LE TANDEM Montalvo-Hervieu aurait dû mettre en scène « Orphée et Eurydice » de Gluck pour l’Opéra du Rhin. Le projet n’ayant pas abouti, ils sont restés sur leur faim et ont exploité leurs idées et réflexions dans leur nouvelle création chorégraphique.
Difficile d’extraire « Orphée » de son contexte musical, même si des poètes et cinéastes l’ont réussi. Restant fidèles à leur système de danse autour d’un écran projetant des images des danseurs ou d’animaux et même des paysages, les chorégraphes ont adjoint à leur troupe de danseurs multiethniques, musiciens et chanteurs, certains d’entre eux se révélant également d’excellents danseurs. Un melting-pot de très haut niveau pour une heure trente de bonheur.
Cette création était d’autant plus attendue qu’elle a été reculée de 48 heures en raison de grèves du personnel de Chaillot, revendiquant à la fois pour leurs conditions de travail et contre la renégociation de leurs conventions collectives et inquiets du futur du théâtre en raison du départ en janvier 2012 de sa directrice Dominique Hervieu pour la Maison de la danse et la Biennale de Lyon. L’accueil a été unanime et les spectateurs, très nombreux, n’ont pas semblé en vouloir aux grévistes d’avoir été pris en otage un quart d’heure avant le début du spectacle pour des explications accueillies avec un mélange d’applaudissements et de sifflets.
Exploits.
Passée la pilule sociale, on a pu se laisser aller à leur narration du mythe qui débute par un film. Un jeune homme découvre l’histoire d’Orphée dans un livre acheté chez un bouquiniste des quais de la Seine. Il saute dans le fleuve et refait le parcours onirico-initiatique d’Orphée. Les animaux, chers à nos chorégraphes, sont charmés au passage, puis suit un collage kaléidoscopique où les différents danseurs évoquent le couple mythique, chacun dans son vocabulaire spécifique, des danses de rue à la danse moderne et même académique. Un échassier du Cirque du soleil se mêle à eux et réalise des exploits ébouriffants.
Mais ce n’est presque rien en regard de la performance de l’Orphée filmé, un jeune homme algérien au visage d’une intensité bouleversante, danseur de hip-hop unijambiste, qui apparaît sur scène et réalise, sur la tête, sur le côté, sur les mains, les acrobaties les plus ahurissantes.
Musicalement, on est aussi à la fête, avec deux instrumentistes, un violoncelliste et un joueur de théorbe, quelques chanteurs, dont un haute-contre qui n’a pas oublié de s’adjoindre un sens inouï de la scène et une capacité de danser plutôt admirable. Ils reprennent les cantilènes de Monteverdi, Gluck et Offenbach et le collage musical n’a pas peur de convoquer aussi Philip Glass et La Secte Phonétik. De l’ensemble se dégagent assez fortement les messages de la séparation des couples, de la fragilité de l’être humain et de l’artiste en particulier, du pouvoir de l’art et de la création poétique, sans que jamais ne pèse sur le spectateur plus que le pouvoir de suggestion, léger comme la danse et doux comme la musique.
Théâtre national de Chaillot (tél. 01.53.65.30.00 et www.theatre-chailllot.fr) du 19 mai au 19 juin. Places de 10 à 27,50 euros. Les bénéfices de la représentation du 8 juin seront reversés à Handicap International pour soutenir l’association dans son plan d’action en faveur des victimes du séisme d’Haïti.
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