LES UTILISATEURS de drogues, les épileptiques et les adeptes des expériences « new age » évoquent des épisodes de sensation de détachement du corps associés à un sentiment de possibilité d'observer son propre corps à distance. Ces expériences, habituellement qualifiées d'extracorporelles, sont généralement mises sur le compte de phénomènes pathologiques ou de l'effet direct de substances neurotoxiques sur les circuits d'organisation cérébrale. Chez les sujets sains, elles sont considérées comme relevant de l'affabulation ou du paranormal. Pourtant, le travail mené par deux équipes de recherche en Suisse et en Grande-Bretagne tendrait à prouver que, mis dans les conditions particulières de stimulation visuelle et sensorielle, des individus sains pourraient ressentir de telles expériences. Les auteurs ont utilisé des casques visuels qui projettent à chacun des deux yeux une image captée par une caméra reproduisant chacun des champs visuels. Les caméras étaient placées dans le dos des volontaires à une distance de 2 m environ. Le participant avait donc dans son champ visuel l'image de son propre dos à distance et cette image était captée en direct ou en différé. Pendant le temps de l'expérience, les chercheurs ont touché à l'aide d'un objet le corps des volontaires ou leur image virtuelle projetée dans leur casque visuel. Dans les deux cas, les volontaires ont ressenti le contact, faisant conclure aux auteurs que «la perspective visuelle que nous avons de nous est d'une importance critique pour notre sensation interne du corps. En d'autre termes, nous sentons que notre moi est situé là où sont nos yeux».
Les chercheurs ont aussi dans un deuxième temps fait regarder aux volontaires un marteau lancé vers le bas de la caméra comme s'il était destiné à toucher une partie non visible du corps virtuel. Les mesures de la conductance de la peau – reflet des réponses émotionnelles telles que la peur – indiquent que les volontaires réagissent comme s'ils avaient quitté leur corps physique et investi leur corps virtuel.
D'autres expériences avec des simulations de type holographique en trois dimensions ont été menées par les chercheurs britanniques. Les sujets ont subi un mouvement passif différent de celui qui leur était projeté dans le casque. Au moment où les investigateurs leur ont demandé de reprendre leur position initiale dans la pièce, ils sont revenus à celle de leur image virtuelle différente de leur position initiale réelle. Pour les auteurs, les expériences extracorporelles pourraient être en rapport avec des conflits multisensoriels qui existeraient chez tous les sujets sains lorsqu'ils sont mis dans des conditions favorables.
« Science » 24 août 2007.
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