Péril en la demeure.La commission des comptes de la Sécurité Sociale a confirmé la très sévère dégradation des comptes que chacun redoutait. Non seulement le régime général de la Sécu (salariés) vire au rouge après trois années d'excédents, mais la situation est bien pire que prévue : le déficit estimé en 2002 atteint 3,3 milliards d'euros quand l'audit de juillet n'en avait vu que 2,4. Et les perspectives pour 2003 sont alarmantes. Masse salariale à la baisse et flambée des dépenses d'assurance-maladie (+ 7,2 % cette année) expliquent pour l'essentiel cette détérioration jugée « très préoccupante » par le gouvernement et que Jean-François Mattei, de bonne guerre, a incluse dans « l'héritage » du quinquennat précédent.
Dévoilant les grandes lignes de son premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2003, le ministre de la Santé a soufflé le chaud et le froid, se montrant plutôt à l'aise dans cet exercice très délicat. « Il s'agit d'un texte de transition, car tout n'est pas possible tout de suite, mais il traduit les lignes directrices et la philosophie de notre nouvelle politique de santé et d'assurance-maladie », a-t-il résumé.
Pour l'essentiel, les « mesures correctrices » annoncées par le gouvernement épargnent le corps médical auquel le ministre de la Santé à ouvertement décidé de « faire confiance ». Une confiance qui s'incarne d'abord dans le chiffre de l'ONDAM 2003 (+ 5,3 %), que Jean-François Mattei a voulu « sincère, réaliste et crédible et non pas fondé sur des critères budgétaires » ; et ensuite dans sa décision de « tourner la page » de la maîtrise comptable ou de supprimer les comités médicaux régionaux (CMR) (tribunaux institués par le plan Juppé), les contreparties exigées demeurant très floues.
« Je demande aux acteurs de m'aider, les professionnels de santé doivent s'engager dans la FMC, dans des processus d'évaluation et de coordination des soins dont on a déjà beaucoup parlé mais qui doivent maintenant devenir réalité. Avec eux, je veux faire le pari de la qualité », a déclaré Jean-François Mattei. On est donc très loin de l'époque des reversements d'honoraires ou des lettres clés flottantes, mécanismes de régulation haïs par la profession. Signe suprême de sa bonne volonté, Jean-François Mattei s'est engagé à présenter chaque année au printemps un « collectif social », ou projet de loi de financement rectificatif, au cas où des écarts sensibles seraient constatés entre les objectifs fixés et les prévisions actualisées de recettes et de dépenses.
Responsabiliser les assurés
Du côté des hospitaliers, la politique engagée marque également la volonté de « redonner l'espoir » (relance de l'investissement pour moderniser les établissements, simplification des procédures de planification) même si certaines mesures risquent de provoquer quelques remous. Ainsi, la généralisation de la tarification à la pathologie à l'horizon 2004, calendrier extrêmement serré, et la « culture du résultat » que veut insuffler dans les établissements le gouvernement (excédé par le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion hospitalière) portent en germe des conflits dans les deux années à venir.
Si les professionnels de santé sont ménagés, c'est sans doute parce que la quasi-totalité des économies attendues concernent le médicament (vague de déremboursements en trois ans, forfait de remboursement instauré pour les produits généricables) avec à la clé une « responsabilisation significative » des patients, selon les propres termes de Jean-François Mattei. Des patients qui seront également mis à contribution lorsque le nouveau « panier de soins » aura été défini (en clair, ce que la solidarité nationale doit prendre en charge), un autre chantier annoncé par le ministre de la Santé.
A noter cependant que le ministre de la Santé a voulu aussi donner un gage aux industriels du médicament, en relevant d'un point (de 3 à 4 %) le taux de progression de leur chiffre d'affaires en médicaments remboursables, au-delà duquel les laboratoires seront soumis à des reversements, prévus par la clause de sauvegarde.
On le voit : le PLFSS 2003 est relativement indolore pour les professionnels de santé, et notamment pour les libéraux. Mais, à la veille des négociations conventionnelles entre les syndicats médicaux et l'assurance-maladie, le gouvernement devait donner le signe fort que le climat avait changé. C'est chose faite.
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