PRATIQUE
• Hyponatrémie
Mme R., 85 ans, est hospitalisée pour un syndrome de glissement. La biologie faite aux urgences révèle une hyponatrémie à 107 mEq/l avec une hypochlorémie à 68 mEq/l.
On apprend par sa fille que Mme R. a une tendance dépressive, que depuis un mois son état général s'est progressivement altéré, avec apparition d'une anorexie, des troubles de l'équilibre, une perte d'autonomie, aboutissant, les jours avant l'hospitalisation, à une prostration, une anorexie totale.
En outre, il n'est pas retrouvé de notion de diarrhée, de vomissements, de régime sans sel, d'ascite, de pancréatite, de fécalome, d'insuffisance cardiaque, d'insuffisance surrénalienne, de prise de corticoïdes de façon prolongée. En revanche, Mme R. est traitée par une association comportant un diurétique pour une hypertension. Sa fille signale également des antécédents de kystes au niveau rénal.
• Déshydratation extracellulaire
A l'examen, Mme R. présente des signes de déshydratation extracellulaire importante : plis cutanés, les veines du dos de la main se remplissent lentement après qu'on en a chassé le sang, la peau est sèche. Il n'y a pas d'hypotension.
On ne retrouve pas de troisième secteur pouvant occasionner une déshydratation extracellulaire : occlusion, pancréatite aiguë, ascite. On ne retrouve pas d'œdème, ni de décompensation cardiaque.
• Hypoosmolalité
Biologiquement, on trouve une hypoosmolalité à 229 mOsm/kg (N = 290 ± 5 mOsm/kg d'eau). Cette hypoosmolalité étant associée à une déshydratation extracellulaire, cela oriente vers une perte de sel, soit rénale, soit extrarénale (digestif, peau, hémorragie, troisième secteur).
La natriurèse à 81 mEq/l est en faveur d'une perte rénale. Une natriurèse supérieure à 20 mEq/l montre une réponse rénale inadaptée à la déplétion hydrosodée. La perte rénale est donc considérée comme la cause probable d'hyponatrémie. Une natriurèse inférieure à 20 mEq/l aurait orienté vers une cause extrarénale.
• Perte rénale
La perte rénale de NaCl peut être organique ou fonctionnelle.
- Au niveau organique, il n'y a pas d'insuffisance rénale chronique ; mais l'échographie met en évidence une polykystose parenchymateuse bilatérale pouvant générer une fuite de NaCl.
- Au niveau fonctionnel, on ne retrouve pas de diabète décompensé, pas d'hypercalcémie, pas d'acidose métabolique ; en revanche, il existe une prise de diurétique.
Au total : patiente de 85 ans ayant présenté une hyponatrémie majeure (107), d'installation sur plusieurs mois, liée à la prise de diurétique dans un contexte de rein polykystique au niveau parenchymateux.
Le traitement est arrêté. Il sera remplacé par la suite par une inhibiteur calcique.
• Apport en sel
Pour le traitement de l'hyponatrémie avec déshydratation extracellulaire, la quantité de sel à faire passer en vingt-quatre heures a été calculée selon la formule, en faisant passer la moitié/24 h : Na(mmol) = 0,6 x poids x (140 - Na actuel).
La patiente ayant un poids de 50 kg, la quantité de NaCl administrée a été 33 g/24 h sous forme de 3 litres d'isotonique NaCl + 6 g de NaCl. La natrémie a augmenté de 9 mEq/jour.
Cette hyponatrémie étant d'installation lente et, donc, relativement bien tolérée (du fait de mécanismes compensateurs), cela a permis une ascension douce de la natrémie pour éviter :
- soit un œdème aigu pulmonaire de défaillance cardiaque par augmentation brutale du volume plasmatique ;
- soit une démyélinisation par déshydratation intracellulaire appelée myélinolyse centropontique (qui peut se voir lorsque la natrémie augmente de 15 à 20 mEq/l/24 h).
L'apport salé a été progressivement réduit lorsque la natrémie a atteint 125 mEq/l, pour passer à une dose journalière de 3 g de NaCl.
Avec la restauration de la natrémie, Mme R. a retrouvé son appétit, son autonomie.
• Remarques
Une hyponatrémie d'installation progressive est mieux toléré que lorsqu'elle est d'installation rapide avec signe d'œdème cérébral. Mais son caractère insidieux peut être trompeur et engager sur un faux diagnostic, comme dans le cas présent, avec l'aggravation d'un état dépressif et l'évocation d'un syndrome de glissement.
Les diurétiques sont à utiliser avec prudence chez la personne âgée, qui a de multiples raisons de faire une hyponatrémie.
Au niveau physiologique :
- une mise en jeu des mécanismes de rétention sodée retardée lors d'un manque de sel ;
- une tendance à une hypersécrétion d'hormone antidiurétique (ADH) entraînant une hyponatrémie par dilution.
Au niveau pathologique, la sécrétion inappropriée d'ADH peut être déclenchée par certains médicaments : carbamazépine, IRS, théophylline, etc., mais également par des pathologies tumorales, des affections pulmonaires et cérébrales.
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