Quelques heures après l'arrêt de non-lieu de la cour de cassation dans le sang contaminé (« le Quotidien » du 20 juin), le président du tribunal de grande instance de Paris, Jean-Claude Magendie, a annoncé la mise en place en septembre d'un pôle « économique et de santé publique ».
« Une coïncidence », relève Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui se réjouit du nouveau service du tribunal de grande instance (TIG) de la capitale. Le temps semble bien loin où la juge parisienne avait essuyé, en 1998 et 1999, d'aimables refus d'Elisabeth Guigou et de Marylise Lebranchu, garde des Sceaux successives, à sa demande de création d'un pôle santé. « Qu'elle se débrouille », lui avait-on fait répondre (« le Quotidien » des 4 et 7 mai 2001). Madame la juge aura travaillé sans pôle de santé, en son âme et conscience, dans l'instruction sur le sang contaminé qu'elle a terminée en mai 1999.
Puis il y a eu la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades. C'est elle qui porte en son sein le pôle de justice « santé », pendant du pôle financier installé en 1998. Un décret du 22 avril 2002 précise qu'il en existera deux, l'un à Paris, couvrant 25 cours d'appel, soit les trois quarts du territoire judiciaire français, et un deuxième à Marseille avec 7 cours d'appel.
Grâce au pôle de justice « économique et de santé publique », ainsi que le qualifie le TIG de Paris, les juges devraient travailler dans la cohérence et les plaintes de victimes devraient être regroupées. Actuellement, tout ce qui touche au droit de l'alimentation et de l'environnement relève du parquet et du pôle financier. Marie-Odile Bertella-Geffroy partage son dossier sur l'amiante avec le pôle financier, de même que celui de la vache folle, tandis que l'aspect « contamination humaine » est du ressort du service général du parquet qui regroupe les hold-up, les viols, les meurtres ou encore les incendies criminels.
A propos du droit de l'environnement, une disposition du projet de loi Perben sur la délinquance organisée, actuellement en cours d'examen au Parlement, doit le rattacher officiellement au pôle « économique et de santé publique ». Aussi, Marie-Odile Bertella-Geffroy, dont le nom est cité par le TIG pour prendre place dans le pôle à la rentrée, juge très positif le nouveau service, même si elle s'interroge sur les moyens qui lui seront fournis.
Outre la magistrate du sang contaminé, le pôle économique et de santé publique accueillera un autre spécialiste de l'instruction des affaires de santé. Compte tenu de la dimension économique de nombre de dossiers sanitaires, il y aura trois juges chargés des affaires économiques, pour l'instant en exercice au pôle financier, où le nouveau pôle aura ses locaux*.
Deux assistants spécialisés - il s'agit de postes à créer par la Chancellerie - sont prévus, l'un pour le siège, l'autre pour le parquet. Dans l'idéal, chacun des cinq juges pourrait disposer d'un assistant de justice, à l'instar de Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui gardera très certainement son collaborateur étudiant en 3e cycle. Les substituts et vice-procureurs devraient être une dizaine et placés sous l'autorité du procureur de Paris, Yves Bot, alors que les juges sont sous la tutelle du président du TIG.
De gros dossiers
Au tribunal de grande instance de Paris, on fait observer que, si le nouveau pôle implique « une réorganisation et un regroupement des conséquences », il est « sans conséquence budgétaire ».
Parmi la cinquantaine d'instructions de santé que mène de front Marie-Odile Bertella-Geffroy, les gros dossiers suivants se retrouveront, bien entendu, au pôle « économique et de santé publique » : le nuage de Tchernobyl (cancers de la thyroïde), le syndrome du Golfe, le syndrome des Balkans, les effets secondaires éventuels du vaccin antihépatite B, l'hormone de croissance, la vache folle, l'amiante, la légionellose à l'hôpital Georges-Pompidou (Paris) et les contaminations d'une quarantaine d'hémophiles grecs et d'un hémophile tunisien par des produits Mérieux.
Quant à un éventuel « effet de dominos » sur ces affaires, qui résulterait du non-lieu rendu par la cour de cassation dans le sang contaminé, le 18 juin, Marie-Odile Bertella-Geffroy n'ose y croire. Elle fait et fera son travail, à son niveau, avec les outils juridiques mis à sa disposition, et ensuite advienne que pourra, jusqu'à une décision de justice définitive. Pour Me François Honnorat, avocat de plusieurs victimes dans des affaires de santé, « la configuration (du pôle) trahit l'ambition du parquet et de la Chancellerie : on instruira des fraudes, dit-il, et en aucun cas la responsabilité des agents de l'Etat et de l'administration ne sera examinée. C'est une subdivision de la délinquance économique », affirme-t-il.
* 5-7, rue des Italiens, 75009 Paris.
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