«L’ÉVOLUTION en cours peut être décrite comme le passage d’une ambiance de paternalisme éclairé, où il était entendu que le médecin décide plus ou moins unilatéralement de ce que doit être le bien du patient, et l’impose, à une ambiance plus contractuelle, où le médecin tient compte de ce que le patient considère comme son bien, et négocie avec lui les modalités de son intervention.» Dans son rapport du 12 juin 1998 sur le consentement éclairé et l’information des personnes qui se prêtent à des actes de soin et de recherche, le Conseil consultatif national d’éthique prend acte du changement de la société française, porté notamment par des associations comme l’AFD (diabétiques), l’AFH (hémophiles), Aides (infection par le VIH) ou l’Unapei (handicapés mentaux), «qui s’affirment comme partenaires du système de santé, proposant des stratégies thérapeutiques, concevant et promouvant des actions de recherche,faisant valoir le point de vue des patients dans le dialogue avec les soignants. Avec le soutien de ces associations, on voit des malades devenir pour leur médecin traitant des partenaires précieux, qui comprennent leur maladie, et entrent dans un vrai dialoguesur leur itinéraire thérapeutique,aboutissant à des décisions prises en commun et véritablement partagées».
Les pratiques anciennes autoritaires.
Dans le même temps, la médecine elle-même a subi une mutation profonde. D’empirique, elle est devenue scientifique et technicienne, mêlant actes de soins et actes de recherche, ce qui oblige le praticien à rompre avec ses anciennes attitudes péremptoires pour mieux mesurer ses incertitudes et ses limites. Le Ccne juge «l’évolution en cours positive et exclut le retour à des pratiques anciennes fondées sur des décisions médicales autoritaires. Il plaide pour un accès de tous les citoyens à une gestion responsable de leur vie et de leur santé et demande que cela soit encouragé».
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades viendra entériner le passage du patient objet au patient sujet et acteur de soins qui «prend avec le professionnel de santé, et compte tenu des informations et préconisations qu’il fournit, les décisions concernant sa santé» (article L.III-4 alinéa du Code de santé publique). Elle impose au médecin un devoir d’information dont elle précise le contenu : l’information sur les différentes investigations, les traitements, la prévention et sur les risques fréquents ou graves, normalement prévisibles. La crainte d’une dérive légaliste et judiciaire a parfois conduit le praticien à mettre l’accent sur une information unilatérale décrivant les risques encourus par rapport aux bénéfices attendus, destinée à le protéger contre un éventuel procès plutôt qu’à aider le patient à prendre une décision raisonnée. Cependant, deux modèles se sont peu à peu dégagés : celui du patient décideur et celui de la décision partagée (ou shared decision-making model, selon la terminologie anglo-saxonne). Dans le premier, le médecin se contente de fournir une expertise technique et l’information la plus objective possible, mais ne participe pas à la délibération. Des outils d’aide à la décision, sous forme de vidéos, de cédéroms, de cassettes ou de dépliants ont été conçus pour aider le patient à mieux comprendre et à faire le meilleur choix possible pour sa santé.
Interaction pendant tout le processus.
Le deuxième modèle, celui de la décision partagée, implique l’interaction du médecin et du patient tout au long du processus qui mène à la décision. Tous les deux sont impliqués et chacun déclare ses préférences par rapport aux traitements afin d’aboutir à un consensus. Des expériences de ce type sont menées en cancérologie (centre anticancéreux Léon-Bérard, de Lyon, sous la direction du Pr Alain Brémond) ou chez les malades en fin de vie, où ce mode de décision tendrait à réduire les séquelles psychologiques et à faciliter le deuil. Pour une thèse sur la décision partagée en médecine générale (Magalie Jaulin, faculté de médecine de Nantes, 16 septembre 2004), 40 médecins de Loire-Atlantique et de Vendée ont été interrogés sur leur perception du mode décision dans une situation concrète de prescription d’un traitement hormonal substitutif. Beaucoup (17) pensent que la décision partagée devrait être dans l’avenir un mode de plus en plus fréquent et la majorité d’entre eux (20), qu’il peut être appliqué dans la plupart des situations de médecine générale. Si certains se méfient encore du risque de judiciarisation, ils estiment que l’approche présente l’avantage de faciliter l’adhésion au traitement, d’instaurer une meilleure relation médecin-patient tout en responsabilisant le patient. La plupart avouent cependant ne pas s’interroger ni interroger leurs patientes sur les représentations et valeurs qu’elles accordent au traitement, ce qui tend à montrer que la démarche ne leur est pas encore familière.
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