Blocage hormonal dans le cancer de la prostate

Un regain d'intérêt pour la testostéronémie

Publié le 05/06/2007
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À CE jour, selon les recommandations formulées par l'Association française d'urologie, dans le cancer de la prostate, le dosage de la testostéronémie a pour unique indication l'affirmation du caractère hormonorésistant de la tumeur. En effet, chez un patient traité par suppression androgénique, une progression clinique ou, plus fréquemment, biologique - marquée par une ascension du taux de PSA -, est fortement en faveur de l'hormonorésistance du cancer, mais celle-ci ne peut être affirmée que devant la constatation d'un taux de testostérone qui se situe au-dessous du seuil de castration.
Mieux cerner les patients à haut risque de récidive. Certaines pistes commencent néanmoins à se dessiner, qui tendent à indiquer que le dosage du taux de testostérone pourrait présenter un intérêt pronostique dans le cancer de la prostate. De nombreuses observations portent, en effet, à penser que l'existence d'une testostéronémie basse lors de la découverte d'un cancer de la prostate est probablement un facteur de mauvais pronostic, car cela signifie que le cancer s'est développé dans une atmosphère pauvre en testostérone et a donc une capacité de croissance indépendante de cette dernière, d'où une moindre efficacité du traitement par suppression androgénique.
Ce concept demande toutefois à être validé avant que la testostéronémie puisse être utilisée comme facteur pronostique. Si cette validation devient effective, cela devrait permettre d'affiner les traitements de première intention du cancer de la prostate. En effet, on s'efforce de définir des profils de patients à haut risque de récidive, c'est-à-dire chez lesquels le traitement curatif est fortement susceptible d'échouer, afin de leur proposer d'emblée un traitement combiné associant chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie ou hormonothérapie.
A l'heure actuelle, pour évaluer le risque de récidive chez un patient, on se fonde sur des éléments tels que le stade de la maladie, le taux de PSA et le score de Gleason. Il n'est pas exclu que le taux de testostérone mesuré lors du diagnostic puisse constituer un élément supplémentaire permettant d'affiner le profil de risque des patients, cela conduisant, dans certains cas, à opter pour une chimiothérapie concomitante, adjuvante ou néoadjuvante.
Un taux résiduel peut-être souhaitable. Une controverse s'est fait récemment jour entre les partisans d'une castration visant à effondrer la testostéronémie et ceux qui considèrent qu'il est préférable de maintenir un taux résiduel de testostérone. Si une castration à un niveau très bas peut effectivement offrir un intérêt sur le plan carcinologique, certaines données, recueillies notamment chez l'animal, tendent à indiquer que le maintien d'un taux résiduel de testostérone est vraisemblablement bénéfique, car cela semble contribuer à une certaine homéostasie du cancer, ce qui pourrait contribuer à retarder l'apparition de l'hormonorésistance. Un autre élément plaidant en faveur du maintien d'une production résiduelle de testostérone est que la qualité de vie des patients soumis à un traitement androgénosuppresseur est étroitement dépendante de leur taux de testostérone, tant sur le plan du bien-être global que du fonctionnement cognitif ou de la préservation du capital osseux. A cela s'ajoute la reconnaissance plus récente de l'impact néfaste qu'exerce un blocage androgénique complet en termes de développement d'un syndrome métabolique, cela étant à l'origine d'une surmortalité par accident cardio-vasculaire (D'Amico AV, ASCO Prostate 2007). La question demeure cependant de savoir s'il existe un véritable seuil de testostérone au-delà duquel les complications de la suppression androgénique seraient moins sévères, sans que cela présente de désavantage en termes de pronostic carcinologique.
Il importe d'autant plus de tenir compte de ces inconvénients de la suppression androgénique complète que le cancer de la prostate est décelé de plus en plus précocement et que, grâce aux traitements combinés que l'on est désormais en mesure de proposer, les patients bénéficient d'une survie bien supérieure à celle d'autrefois. Ces derniers sont donc traités sur des périodes beaucoup plus prolongées, d'où l'importance de l'impact du traitement sur leur qualité de vie.
Cela explique l'intérêt que suscite le traitement hormonal intermittent, dont l'objectif est d'épargner aux patients les effets néfastes de la suppression androgénique au long cours.
Toutefois, à l'heure actuelle, les médecins ne disposent pas d'élément parfaitement fiable permettant de savoir quand il y a lieu d'effectuer une nouvelle injection pour inhiber la production de testostérone ; pour ce faire, ils se fondent empiriquement sur la réascension du taux de PSA, mais il n'a été défini aucun seuil formel à partir duquel il convient d'intervenir.
Là encore, il est donc possible que, dans le cadre d'un tel traitement intermittent, le dosage de la testostérone puisse présenter une nouvelle utilité pour affiner les modalités de la castration.



D'après un entretien avec le Dr Pierre Mongiat Artus, hôpital Saint-Louis, Paris.

Le traitement local unimodal a-t-il encore une place ?

Les données concernant la radiothérapie exclusive (RTE) montrent que la survie globale à dix ans varie de 30 à 70 % et la survie sans récidive clinique de 30 à 50 %, le principal facteur pronostique étant le taux de PSA. Pour les tumeurs de grade pT3 avec score de Gleason supérieur à 7 qui sont traitées par chirurgie exclusive (prostatectomie radicale), le taux de progression après trois ans atteint 80 % (Ohori 1994, Partin 1994).
Le traitement local unimodal (radiothérapie ou chirurgie exclusive) ne semble donc plus indiqué dans les tumeurs à haut risque, si ce n'est, peut-être, sous certaines conditions bien définies :
- doivent être exclus les patients présentant un taux de PSA inférieur à 20 ng/ml, un score de Gleason supérieur ou égal à 8 ou un stade clinique/IRM pT3b ;
- délivrer au moins 75 Gy en préférant toutefois une escalade de dose jusqu'à 78 ou 80 Gy en cas de RTE ;
- évaluer aussi précisément que possible le statut ganglionnaire ;
- pratiquer une exérèse aussi large que possible afin d'éviter les marges positives.

> Dr BERNARD OLLIVIER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8180