Dans le Nord  -Pas-de-Calais

Un réseau de santé pour les sourds

Publié le 06/12/2005
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DE NOTRE CORRESPONDANTE


ILS SONT cinq à sept mille dans le Nord - Pas-de-Calais à souffrir d'une surdité de naissance ou acquise avant l'apprentissage du langage. Souvent exclus de l'enseignement en raison de leur handicap, ils maîtrisent mal l'écrit et se trouvent très pénalisés dans la vie quotidienne. Se soigner est pour eux un parcours du combattant : comment expliquer au médecin où l'on souffre et ce que l'on ressent... lorsque l'on doit se contenter de griffonner sur une feuille de papier.
Jusqu'ici, les sourds se faisaient accompagner d'un proche pour leur consultation ou d'un interprète lorsque c'était possible. Aujourd'hui, ils disposent d'un pôle d'accueil spécialement adapté à leur handicap : un généraliste formé à la langue des signes assure régulièrement une consultation, avec l'aide de paramédicaux sourds qui assurent la médiation. Limitée au départ à la métropole lilloise, cette consultation a essaimé dans toute la région. Et depuis quelques semaines, quatre hôpitaux du Nord - Pas-de-Calais se sont regroupés en réseau, le réseau Sourds et Santé, et proposent un accueil adapté aux patients sourds des deux départements.
« Il existait déjà un réseau associatif très fort, souligne Dr Benoît Drion, qui a créé la première consultation en 2002 à l'hôpital Saint-Philibert de Lomme (près de Lille) et plusieurs initiatives avaient déjà vu le jour dans le cadre des programmes régionaux de santé. L'association Sourdmédia développait l'accès aux soins de santé mentale pour adultes sourd, et VIA proposait un service d'interprètes. Ensemble, nous avons décidé de développer un projet commun. »
C'est ainsi qu'est né Sourds et Santé, le premier réseau pour patients sourds créé en France, avec le soutien de la direction régionale des réseaux.

Un pont entre les deux cultures.
Les malades envoient leur demande de rendez-vous par fax ou mail à l'hôpital Saint-Philibert, qui centralise le planning. Et, deux fois par mois, l'équipe se rend aux centres hospitaliers d'Arras, de Dunkerque, Valenciennes, et Saint-Vincent-de-Paul (Lille). Chaque fois, le Dr Drion se déplace avec sa secrétaire, qui maîtrise très bien la langue des signes, pour l'avoir apprise comme langue maternelle avec ses parents sourds. La communication est en effet la principale difficulté de ces consultations.
« La culture du sourd n'est pas du tout la même que celle des entendants, et il faut impérativement établir un pont entre les deux, explique Benoît Drion. C'est pour cette raison que la présence de paramédicaux sourds est essentielle. Car le message ne passe bien que s'il est transmis par une personne sourde ! »
Pour certaines maladies qui requièrent une forte participation du patient, cette médiation est essentielle. A l'hôpital Saint-Philibert, l'équipe suit une trentaine de diabétiques qui avaient tous des problèmes de traitement. « Lorsqu'ils sont arrivés chez nous, aucun n'était bien équilibré, parce que le suivi d'un diabétique est difficile. Et la barrière du langage entraîne de nombreuses incompréhensions. »
Les diabétiques représentent à eux seuls 17 % des patients suivis à la consultation de Lomme. Depuis son ouverture, en 2002, le pôle d'accueil a pris en charge 360 patients (il en attend 300 en 2005). Parmi eux, 40 % viennent pour se faire expliquer un traitement ou les spécificités de leur maladie.
Devant ce déficit de connaissances dû à leur handicap, les promoteurs du réseau souhaitent aujourd'hui intensifier la prévention. Ils ont déjà réalisé des DVD doublés en langue des signes sur la grossesse et l'alimentation. Mais ils aimeraient aller plus loin, en proposant, par exemple, des groupes d'aide à l'arrêt du tabac ou des séances collectives d'information sur le sida, la contraception ou le diabète. Dans cette optique, ils ont demandé des moyens supplémentaires à la direction régionale des réseaux afin de créer un poste spécifique pour la prévention. Le dossier est à l'étude.

Pôle régional d'accueil pour sourds, 03.20.22.38.03.

> FLORENCE QUILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7858