ON A TANT, depuis plus de quinze ans, vanté l’intelligence et l’audace du metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski, que l’on se sent presque coupable devant le désastre prétentieux que constitue le spectacle actuellement donné dans la grande salle historique du théâtre de l’Odéon. Il est évident que Tennessee Williams ne l’intéresse pas. Il a répondu à la sollicitation d’Isabelle Huppert, dont on pouvait comprendre qu’elle veuille travailler avec lui et qu’elle rêve d’incarner Blanche DuBois dans « Un tramway nommé désir ». On peut le soupçonner de ne pas s’intéresser non plus vraiment à l’interprète. Il y a quelque chose de profondément pervers dans la manière dont il conduit la comédienne à s’enfermer dans la démonstration.
Sur le grand plateau, le décor, toujours le même d’un spectacle à l’autre, grande boîte de verre, cite le bowling où se détend avec ses amis Stephan Kowalski, le mari de Stella, la sur de Blanche. Un décor froid, clinique. Des images relayées en vidéo mais qui sont cette fois-ci tellement médiocres qu’à part enlaidir au maximum Isabelle Huppert, elles n’apportent rien. Warlikowski joue les nouveaux riches du savoir surchargeant le plateau de références cuistres : ici Salomé et Saint Jean Baptiste, ici Tancrède et Clorinde, etc. Des idées de qui ? Il y a là aussi un « dramaturge » d’habitude mieux inspiré.
La pièce est longue, Williams consacre de longues didascalies aux différentes scènes car il sait que les « personnages » sont pris dans les humeurs des lieux. Mais les presque 3 heures de Warlikowski sont consacrées à tout autre chose. Le personnage de Mitch (Yann Colette) est complètement luxé et qui ne connaîtrait pas la pièce ou le film est trompé. Celui de Stella (Florence Thomassin) est traité avec désinvolture par le metteur en scène, celui d’Eunice, la voisine noire, est confié à la chanteuse autrichienne Renate Jett, que l’on affuble d’une perruque afro ! Quant au grand acteur Andrzej Chyra, il s’applique à parler français, très loin des contradictions et de la sensualité de Kowalski. Figure des amis, Pablo sans doute, le Chilien Cristian Soto est un artiste (écrivain et acteur, notamment) intéressant. Il est ici noyé.
Demeure, en scène sans cesse, se dépensant physiquement et sensiblement de manière continue, Isabelle Huppert. D’accord. Elle est une grande actrice, audacieuse et maîtrisée. Mais qu’apporte cette performance vaine ? Rien. On s’ennuie. On est navré. Et en colère. Qu’a-t-il voulu faire, Warlikowski ? Plus fort que Castorf qui s’était saisi de la pièce avec une intelligence formidable et un sens du théâtre, du jeu, du sens, extraordinaire et inoubliable.
Théâtre de l’Odéon (tél. 01.44.85.40.40), jusqu’au3 avril
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature