Généralités.
Les tumeurs cérébrales (TC) primitives s’opposent aux métastases cérébrales par leur faible fréquence et leur genèse au niveau du système nerveux central à partir du tissu de soutien : principalement les tumeurs gliales (60 % des TC), mais aussi les lymphomes, tumeurs germinales, neurinomes, méningiomes, chordomes, chémodectomes... Les gliomes cérébraux sont des tumeurs insidieuses et d’une extrême gravité malgré les avancées diagnostiques radiologiques récentes et une prise en charge multidisciplinaire. Se distinguent schématiquement deux groupes à pronostic très différent : les gliomes de haut grade dits « malins » majoritaires, et les gliomes de bas grade (Gbg) dits « bénins », plus rares (10 à 15 % des gliomes), de type astrocytaire, oligodendrocytaire ou mixte.
Les gliomes de haut grade.
Malgré les progrès récents en imagerie et neurochirurgie, les gliomes de haut grade primaires de novo ou issus de la transformation d’un gliome de bas grade demeurent des tumeurs hétérogènes à croissance rapide, très agressives, menaçant le pronostic vital rapidement. La survie dépend de facteurs pronostiques allant en moyenne de cinq mois chez un patient âgé, en mauvais état général avec trouble neurologique et histologie agressive, à cinq ans chez un patient de moins de 50 ans sans trouble mental, avec une tumeur moins agressive.
Les glioblastomes (GBM) sont des tumeurs formées de cellules astrocytaires peu différenciées avec de nombreuses mitoses, dans une structure tissulaire mixte : une composante solide faite de cellules tumorales organisées avec nécrose, microthrombi et microangiogenèse, corrélée à une prise de contraste radiologique, et une composante infiltrante faite de cellules tumorales isolées dans un parenchyme morphologiquement intact, elle-même corrélée à un oedème radiologique sans prise de contraste. Certaines formes histologiques moins agressives à meilleur pronostic ont été décrites dans la littérature, basées sur des notions de différenciation tumorale variable, et à l’origine de la description de gliomes de type oligodendrogliome ou astrocytome anaplasique, représentant un tiers des gliomes de haut grade. Mais, à ce jour, la classification de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, ne les distingue pas, et privilégie plutôt l’intégration de notions cliniques, radiologiques et histologiques pour apprécier au mieux la représentativité de l’échantillon biopsique analysé au sein de ces tumeurs hétérogènes.
La présentation clinique habituelle du GBM est un patient de 60 ans avec trouble neurologique, dont le tissu tumoral en imagerie (scanner/IRM cérébrale) est largement nécrosé, illustré par une prise de contraste en anneau de faible épaisseur, entouré d’un oedème péritumoral « en doigt de gant » infiltré par des cellules tumorales.
La gravité pronostique du GBM est établie à partir de divers facteurs : âge supérieur à 50 ans, présence d’un déficit neurologique ou mental, mauvais état général, importance de la nécrose à l’imagerie, agressivité histologique, importance du geste chirurgical.
Le traitement habituel des GBM est à ce jour multidisciplinaire et repose sur une chirurgie de réduction tumorale optimale, lorsqu’elle est possible, suivie d’une radiochimiothérapie postopératoire.
La chirurgie affirme certes le diagnostic de GBM, mais surtout permet une résection tumorale dont l’étendue maximale, mais prudente, influence significativement la survie médiane : dix-neuf semaines dans le groupe biopsie versus soixante-seize semaines en cas de résection complète et quarante et une semaines en cas de résection partielle. Une imagerie IRM postopératoire précoce dans les cinq jours évalue le reliquat tumoral, sous réserve d’interprétation difficile en cas d’hémorragie au sein du foyer opératoire ou d’hyperhémie de voisinage consécutive au traumatisme chirurgical. L’exérèse est d’autant plus aisée que la tumeur est unilobaire frontale ou temporale de l’hémisphère mineur, que la tumeur est corticale ou sous-corticale plutôt que profonde. Des études récentes ont testé l’hypothèse de l’adjonction peropératoire d’un traitement de type curiethérapie, chimiothérapie interstitielle ou thérapie génique, avec des résultats préliminaires et peu encourageants.
La radiothérapie postopératoire est, au mieux, précoce, réalisée dans les quatre à six semaines suivant l’acte chirurgical. Elle est délivrée par un accélérateur linéaire à la dose usuelle de 60 Gy/six semaines dans la tumeur et son voisinage, ce qui est lié au fait que 80 % des récidives sont locales et localisées dans les 2 cm de tissu cérébral qui entourent le volume tumoral initial. Le volume irradié est souvent limité au volume tumoral initial avec une marge de sécurité de 3 cm réalisé à ce jour selon une technique conformationnelle, pour une dose de 45 Gy en fractionnement classique, suivi d’un complément de 15-20 Gy réduit à une marge de sécurité de 1-1,5 cm. Une dose élevée avec une technique de radiothérapie large non ciblée exposait auparavant à un risque accru de complication cérébrale (en particulier d’oedème cérébral précoce). La radiothérapie stéréotaxique n’a pas sa place en routine pour ces lésions souvent volumineuses et agressives.
Enfin, la chimiothérapie seuleou en association avec la radiochirurgie a longtemps été décevante, et ce n’est que récemment qu’elle a trouvé sa place. Il a été en effet démontré en 2005, dans un essai randomisé, qu’une chimiothérapie orale avec témozolomide (Temodal 75 mg/m2/j pendant les six semaines de radiothérapie, suivi de 6 cycles adjuvants à 200 mg/m2/j/cinq jours par mois) associée à une radiothérapie de 60 Gy/30 séances classique était significativement supérieure à la même radiothérapie seule : avec respectivement une médiane de survie de quinze mois versus douze mois et une survie à deux ans de 26 % versus 8 %. Cette avancée significative dans la prise en charge des GBM réputés incurables a ouvert d’autres perspectives thérapeutiques.
Les gliomes de bas grade.
Les GbG sont un groupe hétérogène à croissance tumorale relativement lente, à situation supratentorielle préférentielle, dans des régions fonctionnelles dites éloquentes (motrice ou insula), mais à transformation quasi inéluctable en tumeur de haut grade GBM en quelques mois ou années.
Le mode de révélation est très souvent une crise d’épilepsie et un traitement antiépileptique au long cours est nécessaire dans la prévention d’une nouvelle crise (Dépakine, Neurontin...).
L’imagerie comporte un scanner cérébral et une IRM anatomique avec gadolinium permettant de faire le diagnostic de tumeur cérébrale unique, de la situer, de déterminer son volume et une éventuelle prise de contraste, et de définir son accessibilité chirurgicale. Un complément par une IRM fonctionnelle montrant les zones motrices et du langage précise au mieux l’opérabilité de tumeurs situées en ces zones éloquentes. Lors de la surveillance de ces tumeurs Gbg par imagerie itérative, il a été montré que ces lésions dites « bénignes » augmentaient de 4 mm par an en diamètre moyen (2-7 mm).
Un score pratique est établi à partir de facteurs pronostiques de type patient-dépendant : âge supérieur à 40 ans, index d’autonomie (déficit neurologique, état général), dépendance aux corticoïdes, épilepsie (meilleur si présente) ; de type tumeur-dépendant : prise de contraste scanner/IRM, taille tumorale de plus de 5 cm et extension controlatérale, histologie grade I ou II (meilleur pour les oligodendrogliomes), délétion chromosomique (meilleure si perte du bras court 1p19q) ; de type traitement-dépendant chirurgie (meilleur si exérèse suboptimale). Ainsi, les Gbg avec au plus deux facteurs péjoratifs sont associés à un faible risque et une survie médiane de 7,7 ans (6,6-9,3 ans), tandis que les Gbg avec trois facteurs ou plus ont une survie médiane plus limitée de 3,2 ans (3-4).
La chirurgie permet d’affirmer le diagnostic de Gbg et représente habituellement la première étape du traitement de la simple biopsie stéréotaxique à l’exérèse partielle ou subtotale maximale, utilisant des aspects techniques particuliers de neuronavigation (chirurgie assistée par ordinateur) ou de stimulation électrique corticale sous anesthésie locale, dans des conditions de réduction drastique de la mortalité opératoire (2 %). Pour les gliomes de grade I bien limités, la chirurgie complète est le meilleur élément du pronostic (90 % de survie à dix ans). Pour tous les autres Gbg de grade II, la chirurgie permet au mieux l’exérèse de la partie compacte de la tumeur (prise de contraste IRM) qui peut permettre une amélioration fonctionnelle.
L’attitude postopératoire peut être une radiothérapie cérébrale immédiate pour les patients à score péjoratif, ou surtout une radiothérapie différée de quelques années pour des scores favorables, en particulier réservé à la phase de progression-transformation tumorale secondaire. Cette radiothérapie « postopératoire » est délivrée par un accélérateur linéaire de haute énergie dans un volume limité au volume tumoral initial avec une marge de sécurité limitée (incluant le reliquat postopératoire), à la dose de 50-55 Gy en fractionnement classique de 5 x 1,8 Gy par semaine. Les réserves émises vis-à-vis de cette radiothérapie sont liées aux effets secondaires décrits chez des patients longs survivants après une radiothérapie ancienne avec grand volume (encéphale en totalité) et à dose élevée : troubles cognitifs, dysfonction endocrine, voire nécrose cérébrale. La survie à cinq ans passe néanmoins de 25-35 % après chirurgie seule, à 45-60 % après chirurgie et radiothérapie postopératoire, et, à dix ans, respectivement de 11-18 % à 25-40 %, réel bénéfice significatif. Des études récentes discutent l’intérêt potentiel d’une chimiothérapie postopératoire seule sans irradiation (protocole PCV ou temozolomide) ou précédant la radiothérapie, en particulier pour les oligodendrogliomes très chimiosensibles avec délétion 1p19q.
Pronostic effroyable.
Les gliomes cérébraux de haut comme de bas grade demeurent à ce jour de pronostic effroyable ; cependant l’optimisation récente des techniques chirurgicale, radiothérapique et chimiothérapique a permis de traiter certains patients avec des résultats tout à fait encourageants.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature