« Le Tueur du lac de pierre » d'Eliot Pattison
On se souvient du très original et intelligent précédent roman d'Eliot Pattison, « Dans la gorge du dragon », un « thriller bouddhiste » récompensé par le prix Edgar-Award, la plus grande récompense en littérature policière aux Etats-Unis. En voilà une suite, où l'on retrouve l'ancien flic chinois disgracié Shan, réfugié dans un monastère bouddhiste secret au cur du Tibet après s'être échappé du camp de prisonniers où l'avait conduit sa fermeté morale.
Il est tiré de sa retraite par les moines, effrayés par une vague de crimes frappant des petits orphelins kazakhs démunis et par la disparition de plusieurs lamas. Sillonnant l'une des régions les plus majestueuses du Tibet, entre désert de sable et hautes montagnes, Shan part à la rencontre du tueur que les paysans appellent le démon-léopard, tout en déjouant les manigances de l'armée chinoise.
Au-delà de l'intrigue et de l'exotisme, l'auteur nous convie à une rencontre avec une culture ancestrale et des valeurs spirituelles inhabituelles.
Editions Robert Laffont, 567 p., 23 euros.
Les abîmes de l'identité
« le Passé n'oublie jamais », de Sylvie Granotier
Figure de proue du polar au féminin, Sylvie Granotier explore ici, dans un suspense ambigu où plane l'ombre du doute, les abîmes de l'identité et du sentiment.
Un homme est en prison dans l'attente d'une décision de justice. L'Etat de Californie a demandé son extradition. Dans une autre vie à San Francisco, il était un romancier à succès jusqu'à ce qu'il soit inculpé pour le meurtre de sa femme. Installé à Paris, il vient de voir sa double identité dévoilée suite à la disparition suspecte de sa deuxième femme. A priori, tout l'accuse.
Une femme, écrivain elle aussi, va refaire l'enquête, entre la France et les Etats-Unis, des années 70 à aujourd'hui. Peu à peu, elle voit s'évanouir sa belle neutralité au profit d'un investissement personnel, intime qui va mettre sa propre vie en danger. Cet homme est-il un criminel séducteur, manipulateur et opportuniste, ou un adulte ployant sous le poids trop lourd d'un passé qu'on lui a tronqué ?
Editions Albin Michel, 308 p., 19,50 euros
Saga celte
« La Reine celte. T.1 : le Rêve de l'aigle », de Manda Scott
Le premier volume d'une fabuleuse trilogie consacrée à la grande reine guerrière Boudicca, qui a pour cadre l'Angleterre du premier siècle après J.-C. et la lutte contre l'envahisseur romain. En ce temps-là les dieux luttaient avec les hommes contre les peines du monde, les femmes exerçaient le pouvoir dans les tribus et l'on appelait les druides Rêveurs.
L'histoire est celle de Ban et Boudicca, les enfants de la reine des Icènes. Ban est enlevé, puis vendu comme esclave aux Romains ; il part avec l'empereur Claude à la conquête de son monde ancien et, sans le savoir, il affrontera sa sur dans de sanglantes batailles. Quant à Boudicca, elle ignore encore qu'elle sera la reine qui apportera la victoire à son peuple.
Un roman historique où la poésie le dispute à la cruauté, foisonnant de personnages et d'événements, qui plonge le lecteur dans un univers déroutant, barbare et très ritualisé.
Editions JC Lattès, 638 p., 20 euros
A dévorer
« les Tigres de Tasmanie », de Bernard Simonay
Auteur d'une quinzaine de livres du genre fantastique - mythologie et légende - mais aussi de romans historiques sur l'Egypte ou l'Amérique antique, Bernard Simonay a concocté un roman d'évasion et d'aventure dans la meilleure tradition.
Il nous amène dans les forêts impénétrables de Tasmanie lorsque débarque, après la Première Guerre mondiale, une jeune Française, médecin, à la recherche de la famille de son défunt mari. Bien qu'elle n'en trouve aucune trace dans les registres, elle décide de refaire sa vie dans cette île balayée par les tempêtes des quarantièmes rugissants, peuplée d'animaux tout droit sortis d'un bestiaire de légende.
Plusieurs hommes croisent son chemin, elle épousera l'un d'entre eux - parenthèse de bonheur car il sera assassiné. Héritière d'un domaine convoité, elle est alors au cur d'une guerre dont l'enjeu est une terre pourtant sacrée.
Un roman qui fourmille de récits authentiques sur la Tasmanie et ouvre l'imaginaire vers des légendes oubliées.
Editions Presses de la Cité, 474 p., 19,80 euros
Une famille assassine
« L'Eté assassin «, de Liz Rigbey
Le premier ouvrage traduit en français d'une romancière britannique installée aujourd'hui dans le Hampshire. Il s'agit d'une chronique familiale douloureuse qui commence avec le meurtre du père, dont le corps a été jeté à l'océan. Un homme tranquille, professeur de géologie, qui a tant bien que mal cherché à maintenir l'équilibre familial après que sa femme est devenue folle lorsque leur fils de quatre ans s'est noyé. Le décès de son père contraint Lucy, devenu expert financier à New York, après la mort de son bébé de six mois, à revenir en Californie.
