que chacun sur le territoire franc-comtois puisse avoir la meilleure information, le meilleur traitement et la meilleure prévention, compte tenu des acquis scientifiques actuels», affirment le Pr Jean-Charles Dalphin (service de pneumologie, CHU Jean-Minjoz, Besançon) et le Dr Jean-Jacques Laplante (MSA), les deux responsables du réseau. Destiné à tous ceux qui souffrent de problèmes respiratoires, qu'ils soient salariés ou non du régime agricole, actifs, retraités ou ayants droit, demeurant en Franche-Comté ou dans les cantons limitrophes, le réseau propose une prise en charge pluridisciplinaire.
Les patients bénéficient de différents services : consultation auprès d'un professionnel du réseau, médecin du travail, médecin-conseil, médecin du service de pneumologie ; visite de l'exploitation agricole par un conseiller de prévention ; conseil pour l'amélioration des conditions de travail ; analyses par le service de mycologie-parasitologie du CHU. Des kits respiratoires avec différents types de masques sont disponibles. Des aides financières sont possibles.
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