REPORTAGE sur la psychiatrie et ses défaillances ou regard critique sur notre société ? Sans doute un peu des deux. Le documentaire que propose Canal+ ce soir, à 20 h 50, se veut interrogateur : «Une société qui traite comme cela ses malades et ses prisonniers est une société qui régresse en termes de civilisation», souligne Jean-Thomas Ceccaldi, un des réalisateurs, en écho au propos d'un des intervenants, le Dr Gérard Dubret, psychiatre expert près les tribunaux. «Une société a la psychiatrie qu'elle mérite», explique d'ailleurs ce dernier.
Trajectoires de patients.
Mais c'est à travers le parcours de quelques patients que Jean-Thomas Ceccaldi et Samuel Luret ont choisi d'explorer le sujet. Les premières images sont d'ailleurs celles d'une femme qui chante, dont on devine très vite qu'elle est un de ces «exilés de la raison», cet «autre inquiétant» qui vient remettre en cause nos certitudes. Et l'on devine très vite que le voyage ne sera pas de tout repos, la souffrance psychique est là présente à chaque plan, impromptue, elle saute à la figure.
«On ne me donne pas ce dont j'ai besoin pour vivre», explique l'un d'entre eux, venu de lui-même aux urgences de Sainte-Anne après s'être enfui de l'hôpital de Chartres où il avait été placé d'office. «Paris est mon pays», se plaint-il, avant de prendre ses médicaments comme le noyé sa bouée de sauvetage. Il est schizophrène et son séjour à Paris s'arrêtera là, sectorisation oblige. «Pas de prime à la poésie, regrette le Dr Marie-Jeanne Guedj, chef de service du CPOA (centre psychiatrique d'orientation et d'accueil) de Sainte-Anne. Le temps est à la rentabilité.» Le centre tente de répondre à toutes les souffrances et de maintenir la continuité des soins. Maureen, une adolescente en crise, arrive après une tentative de suicide. Sa mère, ce jour-là, craque aux urgences : «Je ne vis plus depuis qu'elle est née.» On diagnostiquera une dépression, installée sans que ni la mère ni la fille ne s'en aperçoivent. On les retrouvera au CMP (centre médicopsychologique) de Massy, où elles seront suivies en ambulatoire. Très impliquée localement, l'équipe du centre, dirigé par le Dr Danièle Bonel, intervient aussi à l'hôpital psychiatrique de Sainte-Geneviève-des-Bois. L'un des patients, parmi la trentaine de malades qui y sont hospitalisés, est en plein délire. La caméra filme, avec la retenue qu'il faut, la scène de contention qui suit.
La prison et la rue.
Témoignages de patients, discussions entre soignants sur le manque de moyens, à Sainte-Geneviève-des-bois ou à Melun, ce sont les mêmes interrogations. À Melun (Seine-et-Marne), particulièrement, qui fait partie des secteurs les plus sinistrés, avec 14 psychiatres pour 100 000 habitants, contre 88 pour cent mille ailleurs. C'est là que Maria-Soledad mène un combat désespéré pour faire hospitaliser son fils Mathieu, schizophrène, dont la maladie empire. Manque de soignants, manque de structures, après quelques séances de sismothérapie à 150 km de chez elle, il faudra plusieurs mois avant qu'il ne soit admis à l'hôpital de Melun.
Le documentaire n'élude rien, ni l'augmentation de plus de 30 % du nombre de détenus atteints de troubles psychiatriques (12 000 personnes, dont 4 000 schizophrènes), ni le nombre croissant de malades non soignés qui se retrouvent à la rue. Frédéric, 40 ans, est de ceux-là. Ancien maçon, la maladie – «il entend des voix» – l'a poussé vers l'exclusion : depuis quatre ans, il a installé sa tente au coeur du bois de Boulogne. Lors d'une maraude, Sylvie, infirmière au service Précarité et Santé mentale de Sainte-Anne, croisera sa route et le conduira à se faire soigner. Malgré les voix qui se sont tues, il préférera sa tente dans la forêt plutôt que la chambre qui lui sera proposée : «Il n'y avait pas de vie», s'excusera-t-il.
Lundi 20 octobre, 20 h 50.
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