LE PREMIER MINISTRE en avait énoncé les grands axes le 26 mai en Dordogne. Philippe Bas, le ministre délégué aux Personnes âgées, en a détaillé les mesures. Le plan Solidarité grand âge doit répondre aux besoins des personnes de plus de 85 ans – elles sont 1,1 million aujourd’hui, elles seront 1,9 million en 2015 – et donner aux personnes dépendantes la possibilité de rester chez elles. C’est le premier axe des mesures gouvernementales. Pour permettre ce libre choix, le nombre de places d’hospitalisation à domicile va doubler (de 8 000 aujourd’hui à 15 000 en 2010) et celui de soins infirmiers à domicile, de 87 000, va augmenter de 40 % en cinq ans, avec 6 000 places de plus par an dès cette année. La tarification des soins infirmiers devrait être mieux adaptée avec, au premier semestre 2007, une revalorisation sur la base de l’expérimentation conduite cette année dans le département de la Charente. Les personnes dépendantes soignées à domicile devraient aussi bénéficier du meilleur maillage du territoire en généralistes et en infirmiers prévu dans le plan Démographie médicale. Comme les médecins, les infirmières libérales installées dans des zones déficitaires en professionnels devraient obtenir une hausse de 20 % de leur rémunération.
Les services à domicile seront également développés et diversifiés, avec une enveloppe augmentée de 24 millions cette année pour la Caisse d’assurance-vieillesse (Cnav), qui les finance avec les collectivités territoriales. Les professionnels intervenant à domicile seront par ailleurs formés à repérer les premiers signes de la dépendance grâce à une grille élaborée par le Comité national d’évaluation sociale et médico-sociale. Pour soulager les aidants familiaux, qui vont parfois jusqu’au bout de l’épuisement, 2 500 nouvelles places d’accueil de jour et 1 100 places d’hébergement temporaire seront créées tous les ans pendant la durée du plan. Des formules innovantes, sur le modèle du « baluchon » canadien, verront le jour, permettant de recruter un professionnel présent 24 heures sur 24 pendant quelques jours.
D’autres formules de logement seront aussi encouragées : résidences-services et maisons familiales en particulier.
La maison de retraite de demain.
Le deuxième axe du plan est ambitieux, puisqu’il s’agit d’ «inventer la maison de retraite de demain», avec un nombre de places qui devrait augmenter de 5 000 chaque année . L’un des objectifs est d’éviter les ruptures de prise en charge entre domicile et établissement. Lors de la conception de nouvelles maisons de retraite, seront donc prévus des services orientés vers le domicile : places d’accueil de jour, d’hébergement temporaire, services de soins et d’aide à domicile. La réglementation sera modifiée pour autoriser les établissements privés à avoir une activité de soins à domicile et pour permettre à l’inverse aux services d’hospitalisation à domicile d’intervenir en maison de retraite pour des soins lourds, voire des soins palliatifs. Du côté de la gestion, en 2007, quelques départements se verront transférer, à titre expérimental, l’ensemble des budgets relatifs à la prise en charge des personnes âgées.
Le gouvernement est aussi conscient du manque criant de personnel dans les établissements. Lors des renouvellements de conventions tripartites (Etat, département, maison de retraite), les besoins en soins médicaux (en dehors des soins liés à la dépendance) seront mieux pris en compte et le nombre de soignants devrait passer de 0,57 pour 1 résident à 0,65 en moyenne, et jusqu’à 1 soignant pour 1 résident pour les plus malades et les plus dépendants. Pour mieux ajuster les effectifs, le niveau de dépendance sera évalué chaque année et non tous les cinq ans. Deux mesures techniques permettront en outre d’ouvrir davantage les maisons de retraite aux soins paramédicaux de ville : une hausse de 15 % du budget en tarif global, la possibilité de conclure des conventions de prestations de soins.
