Le goût amer est plutôt désagréable, et une saveur extrêmement amère provoque en général une profonde répulsion. Une réaction salutaire, car elle nous protège de l'ingestion de substances toxiques souvent fort amères.
Bien que de nombreuses études aient examiné le goût amer, les mécanismes des récepteurs sous-jacents demeurent encore très mal compris. Des données anatomiques, fonctionnelles et génétiques chez les rongeurs suggèrent l'existence d'une famille de récepteurs sensibles aux composés amers.
Wolfgang Meyerhof (Institut allemand de nutrition humaine, Potsdam-Rehbrucke, Allemagne) et coll. ont identifié un récepteur humain pour le goût amer. Ils y sont parvenus en examinant le génome humain à la recherche de gènes dont la séquence ressemble à celle des récepteurs du goût connus chez les mammifères. Ils ont ainsi trouvé un gène qui code pour un récepteur du goût amer. Ce récepteur, dénommé TAS2R16, est présent sur les cellules des papilles gustatives de la langue et ne reconnaît qu'un seul type spécifique de substances au goût amer, les bêta-glucopyranosides.
L'équipe a constaté que ce récepteur répond, entre autres, à la salicine, une bêta-glucopyranoside amère extraite de l'écorce des saules, qui est utilisée depuis plus de 3 500 ans pour son action antalgique et antipyrétique.
Les chercheurs ont découvert que les composés qui activent le récepteur TAS2R16 présentent tous un résidu hydrophobe attaché à un glucose par un lien bêta-glycosidique. Ainsi, donc, le récepteur TAS2R16 lie la reconnaissance d'une structure chimique spécifique à la perception du goût amer.
« Si cette capacité de TAS2R16 à reconnaître des substances aux propriétés moléculaires communes est typique de la famille des récepteurs du goût amer, cela pourrait expliquer comment un petit nombre de récepteurs permettent la perception de nombreuses substances amères », remarquent les chercheurs.
« En conclusion, résument-ils, TAS2R16 est un récepteur amer pour les bêta-glucopyranosides des phytonutriments, dont certains sont toxiques et d'autres abaissent le risque de cancer et de maladie cardio-vasculaire ». Ils ajoutent que ces glucopyranosides, en raison de leur goût amer, sont habituellement éliminés au cours de la production des aliments et ce malgré leurs effets bénéfiques sur la santé. « La manipulation pharmacologique future des récepteurs du goût amer pourrait être une voie pour contourner ce dilemme », proposent-ils.
« Nature Genetics », 14 octobre 2002, DOI : 10.1038/ng1014.
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