Les questions éthiques en réanimation font désormais l'objet de nombreuses études permettant de faire évoluer les comportements au bénéfice du patient. L'admission de sujets de plus en plus âgés, la concertation sur le niveau d'engagement thérapeutique pour chaque patient et l'amélioration des conditions de fin de vie sont des conséquences de cette réflexion indispensable au travail de réanimateur.
LES SERVICES de réanimation sont des lieux où équipes médicales et paramédicales font quotidiennement face à des décisions difficiles concernant la fin de vie des patients. La réflexion éthique y occupe une place de plus en plus importante. Plusieurs études récentes abordent le sujet de façon variée, montrant l'importance qu'acquiert cette réflexion au sein des services de réanimation et la maturité acquise par la discipline ces dernières années, allant vers une autonomie des médecins et de la pensée.
Le grand âge ne doit pas être un obstacle.
Les médecins réanimateurs sont amenés à faire des choix cruciaux à deux moments clés de la vie en réanimation : l'admission et la décision d'engagement thérapeutique. Parmi les critères de choix pour accepter un malade en réanimation, l'âge occupe encore une place prépondérante. Mais doit-on refuser de prendre en charge un patient uniquement parce qu'il est trop âgé ? Deux études observationnelles réalisées au CHU de Rouen (1) et à l'hôpital Lariboisière à Paris (2) apportent des éléments de réponse, en étudiant le pronostic des patients âgés en réanimation chirurgicale. Les résultats de ces deux études complémentaires montrent une mortalité élevée chez les patients les plus âgés, et ce d'autant plus qu'ils sont ventilés et sous catécholamines, la mortalité à un an atteignant alors plus de 70 %. Mais ces résultats sont nuancés par plusieurs remarques. La première est que, pour les patients survivants, l'autonomie (mesurée par le score ADL) est préservée un an après la sortie, avec un taux de retour à domicile important (72 %). La deuxième remarque est que, paradoxalement, la mortalité est proportionnellement plus élevée chez les patients les moins gravement atteints. En effet, lorsque les patients sont classés selon un score de gravité (score IGS2) et que l'on compare la mortalité chez les plus et les moins de 70 ans, on observe que la différence de mortalité selon l'âge est plus importante dans le groupe de faible gravité, alors qu'elle n'est pas significative dans le groupe de gravité élevée. Ces données montrent que l'âge ne doit pas être un critère de choix indépendant pour admettre un patient en réanimation et posent la question de la pertinence des scores de gravité actuellement utilisés, lorsqu'ils sont appliqués à la personne âgée. Le développement d'un score d'autonomie simple et rapide serait utile pour aider les médecins dans leur décision d'admission d'une personne âgée.
Importance des discussions d'engagement thérapeutique.
Lorsque le patient est admis en réanimation, quel que soit son âge, les personnels soignants vont rapidement devoir répondre à la question du niveau d'engagement thérapeutique adéquat. L'acharnement thérapeutique est encore très présent en France, malgré le cadre légal fourni par les lois relatives aux droits des malades et à la fin de vie. L'étude épidémiologique multicentrique LATAREA 1, réalisée en 1997, avait étudié la place des discussions de limitation thérapeutique chez les patients en fin de vie. Elle avait montré que seulement 51 % des décès étaient liés à une décision de limitation thérapeutique et qu'il existait un manque important de collégialité, puisque l'infirmière en charge du patient n'avait été impliquée dans la décision que dans la moitié des cas. L'étude LATAREA 2 (3), dont les résultats préliminaires ont été présentés au congrès, a cherché à voir l'évolution des comportements dans les services de réanimation, sept ans après la première étude. L'enquête portait sur la première discussion d'engagement thérapeutique (DET), la décision prise pouvant aller de l'engagement thérapeutique maximal à la décision de limitation thérapeutique. Les critères intervenant dans la prise de décision étaient les chances de survie, la marge thérapeutique, la certitude du diagnostic, l'autonomie et la qualité de vie futures et l'âge du patient. Cette première discussion a eu lieu chez seulement 18 % des patients de réanimation, elle était plus précoce que dans la première étude (en moyenne quatre jours après l'admission du patient) et faisait participer l'équipe de façon plus collégiale. En revanche, le pourcentage de décès liés à une DET était similaire à la première étude. Amorcer la discussion semble encore difficile et celle-ci reste trop tardive. Pourtant, une DET n'est pas synonyme de limitation thérapeutique puisque, dans cette étude, la discussion avait abouti à une décision d'engagement maximal dans un quart des cas.
Retour à domicile des patients en fin de vie.
En France, lorsqu'une décision de limitation thérapeutique est prise, le décès survient à l'hôpital. Mais la situation est différente dans d'autres pays. Ainsi, une étude réalisée à l'hôpital franco-vietnamien d'Hô Chi Minh-Ville (4), au Vietnam, décrit une autre forme de retrait thérapeutique : le retour à domicile des patients en fin de vie. Cette pratique est courante au Vietnam, dans la plupart des cas (97 %) pour des raisons morales, culturelles et religieuses, rarement pour des raisons financières. La décision de retour à domicile est prise une fois le caractère artificiel du maintien en vie confirmé, en concertation avec la famille. Le transport du malade est effectué en ambulance avec un médecin ou une infirmière dans 88 % des cas ; le patient est alors extubé et le traitement aminergique arrêté à l'arrivée à domicile. Le décès ne survenant parfois pas immédiatement, une sonde gastrique peut être laissée en place quelques jours et une sédation par morphine peut être pratiquée par la famille. Quelques rares cas de retour à l'hôpital ont été décrits, mais le décès survient généralement au domicile, en présence de l'entourage du patient.
D'après des communications de :
(1) O. Baert et coll. (Rouen). Grand âge et réanimation : une mortalité élevée mais une autonomie préservée à un an chez les survivants.
(2) R. Pirracchio et coll. (Paris). Impact de l'âge sur le pronostic des patients hospitalisés en réanimation chirurgicale. (3) E. Ferrand et coll. (Créteil). Initiation de la réflexion concernant le niveau d'engagement thérapeutique adéquat en réanimation. Résultats préliminaires de l'étude LATAREA 2. (4) Potie F. et coll. (Hô Chi Minh-Ville, Vietnam). Une autre forme de retrait thérapeutique pour les patients de réanimation en fin de vie : le retour à domicile. Expérience de l'hôpital franco-vietnamien d'Hô Chi Minh-Ville.
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