Transmission et intégration
Sous ce terme de douleurs neuropathiques sont regroupées toutes les douleurs consécutives à une lésion ou à un dysfonctionnement de voies nerveuses (tronc nerveux, plexus, racines rachidiennes, nerfs crâniens à composantes sensitives) ou de centres nerveux (moelle épinière, tronc cérébral thalamus, cortex) impliqués dans la transmission et l'intégration des activités nerveuses sensitives issues de la périphérie.
Ces douleurs, qui répondent à des étiologies variées, s'opposent sur le plan physiologique aux douleurs dites « nociceptives » ou « par excès de nociception » liées à des lésions somatiques ou viscérales. Ces dernières sont le plus souvent associées à des processus inflammatoires responsables d'une augmentation des messages nociceptifs générés par les récepteurs de la douleur (les nocicepteurs), dont la transmission est amplifiée dans le système nerveux central.
Hyperexcitabilité des processus nociceptifs
Les douleurs neuropathiques ne sont pas directement liées à des phénomènes inflammatoires. En revanche, des altérations directement liées à la lésion nerveuse conduisent à une hyperexcitabilité des processus nociceptifs centraux. La lésion des afférences modifie l'excitabilité des neurones des relais spinaux et supraspinaux ainsi que l'efficacité des systèmes inhibiteurs. Tout se passe comme s'il existait une altération des mécanismes neurophysiologiques de la modulation de la douleur.
Souvent intriquées
En réalité, ces deux types de douleurs, douleurs nociceptives et douleurs neuropathiques sont souvent intriquées dans de nombreuses pathologies comme les cancers, la hernie discale à la fois responsable de lombalgies inflammatoires et de sciatalgies neuropathiques. Ces « douleurs mixtes » ont un tableau clinique complexe : la reconnaissance des composantes neuropathiques est capitale pour la prise en charge, la composante nociceptive masquant souvent la composante neuropathique.
Grande richesse d'expression
Sur le plan sémiologique, les douleurs neuropathiques sont caractérisées par une grande richesse d'expression, liée à la multiplicité des mécanismes sous-jacents. Les plaintes des patients peuvent être des douleurs spontanées continues, des brûlures, des sensations de serrement, d'étau..., des douleurs paroxystiques (décharges électriques, coups de couteau). Des dysesthésies, paresthésies ou sensations d'anesthésie locales peuvent être également présentes dans le même territoire. Ces douleurs sont souvent associées à des douleurs provoquées par des stimulations mécaniques (frottements, pression légère) par des stimulations thermiques (essentiellement froides) de faible intensité. Ces dernières douleurs, très invalidantes, sont le reflet d'altérations profondes des processus nociceptifs et sont dénommées « allodynie » traduisant une douleur évoquée par des stimulations normalement non douloureuses, ou « hyperalgésie », c'est-à-dire une réponse exagérée à des stimulations normalement faiblement douloureuses. Enfin, les douleurs neuropathiques sont en général beaucoup plus fluctuantes que les douleurs nociceptives.
Un nouvel outil, le DN4.
Le diagnostic des douleurs neuropathiques est exclusivement clinique. Il repose sur un examen bien conduit et un examen clinique de la sensibilité. Pour faciliter le diagnostic, des experts français ont mis au point un nouvel outil qui permet de faciliter le dépistage de ces douleurs neuropathiques. Cet outil consiste en un questionnaire très simple, nommé DN4. Il comporte dix points : sept fondés sur l'analyse des mots du patient pour décrire leur douleur à type de brûlures, décharges électriques, picotements... et trois items relatifs aux données d'un examen clinique succinct. Validée selon des procédures scientifiques rigoureuses, la spécificité de DN4 est de 90 % et sa sensibilité de 83 % dès que le score de 4/10, considéré comme valeur-seuil est atteint.
Diabète, zona, traumatisme nerveux...
Les causes les plus classiques de douleurs neuropathiques, douleurs invalidantes qui altèrent la qualité de vie, sont les neuropathies du diabète et du zona, les traumatismes nerveux consécutifs à une intervention chirurgicale, ou à un accident, les radiculalgies des lombosciatiques et des névralgies cervico-brachiales.
On estime actuellement que les douleurs neuropathiques qui touchent au moins 30 à 50 % des patients suivis dans les structures spécialisées de la prise en charge de la douleur ne sont que tardivement reconnues et donc insuffisamment traitées.
Prise en charge plus rigoureuse et plus rationnelle
Leur prévalence, dans la population générale, devrait bientôt être connue à travers une étude initiée par les Laboratoires Pfizer.
Quant aux traitements, les nombreuses études menées ces dix dernières années ont montré que la prise en charge de ces patients pouvait être envisagée de façon plus rigoureuse et plus rationnelle. Malgré tout, le traitement pharmacologique reste encore insatisfaisant.
D'après une communication du Dr Didier Bouhassira (hôpital Ambroise-Paré, Boulogne) dans le cadre d'une journée de formation « Actualités des douleurs neuropathiques » présidée par le Dr D. Bouhassira.
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