L'impact négatif d'un petit poids de naissance sur la tension artérielle systolique n'est pas un fait nouveau. Mais cette donnée est fondée sur des études comparatives entre des populations. La force de l'étude, publiée cette semaine dans le « Lancet », est d'être longitudinale. La confirmation de ce rôle du poids a pu être établie à partir du suivi d'une cohorte britannique, née en 1946, et régulièrement suivie avec prise de la pression artérielle à 36, 43 et 53 ans.
La cohorte, dont Rebecca Hardy et coll. (Londres) rapporte les données, était composée de 2 547 femmes et 2 815 hommes, vus vingt fois en consultation de la naissance jusqu'à 53 ans. Au total 3 035 personnes ont pu participer finalement à l'étude. De ces prises de tension répétées, il se confirme bien qu'un petit poids de naissance favorise une élévation de la tension systolique, mais non de la diastolique, au cours des âges moyens de la vie (36-53 ans). Plus précisément, pour 1 kg de poids de naissance supplémentaire l'élévation moyenne de la systolique est ralentie de - 0,4 mmHg par décennie (IC 95 % - 1,3 à 0,4 ; p=0,3). Il faut se souvenir, comme le précisent les auteurs, que le poids de naissance est un reflet de la croissance foetale et de facteurs nutritionnels ou d'exposition qui peuvent avoir un incidence à long terme sur la TA. Rebecca Hardy et coll. précisent qu'un effet d'amplification pourra apparaître avec l'augmentation de l'âge des participants, « nous pourrons évaluer cet effet dans des surveillances à venir ». Toutefois, l'effet du poids de naissance semble s'amenuiser au cours de la vie.
L'étude montre aussi une participation importante du niveau socio-économique dans l'enfance sur les chiffres tensionnels et qui semble largement amplifiée par l'IMC. Indice, d'ailleurs fortement associé à la pression artérielle et qui pourrait également être sous la dépendance de l'environnement dans les premières années de vie. Le travail montre que les personnes issues d'une classe sociale « manuelle » ont une élévation des deux variables tensionnelles supérieure à celle rencontrée dans la classe « non-manuelle ». Ici, l'effet sur la systolique est de l'ordre de 1 mmHg (IC 95 %, 0,1 à 2,0 ; p = 0,03). Mais, encore une fois, l'IMC prend un rôle déterminant sur les chiffres tensionnels. R. Hardy et son équipe avaient déjà montré que l'effet négatif du niveau social sur l'IMC existe dès l'âge de 20 ans, pour se concrétiser à 43 ans.
Certains facteurs ont pu fausser le résultat. Tout d'abord, le poids actuel des sujets. En fait, même après avoir ajusté les chiffres en fonction de l'IMC, la relation inverse poids de naissance-systolique persiste. Autre facteur d'erreur, les caractéristiques de maternelles et le déroulement de la grossesse. Ces données étant disponibles, les chercheurs ont pu en tenir compte. Elles n'influent que très modérément sur le résultat final.
Méthode d'évaluation de la PA
Un cause d'erreur peut être aussi le changement de méthode d'évaluation de la pression artérielle. Survenue entre les surveillances à 43 et 53 ans, elle pourrait expliquer la différence notée dans les chiffres des systoliques entre ces deux âges.
La rigueur scientifique veut que la conclusion du travail ne puisse être appliquée qu'aux sujets nés en 1946. En effet, l'établissement de la relation poids de naissance-systolique aux âges moyens de la vie et au-delà a déjà été démontrée sur des cohortes nées avant 1939. En ce qui concerne les enfants et les adolescents, les données sont disponibles chez des sujets nés après 1970.
Dernier facteur à prendre en compte : les antihypertenseurs. Les auteurs précisent n'avoir enrôlé que des sujets n'en ayant jamais pris. L'exclusion de ces individus ne peut qu'avoir diminué l'impact du poids de naissance ou de la classe sociale dans les résultats. Les 484 hypertendus exclus représentant des individus à risque élevé.
Ce travail, concluent les auteurs, montre surtout l'importance du contrôle du poids tout au long de la vie sur la survenue d'un HTA et de la place des mécanismes socio-économiques associés.
« Lancet », vol. 362, 11 octobre 2003, pp. 1178-1183.
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