En essayant, épaulée par sa sur, de régler les affaires de son père, la jeune femme découvre que ses souvenirs ne correspondent pas toujours à la version officielle de l'histoire de la famille, une famille qui semble marquée par une sorte de malédiction. Il lui appartient alors, si elle veut affronter l'avenir, de dénouer la légende de la réalité. Une intrigue complexe qui ne se dénoue qu'aux dernières pages.
Editions France Loisirs, 496 p., 15,95 euros.
Jérusalem assiégée
« Etemenanki », de Patrick Banon
Auteur de nombreux écrits sur les mythes et les religions qui ont forgé notre société et principalement l'Ancien Testament, Patrick Banon publie ici son premier roman.
Il se situe en 587 avant l'ère chrétienne lorsque les Chaldéens, menés par leur roi Nabuchodonosor, serviteur du dieu Marduk, maintiennent sans pitié le joug de Babylone sur la nuque des peuples vaincus. C'est ainsi que le minuscule royaume de Juda est pris en tenaille depuis plus d'une année entre la puissante Egypte du pharaon Hophra et l'armée de Babylone, renforcée par ses alliés mèdes et scythes. Sédécias, dernier roi de Jérusalem, assiste impuissant aux derniers jours de la Cité de la lumière et du Temple construit par Salomon, au cur duquel est conservée l'Arche d'Alliance. Mais alors que le désespoir s'empare des assiégés, Héber, le dernier héritier de la prestigieuse lignée des Trente, ces guerriers d'élite qui jadis entourèrent David, veut à tout prix retrouver sa femme et sa fille enlevées et vendues par les Chaldéens. Pour elles, il doit aller jusqu'aux Portes du ciel.
Un grand roman de souffrance et d'espoir.
Editions Flammarion, 443 p., 20 euros
Un biothriller océanique
« La Vague rouge », de James Powlik
Il faut toujours se méfier de l'eau qui dort et ne pas croire que l'océan Pacifique porte bien son nom. Car sous la surface, à la frontière des eaux canadiennes et américaines, se trouve le mal, un monstre omniprésent et cependant invisible aux appareils de détection, qui rejette des victimes, habitants des mers et humains, rongées jusqu'à l'os comme par du vitriol. Le responsable de ces désastres est une simple algue nommée Pfiesteria piscicida, microscopique mais proliférante, plus corrosive qu'un agent chimique et mieux organisée qu'une armée entraînée. Si son développement n'est pas stoppé, lorsque la vague rouge aura touché la côte, il ne restera plus rien des habitants des villes de Seattle et Vancouver. Un océanographe et une jeune femme médecin s'attaquent au problème.
Affabulation et scénario catastrophe ? Pas vraiment, puisque la Pfiesteria existe vraiment, nous met en garde James Powlik, lui-même biologiste et océanographe canadien, qui insiste sur le fait que sa disparition n'est pas pour demain puisqu'elle se nourrit... de notre pollution !
Editions de l'Archipel, 365 p., 20,95 euros.
Sang et psychologie
« La Dernière Tentation », de Val McDermid
Ames sensibles, s'abstenir. Val McDermid, cette Ecossaise établie à Manchester et qui incarne la nouvelle vague du thriller féminin engagé, a encore frappé.
On retrouve d'ailleurs les protagonistes principaux - le profileur Tony Hill et l'inspectrice Carol Jordan - de ses deux précédents romans, « le Chant des sirènes » et « la Fureur dans le sang ».
Deux récits se développent parallèlement et se recoupent : Carol Jordan est chargée de faire tomber, en opérant dans la clandestinité et sous une fausse identité qui lui attirera bien des ennuis, un trafiquant de drogue berlinois jusque-là intouchable ; par ailleurs un tueur en série qui a été élevé par un grand-père tortionnaire, jadis cobaye des nazis pour des expériences scientifiques, prend pour cibles entre l'Allemagne et la Hollande, des psychologues de renom et s'acharne sur eux au scalpel.
Une écriture musclée et une approche en profondeur de la cruauté humaine font de ce roman un voyage infernal.
Editions du Masque, 550 p., 22 euros
Les années quatre-vingt
« les Années passion », de Françoise Bourdin
Une saga romanesque comme l'auteur excelle à en faire depuis « les Vendanges de Juillet » jusqu'à « L'Héritier des Beaulieu et des Clara » en passant par « Un mariage d'amour », « la Camarguaise » ou « la Maison des Aravis ».
