EN INSTALLANT à la tête de l’assurance-maladie un superdirecteur concentrant tous les pouvoirs pour «négocier et signer» les conventions, la réforme 2004 a instauré un mode de gouvernance qui autorise, aux dépens des médecins, un petit jeu de « patate chaude » entre le ministre de la Santé et la direction de la Cnam.
Lorsque, pour prendre la température des négociations de fin d’année, les médecins généralistes et spécialistes se tournent – logiquement – vers le directeur de la Cnam, Frédéric van Roekeghem, ce dernier leur rappelle (à juste titre) que les évolutions tarifaires devront respecter le cadre des enveloppes que fixe le gouvernement et, notamment, l’objectif « soins de ville » (qui regroupe honoraires et prescriptions). Avec le levier de l’Ondam, c’est le gouvernement (et le Parlement) qui détient la clé des évolutions de tarifs.
Mais lorsque les mêmes syndicats, comme la Csmf lors de son université d’été, s’adressent directement au ministre de la Santé pour savoir à quelle sauce tarifaire ils seront mangés, ce dernier les renvoie volontiers... aux négociations avec le directeur, seul pilote dans l’avion. «Ce n’est pas à moi de dire s’il faut augmenter leC au 1erjanvier, au 1erfévrier ou plus tard. C’est à vous de faire le travail.» Le message du ministre est clair : à la convention de «vivre» ;aux caisses et aux syndicats de prendre leurs responsabilités, y compris en jouant les «Messieurs plus» de la maîtrise. Ce qui n’est pas si simple.
Ministérielle exigence.
Les choses se compliquent lorsque le ministre de la Santé fixe aux partenaires conventionnels leur feuille de route de négociation. C’est ce qu’a fait Xavier Bertrand depuis la rentrée. «Ma volonté est claire: il faut valoriser en priorité ces deux disciplines», déclarait-il dans nos colonnes (« le Quotidien » du 15 septembre) à propos de la médecine générale et de la chirurgie. Et on voit mal un directeur de l’assurance-maladie qui ignorerait cette ministérielle exigence. Quant à la mise en place du secteur optionnel avec compléments d’honoraires, c’est une négociation très « politique » qui va s’ouvrir.
Quiconque a assisté à des négociations caisses-médecins sait de toute façon que, à l’heure des arbitrages les plus cruciaux (valeur du C), le ministre de la Santé n’est jamais absent et que la ligne directe entre la Cnam et la Rue de Ségur fonctionne parfaitement.
Ce jeu de ping-pong peut se répéter. Xavier Bertrand a récemment fait la leçon à la Cnam à propos des retards dans l’application de mesures qu’il a lui-même annoncées, par exemple sur la démographie (la mise en place du C bonifié en zone sous-médicalisée).
Censée éclaircir les relations Etat/Cnam, la réforme de la gouvernance n’a pas totalement réussi son effet : elle a écarté les partenaires sociaux de la négociation, renforcé le pouvoir du directeur, mais sans empêcher les interventions – plus ou moins directes – de l’Etat dans les affaires caisses-médecins.
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