PRÉPARÉ depuis près de deux ans par l'Union européenne, le règlement spécifique sur les médicaments pédiatriques qui vient d'être adopté par le Parlement européen doit répondre à une lacune de la politique pharmaceutique européenne : alors que l'Union compte 100 millions de jeunes de moins de 18 ans, la quasi-totalité des médicaments administrés aux enfants de tous âges est constituée de médicaments pour adultes, dont les dosages sont abaissés en fonction du développement de l'enfant. Il en résulte souvent des traitements imparfaits ou inadaptés, et même des effets secondaires graves qui pourraient être évités grâce à des produits spécifiquement mis au point pour les enfants, par exemple en cancérologie.
Aux Etats-Unis, il existe déjà une centaine de médicaments exclusivement destinés aux enfants, mais l'Europe accuse un grand retard dans ce domaine.
Incitations financières.
Le nouveau règlement européen vise donc à promouvoir la mise au point de médicaments pédiatriques, avec plusieurs mécanismes d'incitation, tant scientifiques qu'économiques. Un comité pédiatrique sera créé au sein de l'Agence européenne du médicament de Londres pour évaluer les besoins dans ce domaine. Plusieurs mesures de simplification administrative, visant, entre autres, à éviter les essais cliniques redondants, permettront d'accélérer la mise au point de nouveaux produits. Lors du développement de nouveaux médicaments pour « adultes », les industriels devront mener, en même temps, des recherches sur une version destinée aux enfants, sans qu'elle ne retarde pour autant la mise au point du produit « adultes ». Un fond de recherche permettra de financer des études sur des médicaments qui, déjà tombés dans le domaine public, pourraient présenter un nouvel intérêt en pédiatrie.
Parallèlement, les industriels seront incités financièrement à développer ces médicaments grâce à une prolongation de 6 mois de leur certificat complémentaire de protection (brevet), ce qui leur permettra de compenser leurs investissements : six mois de protection supplémentaires représentent, selon la Commission européenne, un bénéfice allant de 800 000 à 9 millions d'euros. Actuellement, la protection maximale, avec le brevet initial et le certificat complémentaire, ne peut dépasser 15 ans.
Le vote du Parlement européen sera suivi d'une seconde lecture puis d'un nouveau vote, et le règlement pourrait entrer en vigueur dès 2006, estime Françoise Grossetête, députée française rapporteuse du texte devant l'Assemblée. Pour elle, la protection supplémentaire de 6 mois, critiquée par certains députés parce qu'elle est trop longue, permettra vraiment de développer ces médicaments. Elle se traduira par un renchérissement de 0,7 à 1 % du prix des médicaments concernés, mais la commercialisation de médicaments mieux adaptés aux enfants permettra d'accroître leur efficacité et de diminuer les effets indésirables : au-delà de leur intérêt médical, a rappelé Françoise Grossetête, elle se révélera donc aussi économiquement rentable.
Satisfaction des fabricants.
Bien que plusieurs industriels aient souhaité une prolongation du certificat plus longue que celle accordée, les industriels européens ont exprimé leur satisfaction à l'issue du vote. Ainsi, pour la Fédération européenne des associations de l'industrie pharmaceutique, « ce texte équilibré va stimuler la recherche pédiatrique pour améliorer la santé des enfants » ; la Fédération souhaite qu'il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.
De son côté, le Leem (Les Entreprises du médicament ), association qui regroupe la quasi-totalité des laboratoires présents en France, estime que « l'adoption par le Parlement européen du rapport en faveur d'un nouveau règlement sur les médicaments pédiatriques est un pas important dans la mise en place d'un dispositif européen qui pourra stimuler le développement de formules thérapeutiques adaptées aux enfants qui faisaient souvent défaut jusqu'ici ».
Le Leem voit dans cette étape « une avancée déterminante en faveur d'un cadre particulier concernant la recherche scientifique, les études cliniques et les développements industriels, qui soit aussi incitatif que celui existant actuellement outre-Atlantique ». Ce nouveau réglement, selon le Leem, « permettra une meilleure prise en compte des complexités et des exigences particulières liées à la prise en charge des affections des enfants ».
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