Comme l'ANAES le souligne, l'ostéoporose est une maladie diffuse du squelette, caractérisée par une diminution de la masse osseuse et une altération de la micro-architecture du tissu osseux. Elle engendre une augmentation de la fragilité osseuse qui majore le risque de fracture. Son traitement fait appel aux bisphosphonates ou aux modulateurs sélectifs de l'activation des récepteurs aux estrogènes (SERM). L'objectif de ce traitement est la diminution du risque fracturaire. Comme l'a souligné l'OMS, la mesure de la densité minérale osseuse (DMO) par absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DEXA) semble être le meilleur facteur prédictif de ce risque. Toutefois, les dernières études publiées ont montré que les variations de cette mesure n'expliquent pas bien l'efficacité des traitements antirésorbants. En effet, la variation de DMO rend compte d'une faible proportion de la réduction du risque fracturaire chez les patientes traitées (4 % seulement sous raloxifène, de 15 à 30 % sous bisphosphonates selon les études). Par ailleurs, il n'est pas utile de renouveler l'examen avant deux ans, en raison de la variabilité intrinsèque de la mesure de la DMO.
DMO : limites et alternatives
Les limites de la densitométrie pour le suivi du traitement antirésorbant de l'ostéoporose pourraient s'expliquer de deux manières différentes selon les auteurs. Pour les partisans de l'hypothèse « pathogénique », les modifications induites par les traitements ne seraient pas bien analysées par la mesure de DMO. Celle-ci fournit en effet un résultat composite traduisant des phénomènes divers dont l'influence sur la résistance biomécanique est variable : degré de minéralisation du tissu osseux, mais aussi micro-architecture trabéculaire ou macro-architecture osseuse globale de l'os (notamment son calibre). D'autres paramètres, tels que la qualité de la matrice collagénique ou le degré de vitalité cellulaire, ne sont pas pris en compte par la variation de DMO. La seconde approche, qui bien sûr n'exclut pas la précédente, met en avant des difficultés méthodologiques. Les variations de densité minérale osseuse observées sous traitement seraient en effet de faible importance quantitative comparativement aux erreurs de mesure liées à l'absorptiométrie biphotonique aux rayons X elle-même. De plus, le nombre absolu d'événements fracturaires est faible dans les études, même si le risque relatif diminue environ de moitié.
Les difficultés d'appréciation de l'évolution du risque fracturaire sont particulièrement évidentes dans le cas du traitement par la parathormone, le tériparatide, déjà commercialisé aux Etats-Unis et qui vient d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché en Europe. Il s'agit d'un polypeptide formé de la fraction 1-34 de cette hormone dont l'administration intermittente par voie sous-cutanée quotidienne a une action ostéoformatrice. Alors que la DMO mesurée au radius diminue sous ce traitement, la résistance mécanique de l'os augmente, notamment grâce à l'augmentation de l'apposition périostée, et le nombre de fractures tend à baisser.
Les paramètres cliniques, comme les douleurs ou la taille par exemple, ne constituent bien évidemment pas un moyen fiable de suivre l'évolution du risque fracturaire sous traitement. Les marqueurs biochimiques du remodelage osseux, en revanche, sont potentiellement utiles pour suivre l'efficacité des traitements. Ainsi, leur variation sous traitement est étroitement corrélée avec la réduction du risque fracturaire, au moins jusqu'à 50 % de la valeur initiale. Il a également été suggéré que la mesure préthérapeutique d'un marqueur puisse être utile pour prédire l'efficacité des traitements. On peut ainsi imaginer, dans l'avenir, pouvoir déterminer le choix du traitement, inhibiteur de la résorption ou stimulateur de la formation osseuse en fonction du profil des marqueurs du remodelage.
Par ailleurs, l'observance du traitement antirésorbant est un élément essentiel du bénéfice clinique. L'étude IMPACT a cherché à évaluer l'effet de l'utilisation des marqueurs osseux sur l'observance du traitement. Dans cette étude, l'utilisation d'un message verbal fondé sur l'évolution du taux des marqueurs a permis d'augmenter cette observance de manière significative. Il est également important de souligner que le suivi de ces marqueurs permet de vérifier rapidement, dans les 3 à 6 mois, la matérialité de l'observance et du respect des conditions de prise pour les bisphosphonates.
Dans l'avenir, l'étude de différents isomères de ces marqueurs pourrait fournir des informations qualitatives sur le remodelage osseux. Elle pourrait également permettre de déterminer des profils spécifiques en fonction de l'étiologie de l'ostéoporose.
D'autres approches de l'étude de l'évolution du suivi de l'ostéoporose sous traitement sont encore du domaine de la recherche. Il s'agit par exemple de l'étude de la microarchitecture trabéculaire et corticale par microtomodensitométrie en trois dimensions à très haute résolution, par l'imagerie par résonance magnétique nucléaire ou l'appréciation de la texture osseuse à partir de clichés radiologiques par analyse mathématique fractale.
D'après un entretien avec le Pr Thierry Thomas, Saint-Etienne.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature