Chez la moitié des Européens

Un polymorphisme protège les obèses de l'insulinorésistance

Publié le 19/03/2008
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UNE ÉQUIPE de chercheurs de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul (Paris) a découvert un polymorphisme génétique qui atténue la résistance à l'insuline chez les enfants atteints d'obésité. Ce polymorphisme est localisé dans le gène codant pour une des sous-unités de la phosphatidylinositol 3 kinase (PI3K), une enzyme essentielle au fonctionnement de la voie de signalisation grâce à laquelle l'insuline régule le transport du glucose. Cette découverte pourrait permettre de repérer précocement les enfants en surpoids les plus à risque de devenir résistants à l'insuline.

«La sensibilité à l'insuline est un trait multifactoriel: elle dépend de ce qu'on mange, de ce qu'on a mangé il y a dix ans, du niveau d'activité physique récent, des stress qu'on a pu subir. Elle dépend aussi de notre génome et des modifications épigénétiques qui le caractérisent », explique Pierre Bougnères (INSERM U561) qui a dirigé ces travaux. Pourtant, il est apparu que la mutation d'un seul nucléotide, parmi plus de trois milliards que compte le génome humain, peut avoir un énorme impact sur la physiologie de la régulation énergétique des sujets atteints d'obésité : «D'après nos calculs, le variant que nous avons découvert serait responsable de 26% de la variabilité de la sensibilité à l'insuline observée chez les enfants obèses», poursuit le chercheur.

Extrêmement rare dans les populations orientales.

L'identification de ce variant s'est faite selon l'approche « gène candidat ». Compte tenu du rôle central de la PI3K dans la voie de l'insuline, Pierre Bougnères et son équipe ont décidé d'étudier la séquence des gènes codant pour chacune de ses deux sous-unités à recherche de variations spécifiquement associées à une modification de la sensibilité à l'insuline. Les chercheurs sont ainsi «tombés sur un allèle de la sous-unité p110-bêta présentant un changement de base unique au niveau du promoteur» (région d'un gène impliquée dans la régulation de son expression). «Cet allèle est extrêmement rare dans les populations orientales, relativement fréquent dans la population africaine et archifréquent dans les pays occidentaux: on le retrouve chez 50% des Européens», précise Pierre Bougnères.

En regardant de plus près la séquence de ce variant, les chercheurs ont découvert que le polymorphisme le caractérisant conduit à l'apparition d'un site de fixation pour les facteurs de transcription de la famille GATA.

Diverses expériences conduites sur des lignées de cellules en culture et sur les lymphocytes de jeunes patients obèses ont confirmé que l'allèle variant possède effectivement une grande affinité pour les facteurs de transcription GATA.

En conséquence, le variant est significativement plus exprimé que l'allèle commun de la sous-unité p110-bêta de la PI3K. Le phénomène entraîne une augmentation de l'activité de la voie de signalisation déclenchée par l'enzyme en réponse à l'insuline et conduit ainsi à une atténuation de la résistance à l'hormone couramment développée par les sujets atteints d'obésité.

Aucun effet chez les sujets minces.

«Le variant agit en protégeant les obèses de l'insulinorésistance, mais il n'a pratiquement aucun effet chez les sujets minces», souligne Pierre Bougnères. Des travaux complémentaires devront être menés afin de tester son rôle éventuel dans la survenue du diabète de type 2.

Sachant que ce variant n'a pas d'équivalent chez les grand primates et compte tenu de sa distribution dans les populations humaines, on imagine qu'il serait apparu au cours de l'évolution de l'espèce humaine : «Au départ, il devait être intéressant d'être résistant à l'insuline. Plus on est résistant à l'insuline et plus les molécules de glucose partent vers le cerveau. Et puis nos besoins métaboliques ont changé. Les périodes de jeûne se sont faites de plus en plus rares et de moins en moins longues, les repas sont devenus moins espacés, puis assez fréquents. Peu à peu, il est devenu défavorable d'être résistant à l'insuline», spécule le chercheur. L'évolution aurait alors sélectionné des gènes permettant à l'homme moderne d'augmenter sa sensibilité à l'insuline, parmi lesquels le variant aujourd'hui décrit par Pierre Bougnères et son équipe.

D'après une communication donnée le 14 mars 2008 dans le cadre des séminaires Pierre Royer de génétique clinique. Voir aussi C. Le Stunff et coll., « Diabetes », février 2008, vol. 57, pp. 494-502.

> ELODIE BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8336