DANS LA DERNIÈRE LOI de financement de la Sécurité sociale (LFSS 2008 publiée en décembre 2007), le gouvernement, aiguillé par certains députés, avait glissé un article (39) visant à accroître la transparence tarifaire en médecine libérale (sans aller jusqu'à plafonner le secteur II). La principale nouveauté, objet de débats vifs dans l'Hémicycle, consistait à instaurer une procédure de devis obligatoire («information écrite préalable») précisant le tarif des actes ainsi que la nature et le montant du dépassement facturé dès lors que les honoraires totaux exigés en consultation «dépassent un seuil fixé par arrêté», quel que soit le secteur d'exercice du médecin . Cinq mois après la parution de cette loi, le projet d'arrêté en question que « le Quotidien » s'est procuré fixe ce montant-plancher : le professionnel de santé devra remettre un devis au patient avant d'engager les soins «dès lors que les honoraires totaux des actes et prestations –incluant un dépassement– facturés lors de la consultation sont supérieurs ou égaux à 80euros», lit-on dans ce projet . Si ce montant est confirmé dans la version définitive de l'arrêté, il correspondra à la fourchette la plus basse envisagée initialement par Roselyne Bachelot. Dans un entretien à « La Croix » du 30 janvier 2008, la ministre de la Santé avait évoqué une somme «autour de 80 à 100euros» à partir de laquelle le devis sera obligatoire pour les actes en consultation. Un niveau alors jugé «suffisamment élevé pour cibler les actes importants où les dépassements sont fréquents». Conscient du caractère très sensible du sujet, le cabinet de Roselyne Bachelot a récemment consulté discrètement plusieurs syndicats de spécialistes avant d'arbitrer le montant le plus «pertinent» du seuil déclenchant un devis obligatoire . Selon certaines sources, il n'était pas exclu que le gouvernement accepte in extremis de relever ce montant-plancher jusqu'à 100 euros, ce qui réduirait la portée du dispositif.
Habitudes.
En tout état de cause, les actes les plus courants avec dépassements (inférieurs au seuil fixé) resteront exonérés d'obligation de devis.
La loi a cependant prévu une exception lorsque le médecin reçoit un patient pour une consultation préalable et prescrit un acte à réaliser lors d'une consultation ultérieure : dans cette hypothèse – par exemple, des consultations chirurgicales préopératoires –, le devis sera systématique, y compris si les honoraires sont inférieurs au seuil fixé par arrêté.
Quoi qu'il en soit, cette procédure d'information écrite préalable, même limitée aux actes lourds (et cumul d'actes lors d'une même consultation), risque de modifier certaines habitudes. En cas de manquement à l'obligation de devis, la loi a prévu une sanction financière contre le professionnel «égale au dépassement facturé». La pénalité est prononcée par la caisse primaire locale après avis d'une commission paritaire.
Pour le président de la CSMF, la systématisation des devis pour les actes en consultation sera une procédure «inapplicable dans les faits» qui créera un «climat de suspicion permanent» entre les patients et les médecins. «Contrairement à ce que certains pensent, ce système de devis obligatoire a une portée très large: ça concerne les actes de radiologie, beaucoup de consultations avec un acte technique... Comment les médecins vont-ils faire? Ils vont examiner le patient, poser le diagnostic, réaliser les actes et... le malade va refuser de payer parce que le médecin n'aura pas établi de devis écrit? Je suis extrêmement réservé sur la faisabilité concrète de ce dispositif.» Le Dr Djamel Dib, chef de file des spécialistes de la FMF, estime lui aussi que le seuil de 80 euros déclenchant le devis obligatoire serait «trop bas». «A ce niveau, on touche beaucoup de monde pour des actes ou cumul d'actes: rhumatologues, gynécologues, radiologues, cardiologues, la petite chirurgie... C'est beaucoup de paperasserie en vue.» Le ministère de la Santé a néanmoins fait comprendre aux syndicats qu'il tenait à la «portée politique forte» de ce texte au service de la «transparence tarifaire».
Dans le même esprit, la loi de financement de la Sécu pour 2008 contraint les médecins d'afficher dans leur salle d'attentede façon «visible et lisible» les informations sur les honoraires, tarifs et dépassements facturés (une obligation déontologique inégalement respectée). Cette fois, c'est un décret en conseil d'Etat qui doit fixer les sanctions éventuelles.
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