LA REFORME de la loi de 1970 « se heurte à certains obstacles juridiques et ne semble pas opportune actuellement (...) Contraventionnaliser l'infraction (d'usage simple) pourrait être interprété comme le signal d'une faible dangerosité des stupéfiants et produire une nouvelle augmentation de la consommation et de sa précocité ».
Ainsi en a décidé la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) en présentant son Plan quinquennal 2004-2008, validé trois jours auparavant par Matignon. Sur le papier, l'usager de drogue encourt, toujours, un an de prison, ou doit se soumettre à des soins (injonction thérapeutique). En fait, « des instructions générales de politique pénale » vont être adressées par le garde des Sceaux aux parquets. La politique sera orientée vers la prévention de la récidive, « tout particulièrement en direction des mineurs ». L'infraction d'usage sera traitée « de façon à rendre l'avertissement plus visible, plus rapide et plus systématique en utilisant la palette des sanctions » existantes : amende, suspension de permis de conduire ou immobilisation d'un véhicule. Dans tous les cas, « une juste orientation sanitaire des usagers interpellés n'interrompra pas la circuit pénal ».
Le 17 juin 1999, une circulaire d'Elisabeth Guigou a fait pratiquement disparaître l'incarcération des fumeurs de joints et autres consommateurs de drogues non dealers. Sur 70 000 personnes interpellées pour usage simple en 2001, une sur douze a été poursuivie. « Il faut absolument casser la courbe constante et ascendante de la consommation massive (de cannabis), notamment par un cadre de loi mieux adapté », affirmait devant les sénateurs en avril dernier le Dr Didier Jayle, président de la Mildt. A 18 ans, la moitié des filles et les deux tiers des garçons ont expérimenté le cannabis, et à 19 ans une sur douze et un sur cinq en fument régulièrement.
Tout pour la prévention.
Le Plan 2004-2008 est préventif. Les parents et l'école y
sont associés étroitement. Pour le cannabis, une ligne téléphonique spécifique va être ouverte, à l'instar de Tabac Info Service (0825.309.310), et un dispositif de consultations gratuites et anonymes, dans chaque département, aidera ceux qui dérapent. En milieu scolaire, une « éducation systématique » sera faite, tandis que des campagnes de communication grand public mettront l'accent sur des risques bien établis : « Altération de la mémoire, accidents de la circulation, ou encore désinvestissement scolaire en cas de consommation intensive. » La première opération télé devrait voir le jour « à la fin de l'année ou au début de la suivante ». L'Institut national de prévention et d'éducation en santé dispose de 4 millions d'euros à cet effet.
En ce qui concerne les produits de synthèse, les jeunes seront protégés selon « les conditions encadrées par un référentiel des pratiques de réduction des risques », établi par le Mildt, dont le principe a été posé par la loi de santé publique du 11 août 2004. Lors des événements festifs, au cours desquels le « testing » est abandonné, la présence d'acteurs de prévention permettra un contact avec le public et une veille active visera à repérer les nouvelles substances.
Prévention toujours face au tabac, avec un effort pour l'application de la loi Evin dans les écoles, mais aussi dans les restaurants et les autres lieux publics, et le renforcement des consultations de sevrage.
Pour l'alcool, l'objectif est de réduire de 20 % la consommation moyenne par habitant, en référence aux seuils définis par l'Organisation mondiale de la santé : de 2 à 3 unités d'alcool par jour (verres de 10 cl de vin) pour les femmes et de 3 à 4 unités pour les hommes.
En matière de soins, la consigne est de repérer l'abus ou la dépendance le plus tôt possible, de manière à proposer une prise en charge adaptée en médecine de ville ou en secteur spécialisé. La tâche devraient relever de généralistes formés à l'addictologie. A cet égard, on prévoit « une planification régionale et départementale, en fonction des indicateurs épidémiologiques, à travers les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) qui rapprochent les structures s'occupant de l'alcool, du tabac et des drogues illicites ». Et une vingtaine de communautés thérapeutiques, dont la charte est en cours de réalisation, ayant une capacité moyenne de 30 places, devraient élargir l'offre de soins.
Quant à la lutte contre le trafic, elle sera améliorée par un recours soutenu à l'enquête de patrimoine. Le fait de ne pas pouvoir justifier des ressources correspondant à son train de vie tout en étant en relation habituelle avec des personnes se livrant au trafic est puni de 5 ans d'emprisonnement.
Dans le même temps, au Parlement, une proposition de loi UMP-UDF sur les produits illicites reste d'actualité. Déposée en juin, elle exclut officiellement la prison pour les usagers simples (« le Quotidien » du 22 juin). Une première interpellation serait sanctionnée par un stage d'orientation socio-sanitaire, une amende de 1 à 75 euros, ou une contravention de 5e classe pouvant atteindre 1 500 euros. Et si le contrevenant est pris en infraction à 2 reprises en moins de 2 ans le délit relèvera du tribunal correctionnel.
Le leurre des cigarettes thérapeutiques
Alors que les ventes de tabac ont chuté de 20,5 % au premier semestre 2004, les cigarettes NTB (NoTaBac) font un tabac. Considérées comme médicament jusqu'en 1998, les cigarettes à l'arôme de noisetier, de papaye, d'eucalyptus, de menthe poivrée, voire de chanvre (dans ce cas, la mixture n'est pas préroulée), sans tabac, ni nicotine, sont « potentiellement dangereuses » pour la santé, avertit le Dr Anne Borgne, secrétaire générale de l'Office français de prévention du tabagisme. « Comme toutes les plantes séchées que l'on brûle, elles produisent du monoxyde de carbon. » Elles seraient « d'autant plus nocives que les anciens fumeurs (qui les adoptent, ndlr), en manque de nicotine, ont tendance à tirer très fort dessus ». Certes, « les fumeurs de NTD consomment rarement ce genre de produit pendant 30 ans ». Les tabacologues demandent que les NTD, vendues entre 3 et 4 euros, ne soient plus du ressort des pharmaciens, mais des buralistes.
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