La grossesse chez une femme hypertendue a perdu son inquiétante réputation. Le pronostic ne cesse en effet de s'améliorer, sous réserve d'un dépistage des facteurs de gravité lors d'une consultation préconceptionnelle, ainsi que d'une surveillance étroite et d'un bon contrôle tensionnel tout au long de la grossesse.
L'HYPERTENSION ARTERIELLE (HTA) a longtemps été une contre-indication à la grossesse, en raison des risques maternel (éclampsie, notamment) et foetal (retard de croissance, souffrance foetale, mort in utero).
Depuis la publication de l'étude de L. C. Chesley en 1947 qui portait sur 218 femmes hospitalisées pour toxémie gravidique et qui rapportait 38 % de pertes foetales, 5,5 % d'hématomes rétroplacentaires et 4 % de morts maternelles, le pronostic n'a cessé de s'améliorer.
L'incidence des pertes foetales, des hématomes rétroplacentaires et des retards de croissance a considérablement diminué. Il n'en reste pas moins que, chez les femmes hypertendues, la grossesse expose à un risque de prééclampsie. Selon une étude de B. Sibai menée auprès de 763 femmes hypertendues, la prééclampsie est nettement plus fréquente lorsque l'HTA est ancienne, mais aussi en cas d'antécédent lors d'une grossesse antérieure et lorsque la patiente a d'emblée une protéinurie.
Une métaanalyse des différentes séries publiées montre que le risque de prééclampsie est multiplié par 3 et le risque d'hématome rétroplacentaire multiplié par 2 chez les femmes hypertendues par rapport aux femmes normotendues.
Le Dr Michel Beaufils confirme que la grossesse chez une hypertendue a perdu son inquiétante réputation. «Aujourd'hui, précise-t-il, l'existence d'une HTA chronique est pratiquement toujours compatible avec une grossesse. Il convient de rassurer la patiente et de l'informer en lui expliquant que le pronostic est généralement bon, même si l'incidence de prééclampsie est plus élevée dans ce cas, mais au prix d'une surveillance très régulière pendant la grossesse.» Comme toujours lorsqu'il existe une pathologie sous-jacente, une consultation préconceptionnelle est souhaitable chez l'hypertendue. La consultation est l'occasion de rechercher des facteurs de gravité : âge de la patiente, ancienneté de l'HTA, déroulement d'une grossesse antérieure.
Un deuxième élément particulièrement important est de s'assurer qu'il s'agit bien d'une hypertension essentielle. La plupart des femmes jeunes hypertendues qui commencent une grossesse ont une HTA essentielle familiale modérée. Néanmoins, la méfiance la plus extrême doit être la règle en présence d'une HTA sévère (> 180/110 mmHg). Le risque est majeur si la patiente a une sténose des artères rénales non diagnostiquée ou, pis, un phéochromocytome qui exposent à des complications redoutables chez la femme enceinte : risque d'hypertension artérielle maligne, risque létal.
Le retentissement de l'HTA sur les organes cibles (HVG, rétinopathie, protéinurie) doit être évalué, car c'est également un facteur de gravité. Enfin, il faut s'assurer que l'HTA est correctement contrôlée (objectif tensionnel : 140/90 mmHg) «car la grossesse se déroule d'autant plus facilement qu'on l'aborde avec une HTA bien équilibrée», souligne le Dr Beaufils.
Que faut-il prévoir et conseiller à la patiente comme mesures générales au cours de la grossesse ? Limiter l'activité physique et le sport, ne pas chercher à perdre du poids, réduire l'apport sodé (environ 6 g), le régime sans sel est déconseillé, supprimer l'alcool et le tabac.
Le traitement antihypertenseur.
Les antihypertenseurs centraux, les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques peuvent être poursuivis en début de grossesse. Si un diurétique est nécessaire pour maintenir un bon contrôle de la pression artérielle, il peut également être maintenu pendant le premier trimestre, mais la baisse tensionnelle spontanée qui se produit en début de grossesse permet souvent de l'interrompre sans difficulté. En revanche, si la patiente reçoit un IEC ou un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II), il est préférable de changer de classe thérapeutique. Ces antihypertenseurs sont contre-indiqués au-delà du premier trimestre, mais des données récentes (1) suggèrent un risque accru de malformations cardiaques et neurologiques durant cette période, et, en attendant confirmation, le principe de précaution est préférable.
Au total, actuellement, le pronostic de la grossesse chez une patiente hypertendue est bon, sous réserve de s'être assuré que l'HTA est essentielle et modérée, et que les facteurs de gravité potentiels aient été évalués. La surveillance doit être minutieuse et des ajustements posologiques (le plus souvent à la baisse) sont souvent nécessaires au cours de la grossesse.
D'après la communication du Dr Michel Beaufils (hôpital Tenon, Paris).
(1) Cooper W et coll. « N Engl J Med » 2006 ; 354 : 2443-2451.
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