Il y a cinquante ans, donc, Rita Levi-Montalcini découvrait dans le système nerveux un facteur de croissance qui fut appelé NGF, pour Nervous Growth Factor. Découverte majeure pour laquelle elle reçut le prix Nobel.
Jusqu'à présent, le NGF était considéré comme spécifique du système nerveux ; on pensait qu'il était exclusivement impliqué dans la croissance des neurones et qu'il favorisait notamment l'apparition de dendrites, essentielles dans la transmission de l'influx nerveux. Mais les choses changent : tout récemment, plusieurs équipes de chercheurs, dont celle de Nelly Frossard, à Strasbourg (INSERM U 425, unité spécialisée en neuro-immuno-pharmacologie pulmonaire), ont mis en évidence du NGF dans d'autres cellules que les cellules nerveuses. Des expériences in vitro sur des cellules pulmonaires en culture ont montré que le NGF était aussi exprimé par des fibroblastes et des cellules musculaires lisses bronchiques. Ainsi, en découvrant que les bronches humaines fabriquent aussi du NGF, Caroline Olgart Höglund (hôpital Karolinska, Stockholm, Suède) et l'équipe de Nelly Frossard ont mis le doigt sur un mécanisme nouveau qui pourrait se révéler capital dans la compréhension et le traitement de l'asthme.
Lavage broncho-alvéolaire et biopsies
Dans un premier temps, Gabrielle Pauli et Frédéric de Blay (hôpitaux universitaires de Strasbourg) ont soumis à un lavage broncho-alvéolaire 14 sujets : 7 en bonne santé (âge moyen : 25 ans) et 7 asthmatiques (de 21 à 26 ans). « Nous avons ensuite mesuré le taux de NGF présent dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire et cherché à localiser, grâce à des prélèvements effectués par biopsie, les types de cellules produisant le NGF dans les bronches », explique Caroline Olgart Höglund.
Sur le produit des lavages broncho-alvéolaires, l'équipe de Strasbourg a montré :
- premièrement, que le NGF est produit dans les bronches d'individus en bonne santé ;
- deuxièmement, et surtout, que sa concentration est beaucoup plus importante (plus que doublée) chez les asthmatiques.
Par ailleurs, à l'examen des biopsies, l'équipe de Nelly Frossard montre que les sources principales de NGF sont : l'épithélium bronchique, la couche de cellules musculaires lisses des bronches, ainsi que les cellules inflammatoires qui infiltrent la paroi bronchique. « Les cellules inflammatoires étant plus nombreuses chez les asthmatiques, il y a tout lieu de penser qu'elles contribuent largement à expliquer les taux élevés constatés chez les asthmatiques, indique Nelly Frossard. Mais la démonstration in vivo que le NGF est produit dans des cellules structurales des bronches, même chez un individu normal, implique que ce facteur de croissance nerveuse a probablement une fonction normale, physiologique. A nous maintenant de le vérifier », poursuit-elle.
Cellules inflammatoires
Comment expliquer, chez les asthmatiques, une telle augmentation du NGF et sa présence dans les cellules inflammatoires ? On est en droit d'imaginer, d'après les données disponibles in vitro, que les cellules structurales expriment davantage de NGF lorsqu'il y a inflammation, ce qui serait dans le droit fil de l'hypothèse inflammatoire de l'asthme.
On sait maintenant qu'il existe des récepteurs du NGF sur différentes cellules inflammatoires, notamment les lymphocytes et les mastocytes*. Le NGF pourrait donc activer à la fois les cellules du système nerveux et celles du système immunitaire ; il serait alors en quelque sorte le lien entre les deux systèmes dans ce que l'on appelle les réponses neuro-immunitaires.
Recherche thérapeutique
Ces travaux ouvrent une nouvelle voie ; il faut maintenant établir l'importance du NGF dans la physiopathologie de l'asthme. Si le NGF apparaît avoir un rôle délétère dans l'asthme, il faudra alors essayer de le bloquer, soit directement, soit par le biais de ses récepteurs. Si, au contraire, il apparaît avoir un rôle bénéfique, il faudra trouver le moyen de mimer son action ou de renforcer son expression.
« European Respiratory Journal », vol. 20, n° 5, 2002.
* Lors du dernier congrès sur le NGF, une séance entière était consacrée au rôle du NGF dans les processus immunitaires, en particulier dans l'inflammation.
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