1832, le baron Dupuytren
La maladie de Dupuytren, décrite par le baron G. Dupuytren en 1832, est une fibrose rétractile de l'aponévrose palmaire moyenne entraînant une flexion progressive et irréductible des doigts. Elle concerne environ de 2 à 5 % de la population générale avec une nette prédominance masculine (8 ou 9 hommes pour 1 femme).
Les causes de la maladie de Dupuytren sont mal définies. Il existe de nombreux facteurs qui entrent en jeu dans l'évolution de la maladie. Les facteurs génétiques sont au premier plan avec 30 à 50 % de cas familiaux et une nette prédominance chez les Nordiques. La transmission se fait sur le mode autosomique dominant à pénétrance variable.
La maladie de Dupuytren est aussi plus fréquente chez les sujets diabétiques et touche de 20 à 30 % des patients, qu'ils soient insulino- ou non insulinodépendants.
L'alcool et la prise de médicaments comme l'isoniazide et le phénobarbital sont aussi des facteurs favorisant le développement de la maladie. Dans quelques cas, la maladie de Dupuytren peut être associée à une maladie de Ledderhose (7 % des cas) ou à une maladie de Lapeyronie (1,5 % des cas).
Manifestations cliniques
Toutes les maladies de Dupuytren ne se traitent pas de la même manière. Les formes nodulaires pures n'entraînent pas de rétraction des doigts. Les nodules sont en général indolores, en pleine paume de main et peuvent rester stables pendant de nombreuses années. Ils peuvent aussi évoluer en cordes aponévrotiques avec une flexion irréductible des doigts. Cette évolution se fait, en général, par poussées.
Formes cliniques
Le choix thérapeutique sera guidé par la forme clinique :
- les formes palmaires isolées sont les plus faciles à traiter (fig. 1, 6) ;
- les formes palmodigitales sont les plus fréquentes (fig. 2, 3) ;
- les formes digitales isolées sont rares et de traitement difficile avec un enraidissement rapide de l'interphalangienne proximale ;
- les formes palmantes entraînent une impossibilité d'écarter les doigts.
L'importance de la rétraction peut être chiffrée en utilisant la classification de Tubiana (fig. 1). Elle mesure la rétraction globale du doigt qui se cote en quatre stades pour les doigts longs. Le stade 0 correspond au stade nodulaire sans déficit d'extension. Le stade I correspond à une flexion globale entre 0 et 45°, le stade II de 45 à 90°, le stade III de 90 à 135° et le stade IV à une flexion de plus de 135°. La localisation digitale ou palmaire est précisée en ajoutant la lettre P ou D au stade.
La colonne du pouce se mesure avec l'angle d'écartement.
Traitements médicaux ?
Depuis plusieurs années, différents traitements médicaux ont été essayés pour traiter la maladie de Dupuytren (vitamine E, mésothérapie, acupuncture, physiothérapie...). Aucune étude n'a pour le moment prouvé leur efficacité.
Aponévrotomie à l'aiguille
Technique
Il s'agit d'une technique ambulatoire dont l'objet est de sectionner des brides aponévrotiques à l'aide du biseau de l'aiguille. Les brides aponévrotiques sont tout d'abord repérées à la palpation. Après désinfection locale à l'alcool iodée, un mélange d'anesthésiant (4 ml de xylocaïne à 2 % non adrénalinée) et de corticoïde (1 ml d'hydrocortancyl) est injecté dans et à côté de la corde. L'opérateur sectionne progressivement la corde par des mouvements de va-et-vient de l'aiguille, en étoile, dans la corde. La corde est ainsi fragilisée. Le doigt est ensuite amené en hyperextension, ce qui va permettre de rompre la corde fragilisée par le biseau de l'aiguille. Dans certains cas, le port d'une attelle de repos nocturne peut être nécessaire (stades III et IV).
Résultats
Les résultats immédiats et à cinq ans sont tout à fait comparables aux résultats chirurgicaux. Une étude prospective réalisée à l'hôpital Lariboisière en 1995 a permis d'étudier 992 patients ayant bénéficié de 3 736 aponévrotomies. Le taux de récidives à cinq ans est élevé et comparable aux séries chirurgicales (50 %), mais la bénignité et le caractère ambulatoire de cette technique permettent de retraiter ces patients. Les récidives postchirurgicales peuvent être aussi traitées par aponévrotomie, sauf en cas de cicatrice rétractile. Le risque de rupture tendineuse est cependant plus élevé.
Dans cette étude, les très bons et bons résultats correspondaient à une amélioration supérieure à 90 %, les assez bons étaient ceux supérieurs à 50 % et comme mauvais ceux inférieurs à 50 %. Les bons et très bons résultats représentaient 93 % des stades I, 78 % des stades II, 71 % des stades III et 57 % des stades IV (2). Deux autres études ont retrouvé les mêmes résultats (3, 4) (fig. 3, 4, 5, 6, 7).
Forme digitale pure
Les formes digitales sans atteinte palmaire peuvent aussi être traitées par aponévrotomie percutanée. Une étude prospective portant sur 32 patients (42 aponévrotomies) a été réalisée par l'équipe de Lariboisière. Les résultats étaient identiques à la série palmo-digitale. Dans cette étude, 81 % des patients avaient un gain d'extension immédiat supérieur à 70 %. A trois mois, cette proportion était maintenue à 78,6 %. Le port d'orthèse en extension peut aider l'amélioration de l'extension. Quelques récidives précoces ont été observées dans cette étude.
