Art
Il n'y a rien d'innocent dans l'émergence du surréalisme, lui-même enfanté par la révolution dada. Cette dernière voulait qu'il n'y ait point d'art mais des actes parfois puérils et primaires, pour déstabiliser les idées toutes faites, le confort bourgeois sur lequel repose notre société. L'objet dada, par définition sans valeur artistique, a gagné le musée et déclenché un processus dont on mesure aujourd'hui le caractère pernicieux, puisque c'est le musée qui fait l'uvre. D'où un débordement de « n'importe quoi » au nom de l'art.
Après cette page bariolée et plutôt sympathique, c'est l'exploration de l'inconscient, des forces obscures de la nature humaine, qu'entreprend le surréalisme avec des explorateurs aussi impétueux que Max Ernst, Dali, Tanguy, Miro, Magritte, Masson, qui vont baliser le territoire du rêve, des techniques d'automatisme réhabilitées par le cadavre exquis, le collage, le frottage, tout ce qui entraîne la création picturale dans le territoire du jeu. La leçon a porté. Aujourd'hui, on a détruit les barrières qui pouvaient exister entre un art « noble », conduit par des professionnels, et toute forme d'expression qui relève d'une nécessité intérieure, d'où l'art des enfants, des fous, des marginaux de tout poil.
Le risque d'une exposition consacrée à cette formidable aventure, c'est d'enfermer, dans l'espace du musée, de sa respectabilité, toutes ces grenades, toutes ces balles perdues qui visaient la société de consommation en revendiquant le rêve, la folie, et toutes les déviations considérées comme des expressions de l'homme libre.
La voie royale de l'avant-garde
Le surréalisme dans son essor a été, au cours des Années folles, la voie royale de l'avant-garde, l'abstraction étant déjà menacée d'académisme et trop encline à se théoriser.
Il fallait une grande figure emblématique de penseur, de tête chercheuse, et illuminée, pour porter le flambeau d'une aventure qui fit des ravages chez les jeunes. Ce fut André Breton. L'honneur rendu à sa propre collection, à ses choix, donne la mesure des précautions du musée qui, aujourd'hui, se cherche des références, des points d'appui, pour baliser un territoire mouvant, fluctuant, traversé de séismes, de ce « très doux tremblement » qu'évoquait poétiquement Max Ernst.
Le seul risque d'une telle entreprise, c'est qu'elle fige une démarche de pensée qui aurait encore des raisons d'être, dans les plis de l'Histoire. Elle en fait une page du passé. Pour les nostalgiques de ce qui fut une fabuleuse et féconde aventure. Une exposition sur laquelle nous reviendrons la semaine prochaine.
Centre Georges-Pompidou. Jusqu'au 24 juin.
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