NÉE DANS LES ANNÉES 1990 avec le soutien du gouvernement islandais, la société deCODE Genetics Inc a mis au point une base de données génétiques qui rassemble des informations sur 95 % de la population depuis 1703, soit 700 000 individus. Une précieuse source d'informations pour la recherche médicale (voir encadré) et le centre de l'intrigue policière de « Jar City ». Le réalisateur s'offre même le luxe de faire intervenir, comme dans un documentaire, mais s'intégrant parfaitement dans la fiction, le patron de la société dans son propre rôle. Une façon de poser, sans schématisme, la question de la légitimité d'un tel fichage de toute une population : droits de l'individu contre progrès thérapeutique.
Dans le film, le meurtre d'un homme apparemment sans histoire réveille une affaire vieille de quarante ans et conduit l'inspecteur chargé de l'enquête jusqu'à Jar City, collection de bocaux renfermant des organes. Deux intrigues sont en fait menées de front et l'on ne comprend que vers le milieu du film qu'elles ne se situent pas dans le même temps. Contrairement à certains polars hollywoodiens, le scénario n'est pas prémâché et il est fait appel à l'intelligence et au sens de la déduction du spectateur. D'un côté, donc, un inspecteur plutôt blasé, confronté à des problèmes personnels (une fille droguée et enceinte), mais qui ne se laisse pas décourager, roulant dans des paysages déserts, battus par les vents – magnifiques – jusqu'à des petits bourgs où la vie semble comme arrêtée. De l'autre, un jeune père fou de douleur après la mort de sa petite fille emportée par la maladie.
Les fils se croisent, se nouent, s'emmêlent. Dieu des polars, merci, il n'y a pas de tueur psychopathe. Une violence que l'on sent menaçante, certes, de Reykjavik et ses rues sans joie aux limites sombres de l'océan, mais qui n'est pas inéluctable. Tout comme les choeurs d'hommes qui s'élèvent sur certaines images peuvent être funèbres ou exprimer l'espérance.
D'abord acteur, Baltasar Kormakur, né en 1966, est devenu réalisateur, scénariste, producteur. Ses films précédents, « 101, Reykjavik » et « The Sea », ont été sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux et, en 2001, le journal « Variety » le plaçait parmi les 10 nouveaux réalisateurs les plus prometteurs, aux côtés de Christopher Nolan et d'Alejandro Inarritu. Promesses pour l'instant tenues, il ne tient qu'à vous d'aller le vérifier.
* Éditions Métailié et, pour les poches, Points.
Les espoirs de la médecine prédictive
La création d'un fichier génétique concernant toute une population, homogène de surcroît, et sur laquelle on dispose de registres généalogiques très anciens, a suscité espoirs et inquiétudes. On retrouve ainsi la société deCODE Genetics dans de nombreuses publications sur des gènes de susceptibilité, entre autres aux cancers du sein et de la prostate ou à la maladie coronarienne. L'inquiétude vient de la protection des données et d'une éventuelle utilisation commerciale. Elle s'était exprimée dès 1998 quand le fichier islandais avait été vendu à la société Hoffman-Laroche pour une recherche sur la schizophrénie. Le Dr Kari Stefansson, directeur de la société islandaise, avait alors assuré que le secret médical ne risquait pas d'être violé.
En avril dernier, US Preventive Medicine et deCODE ont annoncé un accord de partenariat destiné à développer la médecine personnalisée. Des services de dépistage génétique seraient ainsi proposés aux employeurs et aux agences gouvernementales, leur permettant, selon US Preventive Medicine, de réduire les coûts des soins.
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