A l'HEURE où des discours très négatifs, associant « vin et alcoolisme », « vin et sécurité routière », se développent, le Syndicat des appellations bordeaux et bordeaux supérieur a souhaité réagir en organisant un débat à Paris. Objectif : faire le point sur les dernières avancées de la recherche relative aux effets du vin sur la santé. L'occasion de tordre le cou aux idées fausses aux fins de réhabiliter « la plus saine et la plus hygiénique des boissons », selon les termes de Louis Pasteur.
Le french paradox n'a pas fini de motiver recherches et études - toutes plus ou moins complètes et sources d'autant de réponses que de questions. Si la plupart des données recueillies convergent et semblent confirmer qu'une consommation régulière et modérée de vin joue un rôle significatif dans la protection cardiovasculaire, elles soulèvent des questions sous-jacentes. « S'agit-il d'une coïncidence due au fait que la consommation régulière de vin est populaire dans les régions adeptes du régime dit méditerranéen ? Cet effet protecteur est-il l'apanage du vin, ou plus généralement de l'alcool, voire du jus de raisin ? Et si c'est bien le vin qui est bénéfique, faut-il faire une différence entre les rouges et les blancs ? » interroge le Pr Jean-Paul Broustet, cardiologue et professeur des universités. Sans oublier que ces études laissent trop souvent des paramètres essentiels de côté : on sait que les grands buveurs ont une plus forte consommation de cigarettes, alors que les abstinents farouches sont souvent des sportifs à l'alimentation exemplaire.
Un effet protecteur contre les démences ?
De la même façon, si de multiples études prospectives ont mis en évidence le rôle protecteur de l'alcool, et même plus spécifiquement du vin, contre les démences et la maladie d'Alzheimer, « observer une association ne signifie aucunement qu'il existe une relation de cause à effet. D'autres facteurs pourraient expliquer les différences entre consommateurs et non-consommateurs d'alcool », précise Luc Le Tenneur, épidémiologiste spécialiste de la maladie d'Alzheimer et chercheur à l'Inserm de Bordeaux. Car si la plupart des études tiennent compte du sexe, du niveau d'éducation, du statut marital, ou encore des revenus, d'autres facteurs non considérés dans les analyses pourraient expliquer les résultats observés. Il est possible que les buveurs modérés soient des individus modérés pour toute une série d'autres comportements aboutissant à une diminution du risque de démence, indépendamment de la consommation de vin. Ces sujets peuvent avoir une exposition différente à certains facteurs de risque, un régime alimentaire particulier, une sociabilité plus développée, etc.
La modération sur prescription.
Au terme d'un exposé scientifique exhaustif sur les valeurs nutritives (calories, acides aminés, minéraux, vitamines...) et thérapeutiques (tonifiant, eupeptique, diurétique, bactéricide, antiallergique...) du vin, le Pr Henri Joyeux, cancérologue, chirurgien et spécialiste en nutrition et en prévention des cancers à Montpellier, n'hésite pas, quant à lui, à prescrire « un verre de vin à chaque repas ». « S'il est vrai que l'alcoolisme est dangereux et constitue un fléau social (le vin représentant 65 à 70 % de l'alcool consommé par les Français), qu'il est la troisième cause de mortalité en France (avec 48 000 décès dont 35 000 par cirrhose), il est faux de dire que l'alcoolisme provient de la consommation excessive de vin (la consommation de vin baisse tandis que celle de la bière et des spiritueux augmente régulièrement). L'alcoolisme grandit parce que la consommation des alcools forts augmente et peu de gouvernements osent le dire », assure le cancérologue.
Selon lui, « ceux qui s'adonnent à cette drogue ne le font pas sans raison. L'alcoolisme est une des façons de refuser les problèmes de la vie. Il se développe comme la dépression et ses dérivés parce que de plus en plus d'hommes et de femmes ont progressivement perdu le sens de leur vie. » Et de proposer : « Aux alcooliques, trouvons du travail, de l'affection, une raison de vivre et ils arrêteront de boire. Aux déprimés, névrosés, angoissés, insomniaques, conseillons un petit verre de vin au milieu de chaque repas ». Cette prescription ne va pas sans posologie, adaptée au poids, au sexe et au niveau d'activité de chacun. « Boire du vin modérément, un verre au milieu de chaque repas, est un sage conseil qui n'augmentera nullement l'alcoolisme, mais qui, au contraire, facilitera l'équilibre de vie nécessaire au bonheur de chacun d'entre nous. Alors, n'attendons pas... n'abusons pas », conclut le Pr Joyeux.
L'alcoolisme « est un problème social comme la drogue. On ne le résoudra ni autoritairement ni par des conseils scientifiques, aussi vrais soient-ils. A problème social, solution sociale. Il faut aider les alcooliques à ne plus boire. Dans ce sens, les associations d'anciens alcooliques sont certainement plus efficaces que les campagnes des comités officiels ».
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