1. Comorbidités et effets indésirables
Comorbidités et effets indésirables: évaluation préthérapeutique et information.
Lorsque la mise en route d'une CT est décidée, les comorbidités et les facteurs de risque d'effets secondaires doivent être évalués et corrigés. Cela inclut les anomalies métaboliques, diabète ou dyslipidémie, une hypertension artérielle, un ulcère gastro-duodénal, la notion d'ostéopénie et la présence d'une cataracte ou d'un glaucome.
La CT peut entraîner certains effets indésirables. Ces effets s'observent surtout pour des posologies de plus de 7,5 mg/j* et lors de traitements prolongés (plusieurs mois). Ils régressent pour la plupart à l'arrêt du traitement.
Les principaux effets indésirables rencontrés sont aussi – malheureusement – les témoins de l'observance thérapeutique : métaboliques (diabète, obésité facio-tronculaire), hypokaliémie, cutanés (érythrose faciale, augmentation de la pilosité, fragilité cutanée, ecchymoses) ainsi que le développement d'acné et de vergetures (syndrome de Cushing exogène). Les effets secondaires sont aussi musculaires (« myopathie cortisonée »), psychiatriques (irritabilité, troubles du sommeil), osseux (ostéopénie), ophtalmologique (cataracte cortisonée) et une augmentation du risque infectieux (tuberculose et infections à Herpes viridae).
2. Les principes du traitement
2.1. Adaptation de la dose: «épargne cortisonée»
Le traitement d'attaque, la décroissance et la dose d'entretien sont fonction de la maladie, de son activité et du terrain personnel du patient.
Règle : réduire au maximum les doses et la durée du traitement d'attaque, chercher le plus rapidement possible la dose minimale efficace.
Les horaires d'administration sont importants ; habituellement la dose totale est donnée en une fois le matin. Si l'inflammation ou les symptômes ne sont pas contrôlés la nuit, un fractionnement (2/3 de la dose le matin, 1/3 de la dose le soir) peut être fait.
Lors des traitements prolongés, la dose de corticoïdes doit être la plus faible possible et la diminution des doses doit être poursuivie tant que la maladie est stabilisée ou en rémission.
Une carte devrait être distribuée à tous les patients, qui mentionnerait : l'indication de la CT, la date du début du traitement, le dosage initial et les réductions successives de doses.
2.2. Arrêt du traitement: insuffisance surrénale?
A la dose de 5 mg/j*, et en fonction de l'évolution de la maladie sous-jacente, se posera la question de l'arrêt de la CT et du risque d'insuffisance surrénale aiguë. L'arrêt définitif ne se fera qu'après un test au Synacthène, réalisé après substitution temporaire par hydrocortisone (20 mg le matin, 10 mg le midi).
Attention : quelle que soit la dose, ne jamais interrompre brutalement le traitement au risque de provoquer une insuffisance surrénale aiguë engageant le pronostic vital. «Avoir toujours une boîte d'avance le week-end ou pendant les vacances.»
2.3. Surveillance du traitement: efficacité.
Le praticien devra aussi surveiller l'efficacité et veiller au moindre signe de récidive de la pathologie initiale, voire, dans ce cas, proposer une réascension de la CT au palier antérieur, en liaison avec le spécialiste.
3. Prévenir les effets secondaires
Les effets secondaires de la CT doivent être envisagés et discutés avec le patient avant sa mise en route. Cette information doit être permanente durant l'ajustement des doses et la surveillance de la corticothérapie.
3.1. La gestion du risque infectieux.
Il convient de rechercher l'existence d'une infection (chronique) ou de matériel prothétique susceptible de s'infecter.
En cas de suspicion d'anguillulose, un traitement préliminaire par Stromectol est indiqué pour éviter tout risque d' anguillulose maligne (sauf en cas de suspicion de loase).
