Ne laisser aucune lésion
Au début n’étaient opérés que des patients porteurs de métastase unique, de petite taille, d’abord facilement accessible. Actuellement, cette chirurgie s’est étendue à des lésions plus grandes, uni- ou bilobaires, mêmes si elles sont associées à d’autres localisations métastatiques à condition que ces dernières puissent être totalement enlevées chirurgicalement, dans le même temps (métastases de siège péritonéal) ou ultérieurement (métastases pulmonaires)...
En effet, le traitement chirurgical a pour but de ne laisser aucune lésion tumorale, condition sine qua non d’une possible guérison.
En outre il est nécessaire :
– d’avoir, sur la pièce d’exérèse, une marge de parenchyme sain d’au moins 5 millimètres autour de la métastase ;
– de laisser au moins 20 % de volume hépatique avec sa vascularisation et son drainage biliaire.
Si le volume du foie restant risque d’être insuffisant, une embolisation portale sélective préopératoire peut permettre une réduction de volume du foie portant la tumeur, et une hypertrophie compensatrice du foie non tumoral. Elle rend opérable des métastases qui ne l’étaient pas dans 60 à 80 % des cas et le taux de survie est le même que celui des patients qui n’en ont pas eu besoin.
L’envahissement d’un pédicule portal ou d’une veine sushépatique constitue une contre-indication opératoire.
Une carcinose localisée dont l’exérèse chirurgicale n’est pas possible, et/ou des adénopathies pédiculaires envahies, sont aussi une contre-indication opératoire.
Evidemment, l’état général du patient doit être compatible avec cette chirurgie.
La mortalité postopératoire est actuellement de l’ordre de 2 % par insuffisance hépatique, infection, pancréatite nécrosante, flambée tumorale postopératoire (il s’agit là des complications décrites dans l’étude de l’institut Gustave-Roussy portant sur 269 patients).
Les complications les plus fréquentes sont : l’hémorragie, les collections et abcès intraabdominaux, l’insuffisance hépatique, les infections pulmonaires et les épanchements pleuraux.
Résultats
Dans le cas de métastase unique, découverte lors de la surveillance régulière systématique d’un opéré de cancer colo-rectal (métastase métachrone) ou encore lors de l’intervention initiale sur la lésion colique (métastase synchrone), et opérée deux à trois mois plus tard, la survie peut atteindre 25 à 40 % à cinq ans sans récidives ni métastases.
Il faut préciser à cet égard que l’exérèse d’une lésion hépatique synchrone est rarement indiquée de façon concomitante car elle aggrave le risque de la résection intestinale, alors que la résection de la métastase hépatique, deux à trois mois après la tumeur colique, a une faible mortalité.
Une exérèse concomitante, à condition d’être techniquement simple, est toutefois possible.
En cas de métastases multiples, 25 % de ces malades opérés sont encore vivants à cinq ans et indemnes de récidives.
Pour les autres patients, l’évolution se fait vers la récidive ou l’apparition de nouvelles métastases hépatiques. Les réinterventions d’exérèse de ces nouvelles métastases hépatiques peuvent être parfois possibles, d’emblée ou après chimiothérapie qui a pour but d’en réduire le nombre et la taille ; elles ont des résultats de survie à cinq ans de 20 %, proches de ceux de la catégorie précédente.
Vingt pour cent
A ce jour, 20 % seulement des patients porteurs de métastases hépatiques de cancers colo-rectaux sont susceptibles de se voir proposer cette chirurgie.
Des études sont en cours, avec pour objectif d’augmenter le nombre de patients opérables.
Elles portent sur l’usage combiné de la chirurgie à d’autres méthodes de réduction préalable de taille, de nombre et de volume des métastases :
– l’embolisation portale sélective préopératoire, déjà citée ;
– la radiofréquence permettant la destruction locale de tumeurs hépatiques de moins de 3 cm ;
– la chimiothérapie utilisant les nouvelles molécules anticancéreuses, irinotécan et oxaliplatine, ou visant de nouvelles cibles cellulaires comme les récepteurs EGF ou Vegf, qu’elle soit utilisée de façon adjuvante ou de façon néoadjuvante.
Cette chirurgie, qui requiert le concours de médecins d’autres spécialités, ne se pratique que dans certains centres très spécialisés.
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