Au total, les besoins en recrutement pour les dix ans qui viennent seraient de 400 000 professionnels, de tous les niveaux, de l’aide à domicile jusqu’au directeur d’établissement. Le recrutement va être favorisé par diverses mesures, comme l’ouverture de tous les métiers de la filière sanitaire et sociale à la validation des acquis de l’expérience ou des passerelles entre les différents diplômes.
Autre objectif : lutter contre la maltraitance. Le processus de signalement sera amélioré, avec la géné- ralisation de l’antenne d’accueil téléphonique Alma et la mise en place d’un correspondant identifié dans chaque Ddass. Un réseau national d’inspection sera organisé. Côté prévention, chaque établissement devra réaliser une auto-évaluation dans un délai d’un an. Quelques départements pilotes vont expérimenter un dispositif de prévention des risques d’épuisement du personnel, l’un des facteurs de risque de maltraitance. Les sanctions seront par ailleurs renforcées et les mesures de correction mieux suivies.
Une filière gériatrique.
Après les maisons de retraite, les établissements hospitaliers : c’est le troisième axe du plan. L’hôpital doit s’adapter aux besoins des personnes âgées, qui représentent un tiers des séjours et plus des deux tiers des admissions non programmées. Chaque territoire de santé devrait comporter une filière gériatrique comprenant toutes les unités nécessaires : court séjour (un lit pour 1 000 habitants de plus de 75 ans, soit 1 000 lits supplémentaires), soins de suite et de réadaptation (3 lits pour 1 000 habitants, 3 000 lits supplémentaires), équipe mobile (86 à créer), pôle d’évaluation gériatrique (comprenant un hôpital de jour, des consultations et des consultations-mémoire), lits de soins de longue durée (une place pour 2 000 habitants, 950 places supplémentaires). Les Agences régionales de l’hospitalisation labelliseront ces filières et l’objectif de recrutement est de 7 000 professionnels supplémentaires, dont 800 médecins. Pour resserrer les liens entre domicile, maison de retraite et hôpital, les conventions seront systématisées et les réseaux « personnes âgées » bénéficieront d’un financement spécifique. Un centre local d’information et de coordination gérontologique (Clic) et le réseau assureront la coordination.
Consultation de prévention.
Le quatrième axe du plan, assurer pour l’avenir le financement solidaire de la dépendance, tient en une mesure : une réflexion sur les modalités possibles de financements supplémentaires a été confiée à Hélène Gisserot, qui devra rendre ses conclusions au début de l’année prochaine.
Enfin, cinquième axe, promouvoir la prévention et la recherche. Dès 2007, une consultation gratuite de prévention chez un généraliste formé à cet effet sera proposée aux plus de 70 ans ; un groupe de travail pluridisciplinaire a été mis en place pour définir son contenu et son suivi. Pour la prévention, toujours, 3 millions iront chaque année à des projets et initiatives locales qui valorisent l’activité physique, les pratiques alimentaires saines et le lien entre les générations.
Côté recherche : un plan national de recherche sur le cerveau et les maladies du système nerveux va être lancé dès cette année ; 20 millions vont être ajoutés aux 200 millions consacrés aux neurosciences par les organismes ; la mise en oeuvre du plan Alzheimer va être accélérée. La gériatrie universitaire devrait être promue, avec une augmentation de plus de 60 % du nombre de PU-PH, qui sont aujourd’hui 40, et une trentaine de postes supplémentaires de chefs de cliniques assistants (pour atteindre 70 en 2010).
Au total, ce sont 2,3 milliards de crédits supplémentaires qui devraient être mobilisés de 2007 à 2012 : 504 millions pour la prise en charge à domicile, 1 387 millions pour les maisons de retraite, 400 millions pour l’hôpital et 35,5 millions pour la prévention et la recherche. Reste à savoir si les objectifs seront atteints au fil des changements politiques. Et s’ils sont suffisants. L’Adehpa, qui regroupe 1 800 directeurs d’établissements d’hébergement pour personnes âgées, a déjà fait savoir qu’elle trouve le plan «insuffisant» et les réponses qu’il donne «inadaptées».
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