QUOI DE PLUS banal qu'une onychopathie ? Rappelons à cet égard que l'hyperkératose, la coloration blanche, jaune ou brune, et l'onycholyse s'observent dans l'onychopathie psoriasique, tout comme, après un traumatisme dans les chaussures, les onychomycoses ne représentant que 50 % des maladies de l'ongle. On distingue les atteintes à dermatophytes, fréquentes au niveau des ongles des orteils, les atteintes à levures (Candida albicans), volontiers localisées aux mains, et les onychomycoses à moisissures, rares, mais difficiles à traiter. Dans ce dernier cas, le caractère pathogène peut être affirmé lorsque l'isolement de la moisissure est effectué à plusieurs reprises, en l'absence d'autre champignon. Le diagnostic d'une telle affection demande un prélèvement précis, orienté par la clinique, d'une lésion évidente, n'intéressant pas toujours l'ongle le plus atteint, mais surtout celui qui a l'aspect le plus caractéristique.
Les dermatophytes atteignent surtout les pieds.
Les onychomycoses à dermatophytes s'observent dix, voire quinze ans après l'atteinte des espaces interdigitaux plantaires. Quand on interroge le patient, le plus souvent un homme adulte, celui-ci raconte une longue histoire de mycose des espaces interdigitaux plantaires, survenant l'été, avec prurit et fissure. Ces lésions sont souvent traitées par « une petite crème » pendant deux ou trois jours, avec succès. Après quelques années, les ongles commencent à s'altérer, à l'origine d'une gêne esthétique indolore. Pour affirmer la mycose, il faut prélever les ongles et les lésions cutanées du pied (espaces interdigitaux plantaires, plantes, voire dos du pied). On retrouve le même dermatophyte sur les ongles et sur la peau. A ce stade, il faut toutefois se méfier d'un psoriasis qui peut être à l'origine d'aspects voisins des ongles et de la peau, l'atteinte bilatérale et symétrique étant en faveur de ce dernier diagnostic.
Trichophyton rubrum (T. rubrum) entraîne des lésions assez torpides qui siègent aux pieds et qui s'étendent aux jambes. L'atteinte d'une paume et des ongles des mains est caractéristique du syndrome « one hand-two feet » des Anglo-Saxons. L'ongle est souvent jaune, couleur à différencier de la teinte orangée provoquée par certaines moisissures qui colonisent secondairement les ongles (Scopulariopsis brevicalis). Il s'agit du dermatophyte le plus fréquent aux pieds (80 %), impliqué notamment lors des contaminations familiales.
Trichophyton interdigitale (T. interdigitale) provoque, quant à lui, des atteintes inflammatoires avec lésions vésiculeuses et prurigineuses d'une ou des deux plantes, survenant l'été. Les ongles sont souvent blancs (leuconychies). Ce champignon anthropophile est voisin de Trichophyton mentagrophytes, avec lequel il partage l'aspect macroscopique et microscopique, mais il n'intéresse que les pieds et les plis de l'aine.
Ces dermatophytes sont sensibles aux traitements imidazolés locaux sous forme de lotions, de poudres et de crèmes à base de ciclopiroxolamine (Mycoster) ou de terbinafine (Lamisil). En cas d'atteinte unguéale ou de lésions très étendues, il est cependant nécessaire d'associer un traitement par voie générale. « La terbinafine est actuellement le meilleur traitement, mais dont la durée varie. A l'hôpital Tarnier,nous gardons un schéma de trois mois de traitement continu associé à un vernis antifongique jusqu'à guérison clinique complète », précise le Dr Viguié. Les lésions trop épaisses sont décapées par une préparation à l'urée (AmycorOnychoset). « Les vernis antifongiques sont très utiles dans notre pratique », ajoute encore le Dr Viguié, qui rappelle que l'amorolfine (Locéryl) s'applique deux fois par semaine et la ciclopiroxolamine (Mycoster), une fois par jour. En cas de dystrophie de l'ongle liée à l'âge ou à la forme des ongles, il est nécessaire d'effectuer un prélèvement à distance du traitement, afin de vérifier la guérison mycologique avant l'arrêt thérapeutique.
Les moisissures, rares et résistantes.
Les onychomycoses à moisissures sont rares et ont souvent un aspect de leuconychies superficielles atteignant un seul ou quelques ongles. A noter leur possible survenue après traumatisme de l'ongle et l'absence d'atteinte cutanée associée. Les moisissures isolées sont surtout : Fusarium sp, Acremonium sp,Aspergillus sp. Il faut retrouver la même moisissure à plusieurs prélèvements avec un examen direct positif pour leur attribuer un rôle pathogène . Scytalidium dimidiatum et S. hyalinum sont des agents pathogènes particulièrs, mais, comme pour toutes les moisissures, leur association à un dermatophyte ôte leur pathogénicité. Pour G. Badillet, il s'agit de « pseudodermatophytes », car ils ont un aspect clinique voisin de celui des lésions dues à Trichophytonrubrum aux pieds et aux mains ; ils sont fréquents dans les zones tropicales et subtropicales (Afrique, Antilles).
Globalement, les moisissures sont très résistantes aux traitements antifongiques actuels et seulement 40 % des lésions guérissent.
Les candidoses, plutôt aux mains.
Les candidoses des ongles atteignent préférentiellement les mains, classiquement fréquentes chez les ménagères, les pâtissiers et les cuisiniers, et se traduisent par des périonyxis fréquents et une atteinte verdâtre du bord latéral des ongles. Un traitement local peut suffire, à condition de changer les habitudes du patient, car l'humidité et l'environnement sucré sont des facteurs favorisants. Ici, le traitement sera surtout local (vernis Mycoster, crème imidazolée). Il faut également rechercher un diabète ou une immunodépression d'origine virale (VIH, hépatite C), métabolique (diabète ) ou thérapeutique (anticancéreux), ainsi qu'une candidose vaginale associée chez les femmes. En cas d'isolement de Candida albicans, seule levure pathogène sur la peau, il faut encore vérifier que la levure n'est pas associée à un dermatophyte, ce qui est souvent le cas aux pieds. Il fait alors traiter l'atteinte dermatophytique, comme pour les moisissures.
Enfin, les candidoses répondent bien au fluconazole (Triflucan), et des traitements continus ou par « pulse thérapie » ont été décrits.
Les candisoses vaginales vraies répondent bien au fluconazole (150 mg) en dose unique selon l'AMM, la difficulté restant le traitement des candidoses vaginales récidivantes. Il vaut mieux souvent traiter le partenaire et prévenir les récidives lors de la prise d'antibiotiques.
D'après un entretien avec le Dr Claude Viguié, hôpital Tarnier, Paris.
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