UN ANALGÉSIQUE aussi puissant que la morphine, naturellement produit par l’organisme humain, vient d’être identifié et caractérisé par des chercheurs de l’institut Pasteur (Paris) et de l’ETAP (Vandoeuvre-lès-Nancy). Baptisée « opiorphine », cette substance semble agir en protégeant des neuromédiateurs peptidiques, les enképhalines, de l’inactivation par les ectopeptidases NEP et AP-N.
Les enképhalines sont des neuromédiateurs peptidiques sécrétés dans diverses situations physiologiques et / ou physiopathologiques comme le stress, la douleur ou en réponse à des émotions fortes. Elles jouent un rôle clé dans le contrôle des réponses adaptatives de l’organisme à ces diverses situations. Elles sont en outre impliquées dans la régulation des voies de transmission de la douleur, ainsi que dans la modulation de l’activité des structures cérébrales qui régissent l’attention, la vigilance, la motivation, l’apprentissage, la mémoire et l’équilibre adaptatif des états émotionnels.
Leur activité est contrôlée par deux métallo-ectopeptidases, la NEP (« Neutral EndoPeptidase ») et l’AP-N (« AminoPeptidase-N »).
Des molécules elles-mêmes capables de réguler de la NEP et l’AP-N ont pu être mises en évidence chez les bovins et chez le rat. Ces molécules, respectivement baptisées spinorphine et sialorphine, bloquent l’activité des métallo-ectopeptidases.
Dans la salive humaine.
L’équipe de Catherine Rougeot, qui est à l’origine de la découverte de la sialorphine, a montré que ce messager hormonal inhibe ainsi la sensation douloureuse chez le rat. Cet effet antalgique passe par l’activation des récepteurs opioïdes endogènes, notamment ceux de sous-types Mu et Delta, des récepteurs qui sont impliqués dans l’activité des enképhalines et de la morphine.
L’équipe française a poursuivi ses travaux en recherchant un homologue fonctionnel de la sialorphine chez l’humain.
En combinant les méthodes d’analyse et de purification des protéines par chromatographie liquide (Hplc) et des tests enzymatiques réalisés in vitro, Wisner et coll. ont réussi à isoler dans la salive humaine un pentapeptide inhibiteur des métallo-ectopeptidases NEP et AP-N. Les chercheurs l’ont nommé « opiorphine ».
Chez le rat, dans deux modèles d’analyse de la réponse comportementale à la douleur aiguë, l’opiorphine humaine exerce une activité antinociceptive puissante : son effet analgésique semble en effet aussi efficace que celui de la morphine.
Des expériences complémentaires ont indiqué que, tout comme la sialorphine, la molécule humaine agit en activant les voies de signalisation endogènes dépendant des enképhalines et opiacés, en particulier les voies passant par les récepteurs Mu et Delta.
Pas seulement la douleur.
Sachant que chez le rat la sialorphine montre en outre une activité psycho-stimulante sur certains paramètres de la réponse comportementale adaptative aux stimuli socio-sexuels et/ou environnementaux, l’opiorphine humaine pourrait présenter un intérêt thérapeutique important, non seulement dans le cadre de la prise en charge de la douleur, mais aussi dans le traitement de troubles de la motivation et de l’équilibre, des émotions et de l’humeur.
Des travaux complémentaires permettront d’évaluer l’effet de la substance sur ces différentes fonctions, de rechercher sa présence dans différents tissus humains et d’identifier les situations physiologiques ou pathologiques qui conduisent à la surexpression ou au contraire à l’inhibition de sa synthèse endogène.
A. Wisner et coll., « Proc Natl Acad Sci USA » du 21 novembre 2006, pp. 17979-17984.
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