LE QUOTIDIEN : Dans quel contexte a été élaboré le plan Alzheimer 2008-2012 ?
Pr BRUNO DUBOIS : En 2007, le Président de la République a souhaité que soit mis en place au niveau national un plan ambitieux qui tienne compte de l’ensemble des aspects médicaux, sociaux et de recherche concernant la maladie d’Alzheimer (MA) et les syndromes apparentés. L’idée était de faire bouger les lignes et de permettre une réflexion globale à la fois sur la maladie et ses conséquences sociales. Compte tenu de la tension que va immanquablement générer le vieillissement de la population dans la société, il apparaît nécessaire d’évaluer de nouvelles formes de prise en charge, de créer de nouveaux métiers, de nouvelles structures adaptées spécifiques notamment pour les patients avec troubles du comportement ou les patients jeunes et des structures d’information. Il est également essentiel d’impulser à la recherche une dynamique visant à attirer sur le champ de la MA de nouvelles équipes pour renforcer le tissu scientifique autour de cette affection.
Ce plan est donc l’occasion de réfléchir à la façon dont une société moderne doit prendre en charge la MA que l’on peut considérer comme une pathologie « nouvelle » car, du fait des progrès importants de la médecine, les individus arrivent à un âge où elle devient un problème majeur.
La MA est-elle la première pathologie à susciter une réflexion globale nationale de cette ampleur ?
Avant la MA, seuls les cancers et le sida ont fait l’objet d’une telle mobilisation. Il est intéressant de noter que ce plan a eu un effet dynamisant au niveau national, mais aussi d’autres pays qui essaient de s’en inspirer. Outre la mise en place d’échanges européens, des plans nationaux spécifiques à la MA ont ainsi été lancés en Angleterre, en Allemagne et au Québec. Et une réflexion est amorcée sur un « joint programming » de recherche entre plusieurs pays européens.
L’un des objectifs du plan est de « faire de la MA une priorité européenne »…
En effet, mais il faut savoir que la santé est subsidiaire : chaque pays a toute liberté d’organiser sa réflexion sur les problèmes de santé publique. La MA pourrait être à l’origine d’un mouvement de convergence des programmes nationaux qui transcende la subsidiarité. Nous constatons que les politiques sont en train de s’en saisir pour créer une ébauche de ce qui pourrait être une réflexion de santé au niveau européen.
Selon le calendrier prévisionnel du plan, la mise en œuvre de neuf mesures sur les treize consacrées à la recherche devait commencer dès 2008. A-t-il été respecté ?
Oui, pour toutes les mesures, à l’exception de celle sur le soutien des cohortes pour laquelle la parution de l’appel d’offre a été décalée. Conformément aux délais annoncés, la Fondation de coopération scientifique (FCS) a vu le jour en juin 2008. Elle comporte un conseil d’administration et un conseil scientifique indépendant international (sept membres français et huit étrangers) présidés, respectivement, par M. Philippe Lagayette et le Pr Joël Ménard. Son financement provient de l’État et de plusieurs industriels.
La FCS fonctionne déjà de façon efficace. Plusieurs projets de recherche importants ont été sélectionnés et/ou viennent d’être lancés. C’est le cas, notamment, de travaux fondamentaux sur des modèles expérimentaux et, dans le cadre des projets de recherche en sciences humaines et sociales, de l’identification d’un réseau thématique pour l’évaluation des besoins et des chiffres de la MA d’une part, et d’une recherche pluridisciplinaire sur les pratiques professionnelles d’accompagnement psychosocial, d’autre part.
Une réflexion est aussi en cours sur les besoins en neuroimagerie : un appel à projet sur la création d’un centre de recherche de traitement automatisé de l’image. Il est également prévu d’installer des IRM à haut champ dédiées à la MA. Un appel d’offre devrait être élaboré à ce sujet dans les mois qui viennent.
Par ailleurs, un financement a été obtenu pour une étude de génotypage à haut débit qui est en cours. Les chercheurs ont réalisé un génotypage complet de 2 300 patients et 8 200 témoins français avec une étude de réplication à partir de données européennes de 4 755 patients et 3 700 témoins.
À noter également que la FCS a reçu trente-deux lettres d’intention de la part d’équipes travaillant sur les modèles biologiques, que des médecins ont déjà bénéficié d’un premier cycle de formation à l’épidémiologie clinique par l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (ISPED) et que deux postes de professeurs issus de l’industrie pharmaceutique ont été validés par le Conseil national des universités.
Les structures de recherche clinique vont-elles bénéficier de mesures particulières ?
La recherche clinique est assurée essentiellement par les médecins exerçant dans les structures hospitalières, généralement de CHU. Il n’a pas été prévu de mise à niveau de ces structures. Une discussion est en cours pour essayer de leur donner des moyens leur permettant de réaliser les objectifs qui leur sont fixés.
En plus des efforts pour la recherche, le plan évoque l’organisation d’un suivi épidémiologique. Où en est-on de cet autre objectif ?
Parallèlement aux actions visant la recherche, la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, la direction générale de la Santé et la FCS sont effectivement chargées de mettre en place un suivi épidémiologique, avec la constitution et la mise en œuvre d’un système d’information sous la responsabilité du CHU de Nice (Pr Philippe Robert). La définition du dossier informatisé – le CIMA (corpus d’informations minimum Alzheimer) – est en cours de finalisation. Cette mesure, qui implique aussi les neurologues libéraux, vise à recueillir des informations sur le type de prise en charge des patients, leurs caractéristiques et les activités des consultation de mémoire.
*D’après un entretien avec le Pr Bruno Dubois (centre des maladies cognitives et comportementales, Inserm U 610, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris), membre du Comité de pilotage du plan Alzheimer.
Quotidien Spécialistes du : 04/06/2009
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