Deux progrès importants ont amélioré la prise en charge du cancer du sein et celle du myélome : l’arrivée du premier traitement personnalisé par hormonothérapie pour l’un, l’intensification thérapeutique avec l’autogreffe de moelle et les cellules souches pour le second. Dans le cancer du sein, l’évolution va vers un traitement de plus en plus personnalisé agissant sur les voies de signalisation. Quant au myélome, des recherches sont en cours pour optimiser la consolidation après greffe et la maintenance.
Traitement du myélome : vers la guérison ?
« L'objectif très clair des dernières années est d'envisager la guérison », a rapporté Michel Attal, directeur général de l’Institut Claudius-Régaud de Toulouse. La particularité du myélome est la coexistence d’une hétérogénéité génétique et d’une hétérogénéité des populations tumorales. Cette pathologie est ainsi marquée par la génèse de sous-clones qui persistent et coexistent. Face à un clone tumoral pluriclonal, la question est : quelle fraction clonogénique faut-il cibler ? « Il nous est apparu logique d’utiliser des traitements non sélectifs, des stratégies capables de cibler toutes les sous-populations et anomalies génétiques », a indiqué Michel Attal.
Les stratégies de greffe de haute dose ont apporté un réel progrès en améliorant significativement la survie, encore augmentée en répétant les intensifications. Une constatation a permis une autre avancée : le taux de maladie résiduelle après traitement est très significativement corrélé à la durée de la réponse et à la survie. Pour guérir les patients, la première étape consiste dès lors à obtenir une MRD négatif. Cet objectif a été obtenu via l’amélioration des traitements d’induction : d’abord avec le VTD (Velcade®, thalidomide, Dectancyl®) puis avec le VRD (Velcade®, Revlinide®, Dectancyl®) et le CRD (carfilzomib, Revlinide®, Dectancyl®, capable de donner 89 % de VGPR après quatre cycles d’induction. « La stratégie est aussi d’essayer de diminuer la maladie résiduelle en améliorant les conditionnements de haute dose. » Une augmentation des taux de réponses complètes a été significativement obtenue avec l’association Velcade® – melfalan à haute dose puis Velcade® après greffe. « Ce conditionnement par Velcade®/melfalan pourrait devenir le nouveau standard international de conditionnement. »
Une autre découverte essentielle a été l’importance de la consolidation après greffe. « En France, le choix a été fait d’appliquer deux cycles de VRD : 84 % de VGPR sont ainsi obtenus. Avec l’utilisation du CRD, il est certainement possible de pousser le nombre de cycles de consolidation à quatre. » Un schéma entièrement oral avec le MLN associé au Revlinide® et Dectancyl® est par ailleurs testé dans la phase de consolidation. Appliquer une consolidation précoce permet donc d’améliorer les taux de réponse. Peut-on encore augmenter ces taux en ajoutant une consolidation tardive ? « Probablement oui », a répondu Michel Attal. Selon un essai pilote de 2008, l’utilisation du Revlinide® seul durant un an a un effet de consolidation considérable, avec 70 % de patients MRD négatif. Des essais pilotes démarreront en 2013 afin de tester une vraie phase de consolidation tardive avec un produit oral. Testé en maintenance, le Revlinide® entraîne par ailleurs une amélioration considérable de la PFS et de la survie. L’objectif d’un essai lancé en 2009 est d’apporter d’une part des réponses sur l’intérêt de la greffe systématique à l’ère des nouvelles molécules, d’autre part des résultats quant à la validation des courbes de survie.
« Les essais actuels permettent d’obtenir 90 % de VGPR et 70 % de MRD négatif. On peut espérer progresser dans l’espoir d’atteindre 80-90 % de patients MRD négatif et, pourquoi pas, la guérison », a déclaré Michel Attal.
Cancer du sein : une prise en charge de plus en plus individualisée
Dans le cancer du sein métastatique, une évolution de la survie globale a été observée au cours des années. Actuellement, la médiane de survie est supérieure à 30 mois. « Une vraie révolution est apparue avec la classification des cancers du sein et la signature génomique. On est passé d’une maladie unique à une maladie comportant plusieurs sous-groupes, avec des différences en termes de survie globale », a souligné Pierre Fumoleau, directeur général du Centre Georges-François-Leclerc de Dijon. Si l’on prend les cancers HER2 positif (15-20 % des cancers du sein), leur pronostic a été complètement modifié par l’arrivée des thérapies ciblées, en particulier antiHER2 par trastuzumab. Chez des patientes prises en charge précocément, les rechutes après cinq ans sont aujourd’hui exceptionnelles. Rapidement évolutifs, les cancers basal-like triple négatif (7-8 % des cancers du sein) sont souvent associés à des mutations génétiques constitutionnelles. De pronostic plus sombre, ils ne peuvent bénéficier, en dehors des thérapies locorégionales, que d’un traitement adjuvant par chimiothérapie. La majorité des rechutes apparaissant dans les trois premières années, une surveillance intensifiée s’impose durant cette période. De meilleur pronostic, les cancers luminaux, hormonodépendants (65-70 % des cas), présentent quant à eux des rechutes très tardives (parfois au-delà de dix ans) exigeant de ce fait une surveillance plus prolongée. « La classification est en train d’évoluer, avec notamment la mise en évidence d’un nouveau sous-groupe, les claudin-low, représentant 5-10 % des cancers du sein », a signalé Pierre Fumoleau. Parallèlement à ces progrès en matière de classification ont été développées des signatures génomiques afin d’éviter de sur- ou sous-traiter certaines patientes. De nouvelles chimiothérapies efficaces et moins toxiques, des thérapies ciblées tumorales et angiogéniques, une meilleure utilisation de l’hormonothérapie ont permis d’autre part d’accroître la survie. « Le concept aujourd’hui est que le cancer du sein métastatique est une vraie maladie chronique, nécessitant une surveillance rapprochée pour diagnostiquer l’échappement à un traitement, qui sera substitué par une thérapie plus adaptée », ajoute Pierre Fumoleau.
Pour contourner les résistances dans la maladie métastatique HER2, de nouvelles thérapeutiques sont apparues dont le pertuzumab. Pour l’obtention d’un bénéfice clinique, les études ont montré l’intérêt de continuer l’Herceptin et d’ajouter un anticorps monoclonal de deuxième génération permettant ainsi un double blocage. Une autre possibilité existe avec la bio-conjugaison Herceptin-greffe d’une chimiothérapie (métansine), qui permet de véhiculer la chimiothérapie dans les cellules tumorales ayant une hyperexpression d’HER2. Une amélioration considérable de la survie sans rechute a été confirmée en 2012. « Dans les cancers luminaux, on associe l’hormonothérapie à des inhibiteurs de transduction du signal, plus précisément des inhibiteurs de mTOR (dont l’everolimus), pour restaurer l’activité d’hormonothérapie. » Une étude lyonnaise a montré des résultats en faveur de l’association. Une autre étude publiée dans le New England Journal of Medicine a révélé une augmentation considérable de la survie sans progression, qui passe de 4 à 11 mois. « Parmi les perspectives, devant un cancer du sein métastatique, l’idée est de rebiopsier les métastases avec une étude complète du génome en raison de l’existence des phénomènes de conversion », a conclu Pierre Fumoleau.
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