Variantes
Les lymphomes ganglionnaires (et les leucémies) peuvent comporter une atteinte cutanée, initialement ou dans l'évolution de la maladie. Mais il existe des lymphomes primitivement cutanés, sans atteinte ganglionnaire pendant une période minimale de six mois suivant la survenue de l'atteinte cutanée. Ils sont de plus en plus fréquents. Les variantes histologiques (épidermotrope ou non épidermotrope, phénotype T ou B, à petites ou à grandes cellules, immunophénotypage) conditionnent le pronostic : l'espérance de vie va de quelques années pour les lymphomes agressifs à des dizaines d'années dans le mycosis fongoïde (1).
Suspecter
•Quand faut-il suspecter un lymphome cutané? Les lésions au départ sont souvent discrètes ; puis, en évoluant, deviennent plus infiltrées, nodulaires, tumorales, nécrotiques ou ulcérées. Plus rarement il s'agit d'emblée d'une érythrodermie ou de tumeurs. Le prurit est souvent présent, parfois très intense, il peut être absent. Il faut chercher des adénopathies, une hépatomégalie ou une splénomégalie (il ne s'agit plus alors d'un lymphome strictement cutané). L'amaigrissement, la présence de sueurs nocturnes sont rarement observés dans les lymphomes primitivement cutanés.
Biopsie
Suspecter le diagnostic clinique de lymphome est assez facile lorsque tous les signes sont présents. Affirmer le lymphome primitivement cutané à un stade débutant est plus difficile, ce d'autant qu'un certain nombre d'infiltrats lymphoïdes cutanés sont bénins, réactionnels à des infections (borréliose) ou à des médicaments. La biopsie cutanée est indispensable, suffisamment profonde dans les lymphomes non épidermotropes (fig. 1). Les techniques d'immunomarquage, de biologie moléculaire (recherche d'une clonalité B ou T) et, enfin, la relecture par des anatomopathologistes expérimentés, et la confrontation anatomoclinique, comme c'est le cas au sein du groupe français d'étude des lymphomes cutanés, permettent d'avoir un diagnostic précis, un traitement adapté, et, en outre, de réaliser des études de recherche clinique (2, 6) qui ont contribué à une prise en charge plus adaptée des différents types de lymphomes cutanés.
Classification
Une nouvelle classification WHO-EORTC a ainsi été établie en 2005 (1) fondée sur des critères anatomocliniques, dont l'intérêt majeur est de guider au mieux le traitement en fonction de la gravité : il ne faut pas en effet traiter par excès les formes indolentes, et acontrario certaines formes agressives plus rares doivent être reconnues et traitées.
Lymphomes primitivement cutanés B
Les lymphomes de la zone marginale (cellules centrocytiques, ou lymphoplasmocytoïdes, ou plasmocytaire) sont de très bon pronostic (survie à cinq ans de près de 100 %). Ils peuvent se révéler par une ou quelques lésions papuleuses ou nodulaires, souvent localisées au tronc ou à la racine des membres (fig. 2). Dans ces formes localisées, le traitement par chirurgie ou radiothérapie est indiqué, avec un taux de rémission complète de 70 % à cinq ans. Les formes diffuses sont traitées selon les cas par dermocorticoïdes, chimiothérapie orale peu agressive, mais le rituximab (anticorps monoclonal anti-CD20) peut être proposé par voie intraveineuse ou intralésionnelle (2). L'abstention thérapeutique est possible en raison du très bon pronostic et de l'absence habituelle de retentissement sur la qualité de vie.
•Les lymphomes centro-folliculaires sont également de bon pronostic (95 % de survie à cinq ans). Il s'agit d'un nodule unique ou de plusieurs nodules confluents, préférentiellement localisés à la tête et au tronc (fig. 3). Le traitement des formes localisées est en première intention la radiothérapie. Le rituximab, systémique ou intralésionnel, a donné de bons résultats. Certaines formes de ces lymphomes centro-folliculaires, comportant de grandes cellules rondes et exprimant le bcl2 (3), sont de plus mauvais pronostic.
•Les lymphomes à grandes cellulesB de la jambe. C'est une forme plus rare (4 % de l'ensemble des lymphomes primitivement cutanés), de mauvais pronostic, avec une survie à cinq ans de 50 %. La plupart des cas sont localisés aux jambes (fig. 4), mais quelques autres cas sont localisés en dehors de la jambe. Les critères de mauvais pronostic sont l'expression de bcl2, et la multiplicité des lésions (4). Le mauvais pronostic incite à utiliser des chimiothérapies plus intensives, mais il s'agit souvent de patients âgés, ou le rituximab.
Hématodermie CD4/CD56
(C'est l'ex-lymphome blastique à cellules NK). C'est une entité récemment décrite (5), qui se manifeste initialement par une atteinte cutanée peu spécifique. La prolifération tumorale est composée de cellules de petite et de moyenne taille qui peuvent faire évoquer selon les cas un lymphome ou, plus rarement, la localisation cutanée d'une myélodysplasie ou d'une leucémie myéloïde. L'immunophénotype est particulier par l'absence d'expression des phénotypes B et T habituels, et par la coexpression de CD4, de CD56 et de CD123. Le principal diagnostic différentiel est la localisation cutanée d'une leucémie myélomonocytaire (5). La survie est habituellement brève, de un à trois ans à partir du diagnostic, incitant à utiliser des protocoles agressifs pour les patients les plus jeunes.
Références:
(1) Willemze R, Jaffe ES, Burg G, Cerroni L, Berti E, Swerdlow SH et coll. WHO-EORTC Classification for Cutaneous Lymphomas. « Blood », 2005 ; 105 : 3768-3785.
(2) Roguedas AM, Watier H, Paintaud G, de Muret A, Vaillant L, Machet L. Intralesional Therapy with Anti-CD20 Monoclonal Antibody Rituximab : Local and Systemic Efficacy in Primary Cutaneous B-Cell Lymphoma. « Br J Dermatol », 2005 ; 152 : 541-544.
(3) Grange F, Petrella T, Beylot-Barry M, Joly P, d'Incan M, Delaunay M et coll. Bcl2 Protein Expression is the Strongest Independent Prognostic Factor of Survival in Primary Cutaneous Large B-Cell Lymphomas. « Blood », 2004 ; 103 : 3662-3668.
(4) Grange F, Bekkenk MW, Wechsler J, Meijer CJ, Cerroni L, Bernengo M et coll. Prognostic Factors in Primary Cutaneous Large B-Cell Lymphomas : a European Multicenter Study.
« J Clin Oncol », 2001 ; 19 : 3602-3610.
(5) Petrella T, Meijer CJ, Dalac S, Willemze R, Maynadie M, Machet L et coll. TCL1 and CLA Expression in Agranular CD4/CD56 Hematodermic Neoplasms (Blastic NK-Cell Lymphomas) and Leukemia Cutis. « Am J Clin Pathol », 2004 ; 122 : 307-313.
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