COMME D'AUTRES REFORMISTES avant lui, François Fillon risque d'obtenir plus de critiques que de résultats. Son projet a au moins ceci d'utile qu'il remet la formation indispensable (lire, écrire, compter) au cœur de la mission des enseignants. Il réintroduit la discipline dans l'école républicaine et impose le redoublement lorsque l'enfant ne peut pas suivre ; il instaure un « socle commun » de connaissances pour tous, ce qui nous semble judicieux dans la mesure où la disposition renforce le principe d'égalité des chances. Et le projet prévoit que 50 % des élèves auront accès aux études universitaires. Enfin, de nombreuses créations de postes sont envisagées (au sein d'un département gigantesque qu'autrefois on voulait « dégraisser »).
Apprendre vite.
François Fillon a adopté la suggestion du rapport Thélot sur l'enseignement d'une langue étrangère (le rapport Thélot insistait sur l'anglais) dès l'âge de six-sept ans. Ce qui ne manque pas de bon sens : ce sont les enfants très jeunes qui absorbent le plus naturellement du monde les langues étrangères.
Politiquement affaibli parce que sa cote auprès du Premier ministre et du chef de l'Etat a baissé, M. Fillon n'a pas voulu présenter un projet révolutionnaire. Cette modestie aurait dû lui permettre d'obtenir un meilleur accueil. Enseignants et parents d'élèves (au demeurant peu sollicités et même écartés de la décision relative au redoublement) affichent un grand mécontentement.
L'action personnelle du ministre de l'Education semble relancer la marche réformiste du gouvernement : après la réforme des retraites (qui est également l'œuvre de M. Fillon) et celle du système de santé, voici que démarre celle de l'éducation. Jean-Pierre Raffarin peut se targuer de poursuivre son chemin contre vents et marées. Cependant, il ne fait pas de doute que, plus il agit, et plus il perd de sa crédibilité. Cela tient à la contradiction entre les défaites politiques de la majorité (et principalement sa déroute aux élections régionales) et son entêtement à appliquer son programme comme si la vox populi était inaudible.
On n'a pas le sentiment que la majorité actuelle trace un sillon indélébile. Non seulement le coût politique de ses réformes est très élevé et risque de la conduire à un échec lors des présidentielles et des législatives de 2007, mais l'impact réel des réformes sur le fonctionnement de la société française est discutable.
TOUTE REFORME DONNANT LIEU À DES CRIS INDIGNÉS, PEUT-ON MODERNISER LA FRANCE ?
Un bilan médiocre.
On a vu par exemple que la baisse de l'impôt sur le revenu ne s'est pas traduite par une réduction, fût-elle minuscule, de la pression fiscale : en effet, une autre réforme, la décentralisation, ne peut être financée que si les collectivités augmentent les impôts. La réforme des retraites n'assure pas le retour du régime à l'équilibre, et de nouvelles sources de financement devront être trouvées avant 2020. La réforme du système de soins est également douteuse : Philippe Douste-Blazy affirme que le déficit diminuera mais on demande à voir. Même dans la majorité, un doute est exprimé sur les chiffres établis par le ministre de la Santé et de la Protection sociale.
Ce qui est frappant, dans le tableau général, c'est que des réformes peut-être inachevées ont été mises au point et seront appliquées au prix d'une perte extraordinaire de popularité du gouvernement. Il est vrai qu'une France conservatrice, qui refuse le changement, someille chez le peuple. Mais le changement ne va pas sans dynamisme et le dynamisme traduit la bonne santé. Ce n'est pas vraiment le cas du gouvernement Raffarin.
Or on ne saurait oublier que la réforme est nécessaire, que nous devons viser à l'équilibre de ce que les économistes appellent les « fondamentaux » (budgets, dette, inflation, emploi) et que, pour y parvenir, nous avons besoin de modifier les relations entre les citoyens et l'Etat. En somme, les idées de la droite partent d'un constat pragmatique qui ne souffre aucune contestation. Mais le message ne passe pas. Bien entendu, les erreurs de communication et les méthodes de gouvernement, entre le pilotage à vue et la technique du ballon d'essai, entrent pour beaucoup dans la désaffection du public. Il demeure que l'on est en droit de se demander s'il est possible de moderniser ce pays.
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