De notre correspondante
à New York
« LA MAJORITE des gens pensent que les mots sont juste des mots. En fait, le cerveau humain utilise trois circuits neuraux pour coder les mots en trois formes », explique le Pr Ginger Berninger, psychopédagogue et directrice du centre des troubles de l'apprentissage (Learning Disabilities Center) à l'université de Washington, à Seattle. « Nos études d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ont identifié des signatures neurales uniques pour les formes phonologique, morphologique et orthographique des mots. »
« Nous avons découvert qu'un enseignement spécialisé de trois semaines fait "démarrer" le cerveau des dyslexiques, avec, pour résultat, une activation des mêmes aires cérébrales que les lecteurs normaux », ajoute pour sa part le Pr Elizabeth Aylward, radiologue à l'université de Washington. Ces deux chercheuses ont présenté les résultats de leurs travaux au congrès annuel de l'American Association for the Advancement of Science, qui s'est déroulé à Seattle.
Le cerveau code les mots par leur son (phonème), par les portions des mots qui signalent le sens (morphème) et par l'orthographe, ont-elles expliqué.
Ces chercheuses ont fait appel à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle afin de mesurer l'effet de leur enseignement spécialisé de la lecture sur le cerveau de plusieurs enfants dyslexiques (âgés de 10 à 12 ans).
Des zones cérébrales activées.
Avant l'intervention, les enfants dyslexiques présentaient une baisse d'activation dans les zones cérébrales connues pour être associées à la lecture. Après l'enseignement intensif mené pendant trois semaines, ces zones cérébrales étaient activées de façon très similaire à celles des enfants qui lisent normalement. Cela suggère que cette formation ne modifie pas le réseau neuronal de l'enfant dyslexique, mais renforce plutôt les circuits utilisés par les lecteurs normaux.
Les chercheurs ont aussi constaté, par des tests de lecture standards, que la capacité de lecture des enfants dyslexiques s'est améliorée après l'intervention.
L'activation cérébrale après l'enseignement révèle des améliorations croisées du codage du mot, reflétant un enregistrement des relations entre les différentes formes du mot. Ainsi, lorsque certains enfants dyslexiques ne reçoivent qu'une instruction fondée sur le son, l'activation cérébrale est non seulement améliorée dans la zone associée au codage du son, mais dans la zone associée au codage du sens. Et vice versa.
« Cette recherche est importante pour comprendre les interactions entre l'inné et l'acquis, remarque le Pr Aylward. Les gènes et les neurones limitent l'apprentissage, mais la formation peut exercer des effets spécifiques sur des fonctions cérébrales spécifiques dans des régions cérébrales spécifiques. »
« Cette recherche est aussi importante pour prévenir et traiter les troubles de la lecture. Le langage a de multiples composants ; chacun d'eux est doté d'une base biologique différente et doit être orchestré d'une manière très spécifique dans les interventions d'apprentissage pour les élèves qui sont biologiquement à risque de dyslexie », ajoute-t-elle.
Lettres, sons et sens sont étroitement liés.
« Tandis que de nombreux éducateurs débattent pour savoir quelle est l'instruction la plus efficace entre celle fondée sur les phonèmes et celle fondée sur le sens, nous avons trouvé qu'une manière efficace de traiter la dyslexie est de montrer aux enfants de manière explicite comment les lettres, les sons et le sens sont étroitement liés », déclare le Pr Berninger.
Au cours de cette présentation, le Pr Wendy Raskind est aussi intervenu pour décrire l'effort de recherche entrepris a l'université de Washington, à Seattle, pour disséquer la base génétique de la dyslexie. Une étude de liaison génétique chez 111 familles (898 membres) d'enfants dyslexiques a déjà trouvé un locus de la dyslexie sur le chromosome 15q.
Congrès annuel de l'American Association for the Advancement of Science, Seattle.
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