Lancement d'une étude sur la mort subite des sportifs

Un quart des victimes pourraient être récupérées

Publié le 28/06/2004
Article réservé aux abonnés

C'ETAIT il y a tout juste un an : le footballeur camerounais Marc-Vivien Foé, 28 ans, était terrassé en plein match, victime, selon les conclusions de l'autopsie, d'un effort violent, alors qu'il souffrait d'une cardiomyopathie hypertrophique du ventricule gauche (« le Quotidien » du 10 juillet 2003). Ultramédiatisé, l'événement avait bouleversé l'opinion. En France, les commentateurs ont immédiatement évoqué la prise de substances dopantes, tandis que les médias africains parlaient d'empoisonnement ou de phénomène de sorcellerie. « En fait, analyse le Dr Xavier Jouven, confronté à l'image insupportable d'un jeune sportif de haut niveau fauché en pleine performance, le public, sous le choc, ne comprend pas et hasarde autant d'hypothèses dépourvues de bases scientifiques. »

Percer le mystère.
Et c'est justement pour percer, à la demande de Jean-François Lamour, ministre de la Jeunesse et des Sports, le mystère des morts subites des sportifs que ce cardiologue spécialiste en rythmologie (Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris), chercheur à l'Inserm (unité 258 d'épidémiologie cardiovasculaire), vient d'être missionné par le Cpld.
Premier des trois axes de son étude, le recensement du nombre de cas qui affectent les sportifs devrait, pour la première fois, apporter une réponse à la question de savoir si cette catégorie est plus exposée ou non que la population générale. Une question au fort retentissement médiatique : « Peut-on laisser dire que la pratique de sport de haut niveau est dangereuse pour la santé quand on constate la dangerosité de l'épidémie d'obésité et de sédentarité ? », demande le chercheur. Pour documenter la réponse, le pourcentage d'accidents va être étudié dans la population des licenciés ; la plupart des grandes fédérations (football, rugby...) comptabilisent les morts subites sur le terrain en raison des contrats d'assurances qui prévoient alors des indemnisations spécifiques. Dans la population générale, en revanche, le recensement est plus complexe à effectuer : le diagnostic de mort subite est volontiers refoulé par les médecins certificateurs qui préféreront retenir une pathologie préexistante, comme la bronchite. C'est ainsi que le Cepi-DC, registre des décès, dénombre seulement 1 300 morts subites pour l'année 2000, alors que le Dr Jouven en totalise 35 000, dès lors qu'on prend en compte la mention de l'adjectif « brutal » ou « soudain ».
« En fait, affirme-t-il au « Quotidien », le nombre des arrêts cardiaques entraînant la mort, pour employer une formulation plus usuelle que celle de morts subites, de préférence réservées aux quelque 500 nouveau-nés décédés brutalement, atteindrait chaque année le cap des 40 000, soit 10 % de la mortalité en France.
L'étude permettra donc en premier lieu de déterminer si des sportifs jeunes et entraînés sont plus ou moins exposés à ces accidents que la population générale, un enjeu dont les répercussions pédagogiques ne sont pas minces. »

Le rapport va aussi plancher sur la préconisation des gestes qui sauvent. « A priori , il y a un consensus entre cardiologues, physiologistes et urgentistes pour conclure que la priorité en cas d'accident est de faire circuler le sang oxygéné par un massage cardiaque, affirme le Dr Jouven. La fibrillation ventriculaire dure en moyenne 4 minutes, alors qu'elle atteint six minutes lorsqu'on effectue un massage. C'est donc le massage qui doit être la priorité dès la chute du sportif sur le terrain, plutôt que d'attendre pendant une vingtaine de minutes l'arrivée du camion du Samu, ou de pratiquer une ventilation, plus compliquée à effectuer et moins efficace. »
Le cardiologue estime qu'en généralisant une formation élémentaire pour tous les joueurs, sans qu'il soit nécessaire d'en faire des secouristes, on arriverait à porter la proportion des victimes récupérées des 2 % enregistrés aujourd'hui à un taux de l'ordre de 20 %, comparable à celui enregistré aux Etats-Unis. Un progrès aussi spectaculaire qu'économique, qui ne nécessite pas d'investissements médicamenteux ou techniques (défibrillateurs) et qui pourrait, au-delà des seules enceintes sportives, susciter un intérêt majeur en santé publique.

Quels examens ?
Le troisième axe de l'étude qui vient d'être lancée porte sur l'identification des sujets à risques, avec les examens les plus appropriés : l'électrocardiogramme, bien sûr, mais aussi, quoique plus délicat à effectuer, l'échographie cardiaque. Mais, comme le note le Dr Jacques Liénard, médecin de la Ligue nationale de football professionnel (LFP), « les examens les plus sophistiqués ne pourront jamais faire disparaître tous les risques, certains troubles du rythme n'étant pas décelables et pouvant aboutir à la mort subite sans que l'examen n'ait mis en évidence un signe avant-coureur. »
Raison de plus pour diligenter une campagne de formation à la pratique du massage cardiaque, pour mettre un terme, selon la formule du Dr Jouven, à « ces fins de vie attribuées à la fatalité et au destin, mais qui arrachent le cœur quand on sait qu'il serait si facile de les éviter ».

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7570