U N procès sans doute « maladroit » dans lequel la logique juridique, soutenue « à raison » par l'industrie pharmaceutique, se noie dans « l'émotion » que suscite le drame du SIDA en Afrique du Sud : c'est ainsi que le Dr Robert Sebbag, président de TULIPE* (association fondée par le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique) et directeur de la communication d'Aventis Pasteur, appréhende le procès qui va reprendre demain à Pretoria. Il prône un « partenariat entre organisations internationales, gouvernements et industriels » pour lutter contre le SIDA dans les pays en développement.
LE QUOTIDIEN - Dans le procès qui reprend demain à Pretoria, opposant des laboratoires pharmaceutiques au gouvernement sud-africain, l'industrie pharmaceutique a le mauvais rôle. Quel intérêt ont les laboratoires à poursuivre cette procédure ?
Dr ROBERT SEBBAG - Ne faisons pas l'amalgame entre le problème général du SIDA dans les pays en développement, notamment en Afrique du Sud, et le problème de la propriété industrielle et du droit des brevets qui est au cœur de ce procès. Evidemment, deux logiques s'affrontent et l'une l'emporte sur l'autre. L'émotion face à un problème de santé publique majeur (le SIDA en Afrique) l'emporte sur la logique juridique du droit international. On oublie alors que les autorités sud-africaines n'ont jamais voulu reconnaître le SIDA comme une cause nationale de santé publique. Ce qui leur aurait permis de bénéficier, dans le cadre de l'OMC et des accords TRIPS, de la possibilité d'émettre des licences obligatoires**.
Il reste que les laboratoires n'ont pas bonne presse...
Ce procès est sans doute maladroit. Même si l'on a juridiquement raison, il est difficile de le faire entendre devant l'émotion. Néanmoins, ce procès a valeur de symbole et de pédagogie. Valeur de symbole, car l'industrie ne peut laisser assécher les produits réalloués à la recherche. La découverte de nouvelles molécules, notamment sur le SIDA, en dépend. Ce procès a une valeur pédagogique, car les laboratoires vont devoir expliquer leur démarche face à une situation de toute manière très difficile.
Le médicament n'est qu'une part dans l'approche thérapeutique du SIDA. Le traitement par trithérapie requiert un suivi, des contrôles cliniques et un minimum d'infrastructures sanitaires. Il y a, dans les pays en développement, un problème majeur d'accessibilité aux soins. Les laboratoires qui mettent les molécules sur le marché ont une part de responsabilité, mais les autorités publiques doivent consacrer un minimum de fonds aux problèmes de santé publique. Ethiquement, il n'est pas possible de dire que nous allons sacrifier 600 000 enfants qui naissent chaque année avec le VIH. Il faut trouver des solutions et ces solutions ne peuvent passer que par le partenariat entre organisations internationales, gouvernements et industriels.
Quelle place l'industrie pharmaceutique entend-elle occuper à l'avenir dans ce combat ?
On va naviguer à vue. Les firmes pharmaceutiques ont déjà conclu plusieurs accords avec des gouvernements de pays en développement en proposant, pour les antirétroviraux, des prix largement inférieurs à ceux pratiqués habituellement. Peu de pays sollicitent ces accords. Il y a pourtant, du côté des sociétés pharmaceutiques, une volonté de mettre en œuvre des accords de baisse de prix. Mais il faut encore obtenir certaines garanties, notamment celle que des produits à prix réduits ne seront pas exportés vers des pays où les médicaments ont un juste prix. Tout le commerce international s'en ressentirait.
* Transferts d'urgence de l'industrie pharmaceutique.
** En vertu des accords TRIPS sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce, une procédure, la licence obligatoire, permet à un gouvernement d'autoriser la production, la vente ou l'importation d'un produit sans la permission du détenteur du brevet, en cas d'intérêt majeur.
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