Idées / Un combat d’arrière-garde ?
« DÈS L’ÂGE de 18 ans, quand j’ai quitté le domicile familial, j’ai pris la décision de ne pas avoir de télé. Cela va faire seize ans que je vis sans elle, et je me réjouis chaque jour d’un tel choix. » Voici le point d’arrivée. Le point de départ ne semble pas être quelque lointaine « scène primitive » mais une algarade assez violente, sur un plateau de télé, avec un présentateur agressif. L’auteur assure qu’on ne l’y reprendra plus, il ne regardera plus et n’ira plus. Ceci donne lieu à une entrée en matière-règlement de comptes beaucoup trop longue.
Téléviathan est un mot-valise, empruntant au monstre biblique, le Léviathan, immortalisé au XVIe siècle par Thomas Hobbes, qui en fit l’image de l’État absolu. Alexandre Lacroix reprend, non sans talent, les théories assez traditionnelles et les critiques sur l’image télévisuelle. Cela va de « la société de consommation » (1970) de Baudrillard aux analyses verbeuses de Bernard Stiegler sur la « télécratie » et le fameux « temps de cerveau disponible » de Patrick Le Lay.
Après avoir réfuté un argument assez classique contre la télé – elle serait génératrice de violence et d’exacerbation sexuelle –, rappelé la théorie de la catharsis d’Aristote, l’auteur se fait plus personnel. Bizarrement, Alexandre Lacroix, qui a habilement objecté à Stiegler que la multiplication des chaînes empêche de souscrire à l’argument parano sur une chaîne entre les mains du pouvoir politique, délaisse cette voie et se concentre sur l’enchaînement de bêtises et de vulgarités vomi non-stop, autant dire c... comme la Une.
Les enfants et le couple.
Malheureusement, le langage présuppose ce qu’il s’agirait d’examiner de manière phénoménologique, « pollution télévisuelle », « mascarade », etc. À ce jeu, on ne trouve que ce qu’on cherchait.
Ayant catégoriquement affirmé : « Je ne crois pas que ce temps passé à regarder la télé m’ait jamais instruit, ni enrichi en quoi que ce soit » – un temps dont il nous a pourtant dit qu’il se réduisait à quasiment rien –, Alexis Lacroix éducateur nous met en garde, la télévision conduit à négliger ses enfants, son absence crée en revanche un « contexte sain ».
C’est sans rire qu’il poursuit, passant des enfants au couple et décrétant que, « pour quiconque souhaite maintenir une activité sexuelle digne de ce nom, la télévision est une rivale à éliminer ». Un bon documentaire tardif, et voilà « encore une nuit sans plaisir ».
De toute façon, conclut-il, il y aura de plus en plus une multitude de petits écrans dans notre vie, une pulvérulence de micro-Internets nous entourera à chaque instant, chassant l’arrogant monument domestique. Comme le cinéma devait chasser le théâtre et la télévision le cinéma ?
Alexandre Lacroix, « le Téléviathan », Café Voltaire/Flammarion, 116 p., 12 euros.
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