UNE UNITÉ INSERM, U853 : « Infection à Helicobacter, inflammation et cancer », vient d'être créée à Bordeaux-II, avec pour objectif d'identifier les facteurs bactériens impliqués dans l'évolution de l'infection à Helicobacter pylori vers le cancer.
Le Pr Barry Marshall, parrain de l'inauguration, a donné, à cette occasion, une conférence. Il a fait un retour sur son épopée, celle d'un «buveur de bactéries» moqué par ses pairs, et dont les découvertes ont révolutionné le traitement des ulcères digestifs, ouvrant de nombreuses perspectives de recherche.
Durant des décennies, les ulcères ont été considérés par la communauté scientifique et médicale comme le résultat du stress ou d'un régime alimentaire inadéquat. La découverte en 1982 par un jeune chercheur australien, Barry Marshall, que les ulcères de l'estomac étaient causés par une infection bactérienne allait donc à l'encontre de tous les dogmes qui prévalaient. Elle fut accueillie avec un grand scepticisme. Ses travaux ont même été qualifiés par les spécialistes les plus en vue de l'époque de «farfelus» et de «grotesques». D'ailleurs, les scientifiques l'assuraient : «Aucune bactérie n'est capable de vivre dans un milieu aussi acide que l'estomac.»
Une dose d'Helicobacter pylori.
«L'illusion du savoir est le plus grand obstacle à la connaissance», a-t-il ironisé. Cette illusion, qu'il dénonce, il aura dû la combattre pendant des années, allant jusqu'à jouer le rôle de cobaye, en avalant lui-même une dose d' Helicobacter pylori, afin de prouver que la bactérie était bien responsable de la maladie.
Il aura fallu plus de vingt ans pour que soit récompensé du prix Nobel de médecine 2005 le chercheur australien. Vingt ans depuis sa découverte, pour que la théorie «infectieuse» de l'ulcère s'impose enfin devant la théorie «sécrétoire». Et aujourd'hui, il n'existe plus personne pour venir contester ses travaux.
Avant la découverte de la responsabilité d' Helicobacterpylori dans les ulcères gastro-duodénaux, seuls les symptômes de la maladie étaient traités, grâce à la prise répétée d'antisécrétoires. Aujourd'hui, les patients peuvent espérer être guéris par la prise d'antibiotiques.
En France, depuis la conférence de consensus de 1995, la conduite à tenir est clairement établie :
– lorsqu'un ulcère est diagnostiqué, la présence d' Helicobacter pylori est immédiatement recherchée ;
– lorsque la présence de la bactérie est confirmée, le patient suit une trithérapie associant deux antibiotiques à un inhibiteur de l'acidité gastrique. L'inflammation persiste durant 6 à 24 mois, puis la muqueuse redevient normale. Ce traitement est efficace dans 70 % des cas.
En cas d'échec, un second traitement fondé sur un autre groupe d'antibiotiques est prescrit. Au final, plus de 90 % des patients guérissent définitivement. Les malades restants devront avoir recours à un traitement par antisécrétoires.
L'évolution vers le cancer reste exceptionnelle.
Les preuves du lien causal entre l'infection par Helicobacterpylori et le cancer gastrique sont aujourd'hui clairement établies. Doit-on pour autant envisager la réalisation d'un dépistage systématique à des fins de prévention du cancer gastrique ? «Probablement pas, répond le Pr Marshall. L'évolution de l'infection bactérienne vers le cancer reste exceptionnelle et dépend à la fois de facteurs de susceptibilité de l'hôte, environnementaux et bactériens. » Le rapport coût- efficacité d'un dépistage de masse serait donc trop élevé, ce chiffre étant variable selon la prévalence du cancer dans la population étudiée. «Il s'agirait davantage d'envisager un dépistage ciblé», précise-t-il. Reste cependant à définir la population cible.
L'objectif de l'unité U853 Inserm-Bordeaux-II est précisément d'identifier les facteurs bactériens impliqués dans l'évolution d' Helicobacter vers le cancer. Des recherches qui devraient permettre de préciser cette population des sujets infectés les plus exposés.
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