CLASSIQUE
PAR OLIVIER BRUNEL
C' EST précisément « les Noces de Figaro », meilleure réussite de cette trilogie, qui était la troisième reprise de ce festival. On n'ajoutera ni ne retranchera un mot à notre dithyrambe sur l'excellente, claire et intelligente direction d'acteur de Vick (« le Quotidien » du 24 août 2000). Mais, avec une distribution un peu renouvelée, sans le formidable « Figaro » de Peter Mattei engagé cette année pour chanter « le Comte à Salzbourg » - son successeur, le Polonais Robert Gierlach, paraissant en comparaison bien appliqué -, avec une Susanna au charme vocal assez limité (Patricia Biccirè), une Comtesse un peu froide (Maria Costanza Nocentini) mais un Cherubino très expressif (Maria Comparato), l'homogénéité n'était plus aussi évidente. Pire encore, sous la direction du jeune chef français Louis Langrée, le London Philharmonic Orchestra ne sortait ce soir là guère de la fosse, comme étouffé et limité à certains détails d'accompagnement.
Très attendu car jamais mis en scène à Glyndebourne et objet de longues polémiques - sur le fait que Valery Gergiev et Vladimir Galuzin, qui auraient dû respectivement diriger et chanter le rôle titre de l'avant-dernier chef-d'œuvre de Verdi, ayant rompu leurs contrats s'étaient produits dans le même ouvrage sur la scène du Covent Garden lors d'une tournée de l'Opéra du Kirov la semaine précédente - « Otello », réalisé par Peter Hall et dirigé par Richard Farnes, avait le goût de la déception. Non que ses protagonistes, le ténor et le soprano britanniques David Rendall et Susan Chilcott n'aient, à défaut des types vocaux idéaux, les énormes moyens pour chanter Otello et Desdemona. Non plus que le reste de la distribution n'ait manqué d'éclat avec le Iago un peu trop pâle de timbre mais très bien chantant d'Anthony Michaels-Moore entendu au Châtelet l'hiver dernier et le clair et vibrant Cassio de Kurt Streit. Mais dans un grand dispositif vertical figurant galeries du navire et du palais et surtout dans la chambre embarrassée d'un immense lit autour duquel l'action de la fin de l'opéra se trouve congestionnée et surtout en raison d'une bien inexplicable et inutile transposition de l'action au XIXe siècle, la direction d'acteurs de Peter Hall paraissait bien conventionnelle et peu efficace. Mais surtout manquait cruellement à ce drame le feu sacré, celui qui, venant de la fosse, doit incendier les personnages dont l'impact ne se réduit pas à leur partie chantée. Là encore, est-il raisonnable de confier à de si jeunes chefs de si grands chefs-d'œuvre et un London Philharmonic Orchestra qui, jusqu'à la saison dernière, était mené dans le grand répertoire lyrique par l'énergie incandescente d'Andrew Davis ?
Plus préoccupante est la question portant sur la confusion des genres que pose l'œuvre de Sir Harrisson Birtwistle et Robin Blaser commandée conjointement par le Royal Festival Hall de Londres, le Deutsche Staatsoper Berlin et le festival d'opéra de Glyndebourne, soit une salle de concerts et deux maisons d'opéras qui s'en partagent la production. Glyndebourne a fait sa réputation mondiale depuis 1934 avec le théâtre lyrique, un certain type d'opéras même au début, s'étendant à un répertoire plus large et plus lourd depuis la construction du nouveau théâtre. Ce lieu est-il vraiment approprié pour y donner « The Last Supper » qui ne revendique que le genre vague de « tableaux dramatiques », qui traite en cent dix minutes ininterrompues de l'idée fictive du retour du Christ au XXe siècle pour reconduire la Dernière Cène dans le but de nettoyer le monde de deux mille années de bestialité et comporte extrêmement peu d'action dramatique ? Ne s'agit-il plutôt pas d'un oratorio que l'on pourrait jouer dans un cadre plus ouvert comme un lieu de culte à la manière des mystères médiévaux et pas dans un théâtre où l'on est en droit d'attendre plus d'action dramatique que ne le propose « The Last Supper » ? En effet douze bonshommes habillés identiquement en gris, fussent-ils des apôtres, chantant un texte fastidieux qui oblige à se cramponner au surtitrage, cinq minutes d'animation autour de l'arrivée de Judas (excellent Thomas Randle) qui, on l'imagine, ne fait pas l'unanimité, des décors austérissimes d'Alison Chitty (qui nous a habitué à pire à l'Opéra-Bastille), un Christ en Croix pendu dans les cintres et deux grands tableaux vivants de type sulpiciens, cela fait bien peu pour deux heures de spectacle ! L'excellente Susan Bickley essayait de lier tout cela dans le rôle du « Ghost » à mi-chemin entre l'Esprit-Saint et le chœur antique, la musique de Birtwistle dont c'était le deuxième ouvrage présenté à Glyndebourne après « The Second Mrs Kong » en 1994, est d'un modernisme de bon aloi et dirigée par Elgar Howarth avait une certaine allure, notamment les parties chorales, les mieux écrites pour la voix à qui le Glyndebourne Chorus rendait pleinement justice.
Glyndebourne Festival Opera (00.44.1273.813813). Site Internet : www.glyndebourne.com Le festival 2001 présentera des nouvelles productions de « la Bohème », « Carmen » et reprendra « Albert Herring » de Britten et « Katia Kabanova » de Janacek. Le théâtre du Châtelet (01.40.28.28.40) recevra pendant cette saison ce festival britannique qui donnera 4 représentations de « Rodelinda » de Haendel et « Fidelio » de Beethoven (du 29 janvier au 8 février).
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