LA PLUPART des maladies dermatologiques ont un impact majeur sur l'état psychologique des malades, même si elles ne mettent en règle générale pas en jeu leur pronostic vital. Afin de connaître plus précisément cet impact, la Société française de dermatologie avait fait réaliser un sondage par l'institut Sofres-Taylor Nelson en 2002 (1, 2). Pour cela, un questionnaire déclaratif a été adressé à 10 000 foyers composés de 25 441 personnes considérées comme démographiquement et sociologiquement représentatives de la population française. Selon cette enquête, près de 9 Français sur 10 auraient souffert d'un « problème de peau » au moins une fois depuis leur naissance et 23 millions en auraient été atteints dans les deux dernières années qui précédaient l'enquête. Mais, surtout, le sondage a montré que près de 29 % des personnes interrogées qui souffraient d'une maladie de peau considéraient qu'il s'agissait d'un véritable fardeau. Bien plus, environ une fois sur cinq, ce fardeau était considéré comme permanent. En outre, un certain nombre de personnes interrogées étaient atteintes simultanément d'une affection cutanée et d'une pathologie non dermatologique connue pour induire une altération de la qualité de vie, comme le diabète, l'asthme ou l'insuffisance respiratoire chronique, une maladie cardio-vasculaire ou articulaire. Dans ce cas, le sondage a révélé que, une fois sur trois, la dermatose était considérée comme le problème majeur.
Un exemple, le psoriasis.
Cette enquête souligne ainsi la haute prévalence des dermatoses en France et montre la sous-estimation habituelle des conséquences des problèmes de peau sur la qualité de vie. Un exemple concret est fourni par le psoriasis (3). Les conséquences de cette affection cutanée sur la vie des patients peuvent être analysées selon cinq axes. Le premier est la comparaison des conséquences psychosociales du psoriasis avec celles des pathologies non dermatologiques. Le deuxième précise les liens entre les formes cliniques de la maladie et ses conséquences. La troisième approche tente d'évaluer les paramètres démographiques et cliniques qui conditionnent la qualité de vie. Enfin, les deux dernières approches cherchent à préciser les conséquences de la maladie elle-même, mais aussi celles des traitements mis en oeuvre. Une revue de la littérature montre que l'impact du psoriasis peut être comparé à celui de pathologies lourdes, comme le cancer, l'hypertension artérielle, le diabète ou la dépression. La qualité de vie est apparue très variable selon la forme de psoriasis considérée, les patients ayant un rhumatisme psoriasique ou un psoriasis palmo-plantaire étant plus sévèrement atteints. En ce qui concerne les aspects démographiques, les sujets âgés, notamment les femmes anxieuses ou dépressives, et ceux qui vivent seuls ont une qualité de vie inférieure à celle des autres patients.
Les aspects cliniques sont apparus également déterminants, les atteintes articulaires, les localisations au niveau du cuir chevelu ou de la face, du cou, des avant-bras, des mains et de la région génitale apparaissant comme péjoratives. L'ensemble de ces éléments conditionne la vie avec un psoriasis et son traitement, et est associé à un impact négatif sur la qualité de vie. Celle-ci est définie comme la perception par le patient de son propre état de santé. Selon la définition de l'OMS, la santé n'est pas l'absence de maladie, mais «un état complet de bien-être physique, psychologique et social».
Une exigence éthique et scientifique.
La mesure de la qualité de vie apparaît ainsi particulièrement utile au cours des affections dermatologiques (4). Cette mesure peut faire appel à des échelles généralistes (ou « génériques »), mais aussi à des échelles dermatologiques ou encore à des échelles spécifiques d'une maladie dermatologique, comme il en existe pour le psoriasis ou pour l'eczéma, par exemple.
Le bon usage des échelles de qualité de vie dépend notamment du choix de l'instrument. Il doit être validé, adapté à la culture française et fonction de l'objectif de l'évaluation. La dermatologie française s'est donc forgée des instruments propres, en motivant l'adaptation des instruments anglo-saxons à la culture française et en respectant les règles de bonne pratique, comme dans tout domaine de recherche (4).
* Hôpital Henri-Mondor, Créteil (1) Wolkenstein P et coll. French people and skin diseases : results of a survey using a representative sample. « Arch dermatol » 2003 ; 139 (12) : 1614-9.
(2) Wolkenstein P, Revuz J. Fréquence et retentissement des dermatoses en France. « Ann dermatol » 2004 ; 131 (4) : 325-7.
(3) Wolkenstein P. Living with psoriasis. « J Eur Acad Dermatol Venereol » 2006 ; 20 (suppl 2) : 28-32.
(4) Wolkenstein P, Chosidow O. Instruments d'évaluation de la qualité de vie en dermatologie. « Ann dermatol Venereol » 1999 ; 126 (2) : 176-80.
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