LE CENTRE NATIONAL DE GESTION (CNG), basé à Paris, a vocation à gérer la carrière des 40 000 praticiens hospitaliers en leur fournissant « coaching » et soutien en vue d'une reconversion. Il peut être saisi par le médecin lui-même ou par l'administration.
Ses travaux ont à peine débuté, que déjà surgit un cas polémique : celui d'un médecin dans la Somme qui n'a rien demandé, et qui, peut-être, sera le premier à se retrouver placé malgré lui en recherche d'affectation. La direction de l'hôpital de Montdidier, dans ce département, a saisi le CNG pour demander le départ du Dr William Natan, ORL, car Montdidier n'a plus de plateau technique et stoppe la chirurgie. La commission statutaire nationale – où siègent à parité médecins et administratifs – a rendu un avis positif sur le cas Natan le 14 février. A la directrice du CNG, Danièle Toupillier, de trancher.
Danièle Toupillier rendra sa décision en mars. Embarrassée, elle l'est, à l'idée d'une réaction négative du corps médical. La procédure de recherche d'affectation, il est vrai, inquiète. La directrice du CNG tient à la «démystifier». «L'objectif, dit-elle, est de faire rebondir les personnes lorsqu'elles le demandent, ou lors de restructurations. La mise en recherche d'affectation n'est pas une mise au placard. Le but est d'aider ces personnes à trouver un autre poste ailleurs dans les deux ans.»
Ambiance tendue.
Très remonté, le Dr William Natan considère qu'il y a tromperie. «On nous présente le CNG comme une avancée. C'est faux. Le CNG, c'est la mise au chômage des médecins, la fin de notre statut. Rien d'autre», tonne cet ORL.
La situation se corse lorsque ce praticien se met à décrire l'ambiance pour le moins tendue qui règne localement. Le différend qui l'oppose à son directeur ne date pas d'hier. Le Dr Natan l'accuse de «magouilles», il a déposé plusieurs plaintes. Lui-même a dû répondre de certains «agissements» que lui reprochent des aides-soignantes, en commission disciplinaire de l'Ordre des médecins. Le Dr Natan parle de «machination», de «sac de noeuds». Du rififi, il y en a aussi avec les autres médecins de l'hôpital, avec qui le Dr Natan, médecin DIM à ses heures, ne s'entend pas. «Ils sous-codent des actes. Je passe derrière et je recode correctement. Après, on m'accuse du déficit, c'est facile», raconte William Natan, décidément bien seul dans sa barque.
Appel à la raison.
Il ne s'agit là que d'un point de vue. Où se situe la vérité ? Le directeur de l'hôpital, contacté par « le Quotidien », n'a pas souhaité s'exprimer. Une chose est sûre, le Dr Natan ne quittera pas son poste de bonne grâce. «J'ai des attaches familiales, j'ai acheté une maison. Je ne partirai pas», lâche-t-il.
Le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Picardie, Pascal Forcioli, suit de près le dossier. Il appelle le Dr Natan à la raison : «Un hôpital qui n'a plus de chirurgie, et c'est le cas à Montdidier depuis juillet 2007, ne garde pas de chirurgiens. L'activité de ce médecin, qui fait une spécialité médico-chirurgicale, est assez faible: l'hôpital ne peut le garder dans ses effectifs. Notre politique de recomposition n'est pas à la hussarde, mais dictée par l'intérêt du patient. Il faut accepter une mobilité dans ce genre de situation. En Picardie, c'est le seul cas où un médecin n'accepte pas une mutation dans le cadre d'une restructuration. On ne peut pas le forcer, on n'a pas les moyens juridiques. La nouvelle procédure de recherche d'affectation, en revanche, le permet.»
Quel tournant la carrière du Dr Natan pourrait-elle prendre si le CNG le place en recherche d'affectation en mars ? «Il pourrait chercher un poste dans sa spécialité ailleurs. Ou se construire un autre parcours professionnel», anticipe Pascal Forcioli. «C'en est fini des PH inamovibles comme les magistrats du siège», se réjouit un chef d'établissement. Mais le Dr Natan n'a pas dit son dernier mot. Il n'exclut pas de saisir la justice s'il doit quitter Montdidier. «Si je saisis le tribunal administratif, le ministère de la Santé sera bien embêté car ils ne sauront plus quoi faire de moi», dit-il.
Au CNG, Danièle Toupillier est quelque peu embarrassée à l'idée que le corps médical ne s'émeuve de la situation. Son propos se fait aussi rassurant que possible. «Si je décide de placer ce médecin en recherche d'affectation, nous l'accompagnerons au mieux. Notre devoir sera de l'éclairer pour qu'il se trouve un autre projet.» Le rappel des règles est néanmoins très clair : «Nous lui ferons trois propositions. S'il les refuse, au bout de deux ans, il sera mis en disponibilité d'office, expose Danièle Toupillier . L'objectif est que les médecins soient heureux dans leur travail. Dans le pays, nous avons identifié une cinquantaine de médecins susceptibles d'être placés en recherche d'affectation. Onze dossiers nous sont déjà parvenus. Par exemple, un chirurgien demande à devenir ingénieur après un accident du travail. D'autres veulent changer de spécialité. Nous les y aiderons.»
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