Le récit tourne autour d'une jeune fille à l'esprit libre, combative et ambitieuse, qui, à Bordeaux, va mener tous les combats de ces années quatre-vingt au goût de liberté et de scandale. C'est ainsi qu'elle refuse d'épouser l'héritier d'une grosse fortune locale et lui préfère un chirurgien de renom, homme à femmes, qui correspond mieux à sa soif d'aventures et de plaisir. C'est ainsi également, qu'après avoir réussi à se faire engager dans un grand quotidien régional, elle va enquêter sur les dangers du sang contaminé dont personne ne parle encore. Mais bien entendu, ces réussites professionnelles ne vont pas toujours de pair avec le bonheur...
Editions Belfond, 321 p., 18,50 euros
Affrontement politique
« L'Affaire Tierney », de Richard North Patterson
Auteur d'une dizaine de romans dont plusieurs ont reçu de prestigieuses récompenses, Richard North Patterson, un ancien avocat qui a été longtemps procureur dans l'Ohio, spécialisé dans les affaires financières, évoque un sujet essentiel : qui décide aux Etats-Unis, les politiques ou les hommes d'affaires qui, souvent dans l'ombre, ont assuré leur élection à coups de millions de dollars ?
La question se pose lorsque le président des Etats-Unis, tout juste élu, désigne une nouvelle juge à la tête de la Cour suprême incarnant les valeurs progressistes auxquelles il croit en tant que démocrate. Son choix doit être ratifié par le Sénat, à majorité républicaine.
Commence alors une bataille sans merci qui va se focaliser autour d'un drame humain : une mineure enceinte d'un ftus présentant des risques d'hydrocéphalie, entame une action en justice pour obtenir le droit d'avorter malgré l'opposition de ses parents, fervents militants du mouvement « Pour la vie «. Le procès, retransmis à la télévision, déchaîne les passions et les adversaires du président s'en servent pour porter atteinte à sa légitimité.
Editions Presses de la Cité, 550 p., 19,80 euros.
La justice en question
« L'Héritage », de John Grisham
Après la mort de son père, un juge à la réputation sans tâche et donc pauvre, et alors que son frère, un drogué, n'est pas encore arrivé sur les lieux, Ray Atlee découvre dans la demeure familiale trois millions de dollars en billets de banque cachés dans des sacs poubelle. Il décide de les garder et c'est alors que sa vie tourne au cauchemar car quelqu'un ne cesse de le poursuivre, de le menacer.
S'il veut survivre, il doit trouver d'où vient cet argent porteur de mort.
Depuis « la Firme » il y a plus de dix ans, John Grisham, qui a commencé sa carrière comme avocat, ne cesse de démonter les rouages les moins reluisants de la machine juridique américaine. Il s'intéresse ici aux procès en nom collectif normalement destinés à rendre justice aux victimes des abus d'un mercantilisme cynique et qui, dans la réalité, se changent souvent en curée, et leurs avocats en chasseurs de prime.
Editions Robert Laffont, 302 p, 21 euros.
Thriller humanitaire
« Les Vautours blancs », de Jean-Jacques Roche
Après trois romans publiés sous le pseudonyme de Richard Kerlan, Jean-Jacques Roche - qui est professeur de relations internationales à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas où il dirige l'institut supérieur de l'Armement et de la Défense -, se dévoile.
Il situe son récit au Congo-Brazzaville où une ONG, Urgence internationale, gère un camp de réfugiés avec l'appui musclé d'une milice locale placée sous les ordres d'un chef de guerre. Le comportement d'une jeune fille, qui tente de dissimuler des troubles étranges, attire l'attention du médecin français du camp. Avec l'aide d'un curé de choc et d'une infirmière, il découvre que plusieurs femmes sont déjà mortes dans des conditions mystérieuses et met à jour un laboratoire clandestin qui poursuit des recherches interdites. Mais l'avancée des forces angolaises et l'arrivée brutale de mercenaires japonais isolent le camp, laissant le trio de bonne volonté à la merci des vautours blancs.
Editions Stock, 359 p, 20,55 euros.
Chronique de la déprime
« les Vitamines du bonheur », de Raymond Carver
Cinquante récits de l'un des maîtres de la nouvelle, mort en 1988, réunis en un seul volume, c'est une aubaine. Même si l'univers de Raymond Carver, qui est celui du désespoir ordinaire, de la déprime qui annonce les désastres à venir, n'est pas réellement en phase avec le soleil et les vacances.
L'ouvrage regroupe en effet trois volumes : « les Vitamines du bonheur », « Parles-moi d'amour » et « Tais-toi je t'en prie » qui permettent de retrouver tous ces personnages banals ou déchus, ouvriers, petits employés, chômeurs, à la lisière de la survie économique ou en détresse morale : couples à la dérive, vies brisées par l'alcool. La solitude, la précarité, la honte chez ceux qui se replient dans le silence ou se laissent aller à des brusques explosions de violence traversent ces tranches de vie.
Pour goûter plus pleinement sa propre félicité ou se consoler d'un malheur très partagé.
Editions Stock, 732 p., 12 euros
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