De notre correspondant
Le Dr Satcher, qui est noir, s'est contenté de formuler des recommandations qui n'auraient pas scandalisé les Européens : il demande aux Américains de respecter les différences sexuelles et souhaite qu'un large débat soit engagé par les parents, les écoles et les communautés sur l'évolution de la sexualité.
Il a fallu deux ans au surgeon general pour publier son rapport qui aborde toutes les questions liées à la sexualité. Le Dr Satcher insiste notamment sur l'éducation sexuelle qui, selon lui, est l'affaire d'une vie, sur le contrôle des naissances et sur l'abstinence sexuelle chez les adolescents. Pour le Dr Satcher, c'est en levant les tabous relatifs à la sexualité que les Américains parviendront à combattre les maladies sexuellement transmissibles, à réduire le nombre des grossesses non désirées et à lutter contre les sévices sexuels.
Le premier pas
« Certes, explique le Dr Satcher, compte tenu de la diversité des attitudes, des croyances, des valeurs et des opinions dans notre pays, il ne sera pas facile de trouver un terrain d'entente commun. Mais le premier pas à franchir est la prise de conscience du problème que pose la sexualité, qui n'est pas un sujet de débat facile et ne le sera jamais. »
Le Dr Satcher montre l'ampleur du problème par quelques chiffres impressionnants : 12 millions d'Américains touchés par les MST chaque année ; 40 000 nouvelles infections par le VIH chaque année ; 100 000 enfants victimes de sévices sexuels, sans compter les cas qui ne sont pas déclarés. Chaque année, un million quatre cent mille avortements sont pratiqués, soit plus de 20 % du total des grossesses, dont presque la moitié ne sont pas désirées, c'est-à-dire qu'elles concernent des femmes trop jeunes qui ne sont pas mariées ou ne peuvent pas diriger un foyer. Enfin, près de 900 000 Américains sont infectés par le VIH.
« Des êtres humains »
Le surgeon general n'a pas hésité à mentionner les sujets qui déclenchent de vives polémiques aux Etats-Unis. Il estime qu'il n'existe aucune preuve scientifique que l'homosexualité puisse être « redressée » et dénonce les conséquences pour leur équilibre mental du harcèlement exercé contre les homosexuels qu'on essaie de « réformer ». « Nous n'allons certainement enrôler les homosexuels dans des groupes, religieux ou autres, chargés de les transformer en hétérosexuels. Nous disons simplement qu'il s'agit de personnes, d'êtres humains. »
Le Dr Satcher pense que l'éducation sexuelle doit commencer tôt dans la vie et se poursuivre à l'âge adulte. Sans cette éducation, la prévention des grossesses non désirées sera sans effet : c'est par une discussion libre des questions sexuelles que des adolescents éviteront de concevoir un enfant qu'ils ne sont pas capables de prendre en charge. Mais, ajoute le rapport, les programmes fondés sur la seule abstinence sont inefficaces. Il faut expliquer aux jeunes les conséquences des relations sexuelles et que, au-delà d'un rapport, il peut y avoir un engagement moral du père et de la mère. Si un adolescent n'est pas prêt à assumer sa paternité dans le cadre de la monogamie, il faut qu'il s'abstienne.
Les programmes fondés exclusivement sur l'abstinence ont la faveur de la nouvelle administration américaine, qui a accueilli par des commentaires glaciaux le contenu du rapport. Andrea Lafferty, de la Coalition des valeurs traditionnelles, a affirmé que le rapport « ignore que l'homosexualité peut être changée ». Mme Lafferty se déclare en outre opposée à l'éducation sexuelle dans les écoles « tant que la lecture et les mathématiques ne seront pas enseignées comme il se doit ».
Bush n'a pas lu le rapport
La réaction de la Maison Blanche a été encore plus vive. Le porte-parole du président George W. Bush, Ari Fleischer, a déclaré : « Le président comprend que le rapport est publié par un surgeon general qui a été nommé à son poste par la précédente administration. » M. Fleischer a admis que M. Bush n'avait pas lu le rapport, mais, a-t-il ajouté, « le président continue à penser que l'abstinence seule permet d'éviter la contamination par le VIH et les grossesses indésirées ».
Ce n'est pas la première fois qu'un surgeon general publie un avis en contradiction avec la ligne de la Maison Blanche. Le cas du Dr Satcher est en quelque sorte « aggravé », par le fait qu'il n'a pu accéder à ses fonctions qu'après une dure bataille au Congrès où son principal adversaire n'était autre que l'actuel ministre de la Justice, John Ashcroft. Il est bien peu probable que le Dr Satcher garde son poste au-delà de février 2002, date de la fin de son mandat. Plusieurs personnalités de l'entourage de M. Bush ont déjà réclamé sa démission, mais le président, jusqu'à présent, n'a pas réagi dans ce sens. Aussi pense-ton, à Washington, que M. Bush attendra le départ du surgeon general en février prochain et nommera ensuite un conservateur à ce poste.
Interrogé par les médias, le Dr Satcher a souligné qu'il ne faisait qu'exprimer ses convictions, qu'il était moins un politique qu'un acteur de la santé publique et qu'il réagissait de façon pragmatique à une réalité devant laquelle il est dangereux de se voiler la face.
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