Complications
Les accidents sont rares. La rupture des tendons fléchisseurs peut survenir de quelques jours à quelques semaines après l'aponévrotomie, le plus souvent suite à une contraction forcée des fléchisseurs. Chez les travailleurs manuels, un arrêt de travail de quelques jours est donc souhaitable. En cas de rupture, une réparation chirurgicale rapide est nécessaire pour éviter toute rétraction tendineuse. Cette complication est inférieure à 0,1 % dans des mains entraînées. Depuis 1972, sur 60 000 aponévrotomies, 5 cas de rupture ont été recensés.
La section du nerf collatéral est un accident qui survient dans 0,1 % des cas et principalement dans les formes digitales. Au contact des brides, ce nerf peut avoir un trajet totalement aberrant. Un repérage soigneux est donc nécessaire avant toute intervention digitale (recherche d'une sensation de décharge électrique en début d'anesthésie) (2).
Il existe d'autres incidents plus fréquents, mais bénins : fissures et déchirure cutanées (2 %), dysesthésie transitoire (0,8 %), douleurs postaponévrotomie (0,3 %), infections bénignes (0,2 %), réaction inflammatoire non microbienne (0,2 %) et hématome bénin (0,2 %).
Indication thérapeutique
Le test de la table permet d'évaluer la perte d'extension physiologique dont souffre le patient. L'aponévrotomie est indiquée quand ce test est positif. Il consiste à essayer de décoller les doigts du plan de la table sur une main posée à plat. Ce test est positif quand il y a une perte d'extension physiologique. Un traitement précoce est souhaitable (dès le stade I) car seuls les stades IV ont des résultats insuffisants (2).
Point de vue des chirurgiens
( cf. controverse chirurgicale).
Cette technique est aussi utilisée par les chirurgiens (Alnot et coll.) avec des résultats comparables aux séries médicales (de 90 à 92 % d'excellents résultats dans les stades I et II). Pour eux, l'indication de choix de l'aponévrotomie percutanée est la forme unidigitale ou bidigitale avec rétraction de l'articulation métacarpophalangienne sur une peau souple. Les formes avec rétraction des interphalangiennes sont, pour eux, une contre-indication. L'aponévrotomie percutanée est réalisée au bloc opératoire dans des conditions d'asepsie chirurgicale.
Certains chirurgiens restent néanmoins opposés de façon systématique à cette technique.
Traitement chirurgical
Quel est le principe du traitement chirurgical ?
L'intervention se déroule au bloc opératoire sous anesthésie locorégionale. Il existe différentes possibilités techniques qui dépendent du siège, de l'importance des déformations, ainsi que du terrain. La cicatrisation est lente et peut prendre jusqu'à six semaines. Dans tous les cas, l'intervention chirurgicale est suivie d'une immobilisation de la main, puis d'une rééducation sérieuse (quatre fois par semaine pendant au minimum un mois) avec appareillage qui est une étape essentielle pour la réussite du geste (1).
Dans la littérature, les résultats vont de 90 % d'excellents résultats aux stades I et II à 60 % pour le stade IV. Il existe différentes complications qui peuvent être précoces ou tardives. Selon Hoet, les syndromes algodystrophiques représentent 1,8 %, les sections nerveuses 5,2 %, les nécroses profondes 2,1 % et les sections artérielles 1,8 % des cas (5).
Bibliographie
(1) Alnot J-Y, Tubiana R. Maladie de Dupuytren. « Encyclopédie médico-chirurgicale », 1998, 14-068-A-1.
(2) Lermusiaux J-L, Badois F, Lellouche H. Maladie de Dupuytren. « Rev Rhum », 2001 ; 68 : 542-754.
(3) Bléton R. Place de l'aponévrotomie à l'aiguille dans le traitement de la maladie de Dupuytren. Entretiens de Bichat, 1995, orthopédie. Paris : Expansion scientifique française ; 122-126.
(4) Delezenne A. Le traitement de la maladie de Dupuytren par aponévrotomie à l'aiguille : l'expérience Lilloise à partir de 118 cas traités (thèse). Lille : faculté de Lille-II ; 1998.
(5) Hoet F, Boxho J, Evrard H, Guillaume C, Jacquemin D et coll. Maladie de Dupuytren. Revue de 326 patients opérés. « Ann Chir Main »,1998 ; 7 : 251-255.
Points forts
- La maladie de Dupuytren est une fibrose rétractile de l'aponévrose palmaire entraînant une flexion irréductible et progressive des doigts.
- L'aponévrotomie percutanée à l'aiguille est la seule alternative thérapeutique à la chirurgie.
- Les résultats à court et à long terme de l'aponévrotomie percutanée sont identiques au traitement chirurgical, mais les complications sont moindres.
- L'aponévrotomie doit être réalisée par des praticiens expérimentés.
- L'aponévrotomie percutanée est indiquée sur les formes palmaires pures, palmo-digitales ou digitales pures.
- Le test de la table permet d'évaluer la perte d'extension liée à la maladie de Dupuytren. L'aponévrotomie est indiquée quand ce test est positif.
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