De façon systématique, cinq questions doivent être abordées :
– tuberculose : il faut rechercher un antécédent personnel ou de contage. La réalisation de l'IDR n'est pas recommandée (ni le dosage d'interféron gamma*) ; elle peut être recherchée dans le carnet de vaccination ou de santé s'ils sont à jour... La réalisation d'un cliché pulmonaire, bien que non recommandée, est nécessaire, afin d'avoir au moins une imagerie initiale de référence en cas de complication infectieuse ultérieure.
– herpès : rechercher des antécédents d'herpès génital ou labial, surtout récurrent : informer du risque de récidive, proposer le cas échéant (plus de 6 récurrences par an), un traitement prophylactique par valacyclovir (Zelitrex) (500 mg x 2/j).
– hépatites B et C (VHB,VHC) : la CT est délétère en induisant une augmentation de la réplication virale. Il n'est pas recommandé de rechercher un portage de l'Ag HBs (sauf groupe à risque et patient originaire de zone d'endémie) avant de commencer le traitement, mais cela peut être souhaitable (comme lors d'une chimiothérapie) puisqu'une hépatite chronique B devra être traitée en cas de CT prolongée. Il n'est pas recommandé de dépister le VHC, sauf s'il existe une notion de transfusion avant 1991 ou de cytolyse fluctuante. Mais, chez un patient connu porteur du VHC, la surveillance devra être rapprochée, en milieu spécialisé, que le patient soit traité ou non.
– vaccinations : la plupart des vaccinations sont possibles. Les vaccins vivants sont contre-indiqués pendant la durée du traitement : BCG, vaccin poliomyélitique oral, vaccins contre la fièvre jaune, la varicelle, les oreillons, la rougeole, la rubéole.
Zones d'incertitudes :
• A partir de quand peut-on vacciner par vaccin vivant après l'arrêt d'une CT ? De 3 à 6 mois… ?
• Quelle est l'efficacité des vaccins ( Haemophilus, pneumocoque, grippe) sous corticoïdes : protection vaccinale réduite ?
3.2. Les complications métaboliques.
Pour réduire les effets secondaires de la CT sur les métabolismes glucido-lipidiques et hydrosodés, un certain nombre de règles hygiéno-diététiques devront être observées.
3.2.1. Sodium, potassium et métabolisme protéique.
Le régime hyposodé est nécessaire pour éviter la rétention hydrosodée, surtout s'il existe un terrain prééxistant d'HTA. La mesure de la TA est systématique à chaque consultation ainsi que la recherche de signes d'insuffisance cardiaque.
La rétention hydrosodée entraîne une fuite potassique variable avec une hypokaliémie potentielle qui peut se révéler par des crampes musculaires. Une compensation par potassium oral devra être systématiquement envisagée pour une CT supérieure à 20 mg/j*. Pour des doses inférieures, on s'adaptera au ionogramme réalisé à un mois.
La ration protéique doit être augmentée pour lutter contre l'hypercatabolisme protéique inhérent à la CT.
Les activités sportives sont conseillées (30 à 60 min/j) pour prévenir la survenue d'une myopathie cortisonée (indépendante de la dose).
3.2.2. Métabolisme glucidique et lipidique.
Au cours du traitement, la surveillance des patients doit porter sur la tolérance : le poids, la pression artérielle, les lipides sériques et la glycémie.
Le risque de survenue d'un diabète cortico-induit est réel, d'autant que le patient est en surcharge pondérale (IMC ≥ 25) ou que son périmètre abdominal dépasse 94 cm (H) et 80 cm (F) avec, éventuellement, plus de deux des autres facteurs suivants qui définiront un syndrome métabolique (IDF 2005( : TA > 130/85 mmHg, glycémie à jeun > 1 g/l, triglycérides ≥ 1,5 g/l, HDLC < 0,4 [H] 0,5 [F] g/l.
Chez le patient déjà diabétique, un déséquilibre sera attendu et la surveillance renforcée.
Enfin le risque d'athéromatose accélérée et de survenue d'anomalies du métabolisme des lipides doit faire observer un régime adapté, un arrêt du tabac, le cas échéant, et une surveillance des paramètres lipidiques tous les trois à six mois selon le terrain.
3.3. Prévention de l'ostéoporose.
Si une CT par prednisone ≥ 7,5 mg/j* est commencée et poursuivie sur une période de plus de trois mois, une supplémentation en calcium et en vitamine D doit systématiquement être prescrite, à discuter au cas par cas pour la sarcoïdose.
Un traitement à visée anti-ostéoporotique (ostéoporose cortisonique) par bisphosphonates doit être instauré en fonction des facteurs de risque d'ostéoporose, incluant une mesure de la densitométrie osseuse, surtout chez les femmes de plus de 50 ans. Il faut éviter la prise simultanée de calcium et de bisphosphonates pour prévenir des interférences d'absorption. Les cofacteurs favorisant une ostéopénie sont le tabac (femme), l'alcool (homme), la sédentarité, la ménopause « précoce » sans traitement substitutif.
3.4. Gastro-protection.
La survenue d'une maladie ulcéreuse gastro-duodénale sous CT est rare. Les malades recevant une corticothérapie peuvent recevoir un traitement protecteur gastrique s'ils ont des symptômes ou des antécédents de maladie ulcéreuse (FOGD préalable utile – pas de recommandations) ou s'ils sont âgés (> 75 ans). Le choix de la molécule se fera vers un inhibiteur de la pompe à protons.
Il faut éviter les associations délétères de la CT avec les AINS ou l'aspirine.
Si les antiagrégants sont formellement indiqués (angor), proposer une FOGD préalable et, en tout cas, un traitement systématique par IPP au long cours puisque le risque de saignement est augmenté.
3.5. Gestion du stress périopératoire.
Tous les patients sous corticothérapie supérieure à un mois et devant subir une intervention chirurgicale doivent recevoir une supplémentation en corticoïdes en périopératoire pour éviter les conséquences d'une éventuelle insuffisance surrénale. La dose est discutée individuellement.
3.6. Contraception, grossesse, allaitement.
Il n'existe pas d'interaction entre CT et estroprogestatifs. La CT augmentant les risques d'infection, le stérilet est à déconseiller.
La corticothérapie au cours de la grossesse ne présente pas de risque supplémentaire pour la mère et pour l'enfant.
Pour des doses < 20 mg/j*, il n'est pas démontré de passage dans le lait maternel. Pour des doses plus fortes, il est conseillé à la mère de nourrir son enfant à distance de la prise de CT (4 à 6 heures).
Conclusion
En conclusion, la CT, utilisée à bon escient, a des effets parfois spectaculaires sur la maladie en cause. Mais aussi sur le patient sous forme d'effets secondaires… Le patient sous CT au long cours devra être surveillé et éduqué par son médecin référent qui s'impliquera activement et à long terme dans le schéma thérapeutique.
La CT prolongée :
– cumule les contraintes hygiéno-diététiques du diabète, de l'HTA et des dyslipidémies… ;
– implique la prescription simultanée de potassium, bisphosphonates, calcium et vitamine D ;
– pose essentiellement le problème de « l'épargne cortisonée » : doses d'attaque minimales avec une durée la plus courte possible, trouver au plus vite la dose minimale efficace et, à plus long terme, la date d'arrêt du traitement… Avec, en arrière-pensée, le spectre de l'insuffisance surrénale…
Le patient devra aussi être surveillé après la fin du traitement pour dépister d'éventuelles rechutes de la maladie initiale.
Le médecin référent est donc le pivot de toute corticothérapie au long cours.
L' interféron gamma est sécrété par les lymphocytes T (LyT) au contact d'antigènes (Ag) mycobactériens. Un taux élevé indique une sensibilisation des LyT, mais ne peut faire la distinction entre tuberculose latente et maladie, comme l'IDR. Cette méthode, lorsque la technique utilise des Ag du complexe tuberculosis, élimine les patients dont l'IDR est positive après vaccination ou une infection à mycobactéries atypiques.
*(équivalent prednisone).
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